Actualité > À la une
À la une
Droit de la responsabilité civile
Infections nosocomiales : causalité alternative
Mots-clefs : Infection nosocomiale, Réparation, Responsabilité des établissements de santé, Lien de causalité (présomption, causalité alternative), Dommage (imputabilité, dispense de preuve)
Lorsque la preuve d'une infection nosocomiale est apportée mais que celle-ci est susceptible d'avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d'établir qu'il n'est pas à l'origine de cette infection.
Quelques mois après l'avoir appliquée dans l'affaire du Distilbène (Civ. 1e, 24 sept. 2009), la Cour de cassation recourt, de nouveau, à la causalité alternative, dans un arrêt du 17 juin 2010, s'agissant d'infections nosocomiales.
En l'espèce, un homme contracta une infection nosocomiale qui lui fut fatale. Ses ayants cause furent déboutés de leur demande de réparation, au motif que, si l'infection « avait un caractère nosocomial, il était impossible de déterminer lequel des deux établissements » dans lesquels il avait séjourné était à l'origine de l'infection.
Le problème n'était donc pas relatif à l'exécution de l'obligation, pesant sur la victime, d'établir le caractère nosocomial de l'infection ; il résulte en effet de l'article L. 1142-1, I, alinéa 2, du Code de la santé publique comme de la jurisprudence antérieure (applicable en l'espèce) que pèse sur les établissements de santé privés une obligation de sécurité de résultat.
Le problème concernait la preuve du lien de causalité : la victime ayant séjourné dans deux établissements, il était impossible de déterminer dans lequel l'infection avait été contractée. La cour d'appel avait déduit de l'absence de preuve du lieu de contamination le rejet de la demande d'indemnisation.
Cette décision est cassée au visa des articles 1315 et 1147 du code civil, la haute cour énonçant que « lorsque la preuve d'une infection nosocomiale est apportée mais que celle-ci est susceptible d'avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d'établir qu'il n'est pas à l'origine de cette contamination ». La Cour de cassation admet donc une nouvelle présomption de causalité, en acceptant d'assimiler causalité alternative et causalité juridique (C. Quézel-Ambrunaz, La fiction de la causalité alternative).
La victime se voit donc dispensée, dans l'hypothèse où l'infection nosocomiale peut avoir été contractée dans différents établissements, de la preuve de l'imputabilité de son dommage à tel ou tel d'entre eux. Comme dans l'affaire dite du Distilbène, c'est à chacun des établissements poursuivis qu'il appartiendra de prouver qu'il n'est pas à l'origine de l'infection. Une preuve négative qui sera particulièrement difficile, pour ne pas dire impossible, qui ouvrira la voie à une condamnation in solidum des établissements concernés.
Civ. 1e, 17 juin 2010, n° 09-67.011, FS-P+B+I
Références
« Dans le droit des obligations, lien de cause à effet entre la faute d’une personne ou le rôle d’une chose et le préjudice subi par un tiers.
Plusieurs facteurs pouvant intervenir dans la réalisation d’un dommage, la doctrine s’est efforcée de préciser cette notion ; on a parfois soutenu que toute cause est à l’origine de l’intégralité du dommage (théorie de l’équivalence des conditions) ; mais on a dit, à l’inverse, qu’il fallait rechercher la cause adéquate, c’est-à-dire celle qui, normalement, est de nature à provoquer le dommage considéré. La jurisprudence applique généralement la théorie de la causalité adéquate. »
« Infection contractée lors d’un séjour en milieu hospitalier ou d’une visite dans un cabinet médical donnant lieu à indemnisation au titre de la solidarité nationale. »
« Obligation pour le tout.
Obligations de plusieurs personnes tenues chacune pour le tout envers le créancier, alors qu’il n’existe entre elles aucun lien de représentation. L’obligation in solidum créée par la jurisprudence, a permis en particulier à la victime d’un dommage d’obtenir réparation de l’intégralité du préjudice en poursuivant l’un quelconque des coauteurs ; sous cet aspect elle constitue une garantie de solvabilité. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010
■ Article L. 1142-1, I, alinéa 2, du Code de la santé publique
« Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. »
■ Code civil
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
■ Civ. 1e, 24 sept. 2009, D. 2009. AJ 2342, obs. Gallmeister ; ibid. 2010. Chron. 51, obs. Brun ; RDSS 2009. 1161, obs. Peigné ; RTD civ. 2010. 111, obs. Jourdain.
■ C. Quézel-Ambrunaz, La fiction de la causalité alternative, D. 2010. Chron. 1162.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une