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[ 28 avril 2014 ] Imprimer

Droit pénal général

Injure publique : caractère public des propos tenus dans une cour d’immeuble

Mots-clefs : Injure, Publicité

Un propos injurieux ne constitue le délit d'injure publique que s'il a été tenu dans des circonstances traduisant une volonté de leur auteur de les rendre publics. Tel est le cas lorsque les propos ont été proférés dans une cour d’immeuble comportant seize appartements et à laquelle le public a accès.

Du propos (trop) décomplexé à l’injure raciste, il n’y a souvent qu’un pas ou, devrait-on dire, une parole.

Aux termes de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881, l'injure publique, comme la diffamation publique, suppose un élément de publicité. À défaut, ces délits ne constituent que des contraventions (C. pén., art. R. 621-1 et R. 621-2).

Pour être caractérisée, l’infraction suppose non pas seulement que les propos aient été tenus dans un lieu public mais encore l’intention coupable de rendre publics les propos incriminés. Selon la chambre criminelle, un propos injurieux, même tenu dans une réunion ou un lieu publics, ne constitue le délit d'injure que s'il a été « proféré » au sens de l'article 23 de la loi sur la presse, c'est-à-dire tenu à haute voix dans des circonstances traduisant une volonté de le rendre public (Crim. 27 nov. 2012).

La notion de publicité étant une question de droit qui doit être résolue en caractérisant les moyens et les faits énoncés à l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881, son appréciation faite par les juges du fond est soumise au contrôle de la Cour de cassation (Crim. 15 mars 1983).

C’est un tel contrôle qu’opère la chambre criminelle dans le présent arrêt, dans une affaire opposant deux propriétaires d’appartements dans le même immeuble. L’un d’eux, alors qu’il se trouvait dans la cour de l’immeuble, hurlait à l’adresse de l’autre « sale bougnoule, vous êtes juste tolérés ici ». Le voisin belliqueux a été condamné par les juges du fond pour injure à caractère racial, en récidive, prévue par l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881, à deux mois d’emprisonnement. Il faut dire qu’il n’en n’était pas à son coup d’essai, les juges relevant qu’il avait déjà été condamné à deux reprises, pour des violences avec armes commises à l’encontre du voisin, son fils et son épouse en 2010 et pour des insultes racistes courant septembre 2012.

Statuant sur son pourvoi, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir caractérisé le caractère public des propos en retenant que ces derniers « également entendus par l’épouse de la victime, ont été proférés dans une cour d’immeuble comportant seize appartements et à laquelle le public a accès ». De tels éléments montrent que les propos ont bien été tenus dans des circonstances traduisant une volonté de leur auteur de les rendre publics, peu importe à cet égard comme le soutenait le pourvoi que la cour d’un immeuble soit une partie commune et que les parties communes d’une copropriété constituent un lieu privé.

Crim. 8 avr. 2014, n°12-87.497

Références

■ Crim. 27 nov. 2012, n° 11-86.982, Dalloz actualité, 14 déc. 2012, obs. Lavric.

■ Crim. 15 mars 1983Bull. crim., n° 83.

■ Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

Article 23 

« Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet. 

Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime prévue par l'article 2 du code pénal. »

Article 33

« L'injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d'une amende de 12 000 euros. 

L'injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été précédée de provocations, sera punie d'une amende de 12 000 euros. 

Sera punie de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende l'injure commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. 

Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent l'injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap. 

En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner : 

1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal. »

■ Code pénal

Article R. 621-1

La diffamation non publique envers une personne est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 1re classe. 

La vérité des faits diffamatoires peut être établie conformément aux dispositions législatives relatives à la liberté de la presse. 

Article R. 621-2

« L'injure non publique envers une personne, lorsqu'elle n'a pas été précédée de provocation, est punie de l'amende prévue pour les contraventions de la 1re classe. »

 

 

Auteur :C. L.

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