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Droit des obligations
Interdépendance contractuelle et forclusion : interprétation du contrat de prêt au regard du contrat de vente.
Mots-clefs : Interdépendance, Contrat, Vente, Crédit, Forclusion, Interprétation
L’arrêt du 28 octobre 2015 est une illustration des effets de l’interdépendance contractuelle.
En l’espèce, l’acquéreur d’un panneau photovoltaïque accepte une offre de crédit, accessoire au contrat de vente, afin de financer ce dernier. Cependant, n’ayant pas acquitté les échéances, conformément aux modalités de remboursement prévues, la banque lui a notifié la déchéance du terme et l’a assigné en paiement des échéances dues.
Afin de faire échec à l’action en paiement, l’emprunteur opposait à la banque la forclusion de l’action, fondée sur l’article L. 311-52 du Code de la consommation, puisque celle-ci n’avait pas agi dans un délai de deux ans à compter du premier incident de paiement ; la date de ce premier incident de paiement ne pouvait être différé car la convention de crédit ne comportait pas de clause de paiement différé.
Les juges du fond vont interpréter le contrat de vente pour juger que le délai de forclusion n’était pas écoulé puisqu’il en ressortait qu’il était prévu que le remboursement du crédit puisse être en différé. Ainsi, l’exigibilité de l’échéance pouvait être décalée.
Le contrat de crédit peut-il être interprété au regard du contrat de vente ? Et plus précisément, une clause non prévue au contrat de crédit peut-elle être considérée comme existante en se fondant sur des éléments extrinsèques au contrat, et notamment sur le contrat principal de vente ?
La Cour de cassation répond par l’affirmative à ces questions. En effet, le contrat de vente et de prêt étant en l’espèce interdépendant, les juges du fond peuvent se fonder sur le contrat de vente pour dégager une clause de remboursement différé du prêt et en tirer les conséquences pour déterminer le point de départ du délai de forclusion.
L’article L. 311-52 du Code de la consommation impose à l’établissement de crédit d’agir en paiement dans un délai de deux ans à compter de l'événement qui leur a donné naissance. Cet évènement est caractérisé par : le non-paiement des sommes dues à la suite de la réalisation du contrat ou de son terme, le premier incident de paiement non régularisé, le dépassement du découvert autorisé en compte courant au-delà du délai de trois mois, le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable.
En l’espèce, la banque a assigné l’emprunteur le 2 avril 2012, alors que le premier incident de paiement est intervenu le 5 août 2009. Comme le contrat de crédit ne prévoit pas de remboursement différé le point de départ du délai aurait dû être le premier incident de paiement, soit le 5 août 2009.
Cependant, le contrat de vente, quant à lui, précisait que le prix de la vente serait payé à l’aide d’un crédit à amortissement différé et comportait l’indication d’un report de paiement de onze mois.
Du fait de l’interdépendance des deux conventions, la Cour de cassation a pu utiliser les clauses du contrat de vente, afin de pallier leurs absences dans le contrat de crédit. L’interdépendance des contrats permet en effet de les interpréter, non pas au regard de leur unique support, mais au regard de l’ensemble contractuel qu’ils forment et qu’ont voulu les parties.
La Haute juridiction laisse, aux juges du fonds, un pouvoir d’interprétation des contrats afin d’interpréter les clauses ambiguë pour pouvoir révéler la commune intention des parties (Civ. 1re, 9 nov. 1993, n° 91-22.059). Dans cet arrêt, elle étend la solution afin de permettre aux premiers juges d’interpréter l’ambiguïté en se fondant, non pas sur la convention de prêt elle-même, mais sur le contrat de vente.
La Cour de cassation, hésitante, avait pu décider que « l'application d'une clause compromissoire ne peut être étendue à des rapports d'obligations qui ne résultent pas de la convention où elle est stipulée » (Civ. 1re, 16 juill. 1992, n° 89-14.254 et Civ. 1re, 4 juill. 2006, n° 05-11.591). À l’inverse, elle avait déjà décidé qu’une clause compromissoire stipulée dans un contrat s’étendait aux autres qui forment l’ensemble contractuel (Com., 5 mars 1991, n° 89-19.940).
Dans cet arrêt, la seconde position est réaffirmée. La carence d’une clause dans un contrat peut être palliée par sa présence dans un autre contrat, s’ils sont interdépendants. L’effet relatif des contrats est ici atténué afin de prendre en compte l’ensemble contractuel voulu par les parties. Par ailleurs, elle a admis également, d’une part, dans un arrêt d’espèce similaire, que la nullité d’un contrat indivisible entraine l’anéantissement de l’autre (Civ. 1re, 10 sept. 2015), et d’autre part, qu’une clause inconciliable avec l’interdépendance contractuelle est réputée non-écrite (Com. 27 mars 1990, n° 88-15.092).
Civ. 1re, 28 oct. 2015, n° 14-11.498
Références
■ Code de la consommation
Article L. 311-52
« Le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par:
— le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme;
— ou le premier incident de paiement non régularisé;
— ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable;
— ou le dépassement, au sens du 11° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 311-47.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 331-7 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 331-7-1 ».
■ Com. 5 mars 1991, n° 89-19.940
■ Civ. 1re, 16 juill. 1992, n° 89-14.254
■ Civ. 1re, 10 sept. 2015, n° 14-13.658
■ Com. 27 mars 1990, n° 88-15.092
■ Civ. 1re, 9 nov. 1993, n° 91-22.059, RTD civ. 1994. 595, obs. J. Mestre.
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