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Droit pénal spécial
Injure : validité de la citation et requalification
Mots-clefs : Droit de la presse, Injure (publique, non publique, requalification), Moyens de diffusion, Injure à caractère raciale, Citation (validité, visa cumulatif)
La citation qui vise l'article 23, alinéa 1er, de la loi sur la presse en même temps que les articles réprimant l'injure publique n'est pas nulle dès lors que le prévenu a été en mesure de connaître le fait qui lui était reproché et de préparer sa défense.
Si, en principe, la citation contenant un visa cumulatif est nulle, en ce qu'elle ne permet pas de connaître le texte dont l'application est requise (v. par. ex. Crim. 17 juin 2008), il en va différemment lorsqu'il n'existe aucune ambiguïté sur les faits reprochés ni sur leur qualification et que le visa de l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 (texte relatif à la provocation aux crimes et délits, mais qui est le seul à détailler les différents modes de diffusion) n'est destiné qu'à définir les modes de diffusion, c'est-à-dire les moyens de publicité utilisés (TGI Paris, 10 sept. 1996 ; Paris, 18 sept. 1997).
En l'espèce, le procureur de la République avait fait citer un individu du chef d'injure à raison de l'origine, de l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, pour avoir adressé publiquement à une victime, d'origine maghrébine, un message sur son téléphone portable contenant les termes suivants : « avec cet argent, j'aurai pu nourrir un arabe en Irak, fais comme moi, fais passer ce SMS et laisse crever un bougnoule ». Le prévenu avait alors, sur le fondement de l'article 53 de la loi sur la presse, excipé de la nullité de la citation qui visait cumulativement les articles 23, alinéa 1er, 29, alinéa 2, et 33, alinéas 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1881. Le tribunal avait écarté cette exception et, après requalification, déclaré le prévenu coupable d'injure non publique à caractère racial envers un particulier.
La chambre criminelle rejette ici le pourvoi formé par le prévenu. Relevant que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt avait retenu que, si la citation n'était pas correcte en ce qu'elle visait l'article 23 en même temps que les articles réprimant l'injure publique, elle n'était pas pour autant nulle car le prévenu avait été en mesure de connaître le fait qui lui était reproché et donc de préparer sa défense, elle estime que les juges du fond ont justifié leur décision « dès lors que le visa, dans la convocation en justice, de l'article 23, alinéa 1er […] n'avait pas d'autre portée que de préciser le mode de publicité attribuée à l'injure visée dans la citation ». Cette solution s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence précitée ; et bien qu'elle s'affranchisse quelque peu du formalisme imposé par la loi de 1881 aux actes de poursuite, elle respecte la ratio legis de ces dispositions, à savoir la préservation des droits de la défense.
Références
« Formule latine que l’on peut traduire par “ la raison d’être de la loi ”. Plus précisément elle désigne la volonté déclarée ou présumée du législateur qui édicte ou modifie une norme. Cette connaissance de la pensée du législateur permet d’interpréter les textes lorsqu’ils sont obscurs ou incomplets. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Loi du 29 juillet 1881
« Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet.
Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie que d'une tentative de crime prévue par l'article 2 du code pénal. »
Article 29
Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure.
« L'injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d'une amende de 12 000 euros.
L'injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été précédée de provocations, sera punie d'une amende de 12 000 euros.
Sera punie de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende l'injure commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent l'injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap.
En cas de condamnation pour l'un des faits prévus par les deux alinéas précédents, le tribunal pourra en outre ordonner :
1° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal. »
« La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.
Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu'au ministère public.
Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite. »
■ Crim. 17 juin 2008, Bull. crim. n° 154 ; D. 2008. AJ. 2081, obs. Lavric ; AJ pénal 2008. 420 ; Dr. pénal 2008. Comm. 138, obs. Véron.
■ TGI Paris, 10 sept. 1996, Gaz. Pal. 1997. 1. 325.
■ Paris, 18 sept. 1997, Gaz. Pal. 1997. 3. 697, note J.-G. M.
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