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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Inégalité homme-femme et antisémitisme, des motifs suffisants pour une expulsion ?
Constituent des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes, au sens de l’article L. 631-3 du CESEDA et justifient ainsi l’expulsion d’un imam, des discours antisémites et des propos systématiques sur l'infériorité de la femme.
CE, réf., 30 août 2022, n° 466554
Prévue par le CESEDA, l’expulsion constitue une mesure de police uniquement applicable aux étrangers et qui a pour effet de les éloigner du territoire national au motif qu'ils troublent l'ordre public ou qu'ils constituent une menace grave à son égard.
Plus précisément, on distingue trois motifs possibles de l'expulsion: la « menace grave pour l'ordre public » (CESEDA, art. L. 631-1), la « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique » (CESEDA, art. L. 631-2) et les « comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » (CESEDA, art. L. 631-3).
Concernant l’affaire, largement médiatisée, relative à l’expulsion d’un imam, le juge des référés du Conseil d’État, contrairement à celui du tribunal administratif (5 août 2022, n° 2216413) n’a pas suspendu l’arrêté d'expulsion du territoire français pris par le ministre de l’intérieur le 29 juillet 2022.
Pour mémoire, voici un bref rappel des faits : un homme, de nationalité marocaine, né et résidant régulièrement en France depuis sa naissance, marié avec une ressortissante marocaine, en situation régulière sur le territoire français, a cinq enfants majeurs de nationalité française. Depuis le début des années 2000, il réalise des réunions et conférences, mises en ligne et diffusées sur internet, notamment sur les réseaux sociaux, portant sur l'islam et les questions religieuses.
■ Antisémitisme et discrimination envers les femmes
Pour justifier la décision d’expulsion, le juge des référés du Conseil d’État retient les discours de l’imam sur l’antisémitisme et ceux qui ont pour objet la discrimination envers les femmes se rattachent à la notion d’« actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » au sens de l’article L. 631-3 du CESEDA.
Cet homme a tenu de nombreux discours antisémites lors de conférences, discours relayés par les réseaux sociaux et donc accessibles à un large public. Il explique également, dans de nombreuses interventions diffusées dans des vidéos toujours disponibles sur internet, dont les dernières ont été réalisées en 2021, que les femmes sont inférieures aux hommes et ne peuvent donc pas bénéficier des mêmes libertés ou des mêmes droits que ceux-ci. Le juge des référés du Conseil d’État considère que ces propos méconnaissent, au détriment des femmes, le principe constitutionnel d'égalité. Il semble que la discrimination envers les femmes soit rattachée pour la première fois à la notion de comportements constituant « des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes » (art. L. 631-3 préc.).
■ Absence d’atteinte à la vie privée et familiale
Dans cette affaire se posait également la question de savoir si la décision d’expulser une personne vers son pays d’origine en raison d’actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination ou à la haine contre une personne déterminée ou un groupe de personnes ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale à la vie privée et familiale.
Le juge des référés ne considère pas la décision d’expulsion comme manifestement disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à la vie privée et familiale de cet homme : ses enfants sont majeurs et ne dépendent plus de leur père, son épouse, qui est également de nationalité marocaine, ne se trouve pas dans l'impossibilité de se déplacer au Maroc et de l'y rejoindre le cas échéant.
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