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[ 29 septembre 2014 ] Imprimer

Droit administratif général

Interdiction de déplacement de supporters : conciliation entre la préservation de l’ordre public et les libertés fondamentales

Mots-clefs : Référé liberté, Liberté fondamentale, Ordre public, Supporter, Club de football, Mesure de police, Acte administratif, Urgence

Le juge des référés du Conseil d’État a, le 12 septembre 2014, rejeté la demande de suspension de l’exécution de l’arrêté du ministre de l’Intérieur du 9 septembre 2014 interdisant le déplacement en Corse des supporters du RC Lens du 12 au 13 septembre 2014.

En application de l’article L. 332-16-1 du Code du sport, le ministre de l’Intérieur avait pris un arrêté portant interdiction de déplacement des supporters du club de football du RC Lens lors de la rencontre en Corse du samedi 13 septembre 2014 avec le SC Bastia.

Sa décision était notamment motivée par les raisons suivantes : les relations entre les supporters de ces clubs de football « sont empreintes d'animosité depuis de très nombreuses années, ainsi qu'en témoigne le caractère récurrent des troubles graves à l'ordre public constatés à l'occasion de matchs impliquant ces deux équipes. Par ailleurs, lors des matchs organisés à Furiani, des individus se prévalant de la qualité de supporters du SC Bastia font preuve d'un comportement violent lors des matchs avec certaines équipes».

Cet arrêté avait donc pour finalité de garantir la sécurité des participants et spectateurs ainsi que la sérénité de la manifestation sportive. En effet, le ministre soutenait que « lorsqu'une telle interdiction n'a pas été édictée, des troubles violents et graves sont survenus régulièrement, à l'instar de ceux ayant émaillé la rencontre du 9 août 2014, opposant les supporters du SC Bastia à ceux de l'Olympique de Marseille ; … à cette occasion, 10 policiers et 34 gendarmes ont été blessés».

L’association de supporter du RC Lens « Tigers » a alors formé un recours en « référé liberté » afin de demander la suspension de l’exécution de l’arrêté litigieux.

Cette procédure permet au juge administratif « d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de 48 heures » (CJA, art. L. 521-2). Ainsi, le juge administratif peut suspendre l’exécution d’une décision administrative s’il estime qu’il est en présence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

En l’espèce, l’association requérante considérait que l’interdiction de tout « déplacement individuel ou collectif, par tout moyen, de personnes se prévalant de la qualité de supporter du RC Lens ou se comportant comme tel, entre d’une part, les communes du département du Pas-de-Calais, les ports de Nice, de Marseille et de Toulon, les aéroports de Lille-Lesquin, Roissy-Charles-de-Gaulle et Orly et d’autre part, la Corse » portait notamment une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion et à la liberté d’expression.

Mais, le juge des référés du Conseil d’État rappelle que les autorités de l’État ont pour mission d’assurer la préservation de l’ordre public et sa conciliation avec les libertés fondamentales. Il lui appartient d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l’administration tout en tenant compte des moyens mis à sa disposition et des circonstances particulières de l’espèce. 

Ainsi, le juge des référés considère dans cette affaire, que même si les menaces de troubles à l’ordre public invoquées dans l’arrêté ne sont pas directement imputables aux supporters du RC Lens, les rencontres sportives impliquant le SC Bastia ont provoqué de nombreux incidents à plusieurs reprises. Par ailleurs, vu les circonstances de l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction de l’affaire que d’autres mesures seraient de nature à éviter la survenance de troubles graves à l’ordre public lors de la rencontre du 13 septembre.

Ainsi, la mesure de police litigieuse est nécessaire à la préservation de l’ordre public et ne porte pas une atteinte grave et illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion et à la liberté d’expression. En conséquence, la requête présentée par l’association « Tigers » est rejetée.

CE 12 sept. 2014, Association « Tigers », req. n° 384405

Références

Article L. 332-16-1 du Code du sport

« Le ministre de l'intérieur peut, par arrêté, interdire le déplacement individuel ou collectif de personnes se prévalant de la qualité de supporter d'une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d'une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d'occasionner des troubles graves pour l'ordre public.

L'arrêté énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait qui la motivent ainsi que les communes de point de départ et de destination auxquelles elle s'applique.

Le fait pour les personnes concernées de ne pas se conformer à l'arrêté pris en application des deux premiers alinéas est puni de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 €.

Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, le prononcé de la peine complémentaire d'interdiction judiciaire de stade prévue à l'article L. 332-11 pour une durée d'un an est obligatoire, sauf décision contraire spécialement motivée. »

Article L. 521-2 du Code de justice administrative

« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »

 

Auteur :C. G.


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