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Procédure civile
Inscription de faux : rappel des conditions
Mots-clefs : Procédure civile, Acte authentique, Inscription de faux, Conditions
Dans une décision du 25 février 2016, la Cour de cassation rappelle un certain nombre de conditions à la demande d’inscription de faux, principalement en écartant celles érigées à tort par les juges du fond, telles que la prise en compte, pour apprécier la véracité des mentions contenues dans l’acte argué de faux, de la validité de ce dernier, ou encore l’existence d’un préjudice résultant de la fausseté de l’acte pour le demandeur.
Condamnée par un jugement irrévocable, une banque avait fait signifier des offres réelles de paiement et consigner les sommes proposées en paiement. Le destinataire de cette signification avait assigné la banque afin de voir constater, à titre principal, que les procès-verbaux établis par l’huissier de justice constituaient des faux et, à titre subsidiaire, que les offres et consignations de la banque étaient irrégulières.
A l’appui de divers éléments, la cour d’appel rejeta la demande d’inscription de faux.
Saisie d’un pourvoi formé par le destinataire de la signification, la Cour de cassation va casser cette décision en rappelant les conditions de l’inscription de faux.
Selon les juges du fond, si l’inexactitude de l’heure à laquelle l’huissier de justice s’est présenté à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ainsi que l’erreur invoquée dans le libellé du chèque démontraient des erreurs commises par l’huissier instrumentaire, celles-ci ne pouvaient caractériser un faux dans la mesure où l’objet de l’acte et sa destination n’en avaient pas été pour autant altérés.
La Cour invalide ce raisonnement. Au visa des articles 1317 et 1319 du Code civil et des articles 306, 307 et 308 du Code de procédure civile, elle juge que les actes authentiques faisaient foi de l'heure à laquelle l'huissier de justice s'était présenté à la CDC ainsi que de la personne à l'ordre de laquelle les chèques consignés étaient libellés dès lors que ces faits, argués de faux, avaient été personnellement constatés par l'officier public, de sorte que l’exactitude des mentions contenues dans les procès-verbaux litigieux devait s’apprécier « en considération de leur réalité et non de leur incidence sur la validité de la procédure d’offres de paiement et de consignation ». Ainsi la Cour affirme-t-elle que seul le contenu de l’acte doit être pris en compte pour juger de la véracité des mentions qu’il contient, indépendamment de la question de sa validité ou de son efficacité. Et la fausseté de ces mentions, qu’elle soit matérielle ou intellectuelle, suffit à constituer le faux. Aussi les juges du fond avaient-ils considéré qu’il ne résultait pas des circonstances de l’espèce que les inexactitudes invoquées seraient constitutives d’un faux sciemment commis par l’huissier instrumentaire. Là encore, la Cour les contredit, refusant d’ériger en condition de l’inscription de faux l’intention de celui ayant établi l’acte instrumentaire. Contrairement à la matière pénale, traditionnellement centrée sur l’intentionnalité de l’auteur de l’infraction (ce qu’est l’inscription de faux : C. pén., art. 441-4), la volonté du rédacteur d’acte est, en matière civile, indifférente. Ajoutant à nouveau et à tort une condition à la qualification d’inscription de faux, la cour d’appel avait estimé que le faux se distinguant de l’erreur purement matérielle, il doit, pour être constitué, résulter d’une altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice, en l’absence duquel le faux perd nécessairement son caractère punissable. Or en l’espèce, aucun préjudice n’avait été établi, ce que la Cour juge indifférent. L’inexactitude des mentions arguées de faux suffisant à retenir une telle qualification, l’éventualité d’un préjudice en résultant n’a pas à être par le demandeur. La cour d’appel avait enfin retenu que la validité des procès-verbaux dressés avait déjà été discutée entre les parties lors d’une précédente instance à la suite de laquelle une autre juridiction avait déclaré valables les offres réelles correspondantes, ce que le demandeur n’avait pas contesté. La Cour de cassation censure une nouvelle fois l’analyse des juges du fond, visant les articles 303 et 595, 3° du Code de procédure civile dont la combinaison doit conduire, rappelle la Cour, à autoriser qu’une inscription de faux soit formée contre un acte authentique, même si la contestation vise un écrit déjà produit en justice et contre lequel un incident de faux n’a pas encore été formé (V. déjà, sur la possibilité offerte à une partie à l’acte d’arguer ce dernier de faux lors d’une instance ultérieure, Civ. 2e, 10 juill. 1996, n° 94-15.851).
Appliquée à l’espèce, cette règle jurisprudentielle conduit la Cour à admettre que le demandeur puisse arguer de faux l’acte litigieux bien qu’il ne l’eut pas contesté au cours de l’instance antérieure. Sa position est logique, du moins conforme au second texte visé, justifiant davantage que le premier la solution adoptée. Autorisant l’exercice d’un recours en révision contre un jugement rendu à l’appui de « …pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement », ce texte implique plus généralement d’admettre que la fausseté de l’acte argué de faux soit invoquée après l’instance initiale, sans que cette contestation soit jugée tardive.
Civ. 1re, 25 févr. 2016, n° 14-23.363
Référence
■ Civ. 2e, 10 juill. 1996, n° 94-15.851 P, D. 1996. 349, obs. P. Julien ; RTD civ. 1996. 984, obs. R. Perrot.
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