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Droit des obligations
Indivisibilité contractuelle : inefficacité de la clause de divisibilité
Mots-clefs : Indivisibilité contractuelle, Approche objective, Économie générale, Clause de divisibilité expresse
Les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants. Sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.
L’indivisibilité contractuelle tacite l’emporte sur une clause de divisibilité expresse. Tel est l’enseignement majeur des deux arrêts rapportés, qui dissipent enfin les incertitudes causées par la notion d’indivisibilité contractuelle. L’éclaircissement est bienvenu compte tenu des conséquences que cette notion emporte, la jurisprudence déduisant de l’anéantissement d’un contrat appartenant au groupe contractuel la caducité des autres (Com. 5 juin 2007).
Dans chaque espèce était en cause un ensemble contractuel composé d’un contrat, nommé contrat de location financière, supportant le financement de l’autre, lequel finit par être résilié. Dans la première affaire, les juges du fond ont déduit de la disparition du contrat financé la résiliation du contrat de financement, ignorant alors la clause de divisibilité stipulée par les parties. Le pourvoi formé contre leur décision est rejeté. Dans la seconde affaire, alors que les juges du fond, pour refuser de constater la caducité du contrat de financement de la convention résiliée, conclurent à l’indépendance des contrats litigieux telle que la prévoyait la clause de divisibilité stipulée par les parties, la cassation est alors prononcée.
L’identité des attendus de principe de ces arrêts, malgré leurs dispositifs distincts, mérite d’être relevée : « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ». L’importance de cette formulation ne peut se comprendre qu’à l’aune des tergiversations que la notion d’indivisibilité conventionnelle a engendrées en jurisprudence comme en doctrine.
Une approche subjective a, d’abord, été proposée. Selon cette approche, le juge va rechercher si la volonté des parties de rendre leurs contrats indivisibles ressort sans ambiguïté des clauses de l’acte (Civ. 1re, 28 oct. 2010). Une approche objective fut, également, soutenue. Dans cette perspective, le juge va se détacher de la seule volonté des parties ou, à tout le moins, l’objectiver pour prendre en compte l’économie générale de l’opération, en fonction des différents contrats qui la soutiennent (Com. 13 févr. 2007). Les deux arrêts rapportés signent le choix, par la Haute cour, de cette dernière conception.
Dans cette approche objective de l’interdépendance, l’économie de l’opération supplante finalement la volonté des parties. C’est la structure de l’opération économique elle-même qui justifie l’indivisibilité conventionnelle et fait échec à la divisibilité au contraire stipulée par les parties. En effet, les clauses de divisibilité figurant dans le contrat de financement pour dissocier les contrats de l’ensemble contractuel sont réputées non écrites. Autrement dit, même expresse, une clause de divisibilité ne peut produire aucun effet si elle entre en contradiction avec l’économie générale de la convention pour la réalisation de laquelle les différents contrats ont été conclus.
La liberté contractuelle est ici sacrifiée, comme le préconisait déjà la chambre commerciale, jugeant inefficaces ce type de clauses dès lors qu’elles contredisent la finalité de l’opération, c’est-à-dire l’économie générale de l’ensemble conventionnel (Com. 15 févr. 2000 ; Com. 24 avr. 2007). Le sacrifice de la volonté des parties répond à des considérations protectrices du contractant en difficulté : en effet, la solution inverse à celle ici retenue aurait conduit à faire subir au débiteur le poids d’un contrat de financement devenu, compte tenu de l’anéantissement du contrat financé, sans intérêt pour lui.
Sous l’angle particulier du sort réservé à la clause de divisibilité expresse, les arrêts rapportés, prolongeant ceux rendus par la chambre commerciale dès 2000, confirment l’accroissement, en droit positif des contrats, de l’exigence de cohérence contractuelle. Cette exigence fut d’abord exploitée pour éradiquer les clauses qui, en permettant au contractant dominant d’échapper aux conséquences de l’inexécution d’une obligation essentielle, affectaient le contrat d’une contradiction interne (Req. 18 janv. 1863 ; Com. 22 oct. 1996). Comme les arrêts rapportés en fournissent une nouvelle illustration, l’exigence de cohérence contractuelle est désormais également exploitée pour neutraliser des clauses de divisibilité stipulées au mépris de la cohérence interne du groupe de contrats. Au nom de cette exigence, le concept d’indivisibilité contractuelle gagne donc du terrain quand celui de l’autonomie de la volonté voit son empire se rétrécir.
Ch. mixte 17 mai 2013, n° 11-22.768
Ch. mixte 17 mai 2013, n° 11-22.927
Références
■ Com. 5 juin 2007, n° 04-20.380, D. 2007. AJ 1723, obs. X. Delpech ; RTD civ. 2007. 569, obs. B. Fages ; JCP 2007. II. 10184, obs.Y.-M. Serinet.
■ Civ. 1re, 28 oct. 2010, n° 09-68.014 ; D. 2011. 566, note D. Mazeaud.
■ Com. 13 févr. 2007 , RTD civ. 2007. 567, obs. B. Fages ; JCP 2007. II. 10063, note Y.-M. Serinet ; JCP E 2007, n° 23, 1702, obs. M. Vivant, N. Mallet-Poujol et J.-M. Bruguière.
■ Com. 15 févr. 2000, Bull. civ. IV, n° 29 ; D. 2000. Somm.364, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 2000. 325, obs. J. Mestre et B. Fages ; Defrénois 2000. 1118, obs. D. Mazeaud.
■ Com. 24 avr. 2007, n° 06-12.443, RDC 2008. 276, obs. D. Mazeaud.
■ Req. 18 janv.1863, D. 2000. 80.
■ Com. 22 oct. 1996, D. 1997. 121, note A. Sériaux ; Defrénois 1997. 333, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 1997. 418, obs. J. Mestre.
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