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[ 23 mars 2011 ] Imprimer

Droit du travail - relations collectives

Interdiction de recourir à des travailleurs intérimaires pour remplacer des salariés grévistes

Mots-clefs : Droit de grève, Travail temporaire, Constitution (Préambule de 1946)

L’employeur n’est pas autorisé à recourir au travail temporaire pour effectuer le travail des salariés en grève, quand bien même les intérimaires concernés auraient été engagés avant le dépôt du préavis de grève.

Les salariés d’une entreprise s’étaient mis en grève. L’employeur avait alors ordonné l’augmentation des heures réalisées par les salariés intérimaires déjà présents au sein de l’entreprise. Le syndicat Force ouvrière s’était plaint en justice de cette pratique, qu’il estimait contraire à l’article L. 1251-10 du Code du travail.

Cette disposition vise à protéger l’effectivité du droit de grève, droit qui est constitutionnellement garanti en France (Préambule de la Constitution de 1946, pt. 7). Elle prévoit qu’« il est interdit de recourir au travail temporaire pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un conflit collectif de travail ».

Toutefois, la Chambre criminelle avait pu considérer par le passé que « l'art. L. 124-2 [L. 1251-10 nouv.] n'a d'autre objet que d'interdire à l'employeur de recourir au travail temporaire pour remplacer les salariés grévistes et de priver leur action d'efficacité ; il ne saurait être interprété de manière extensive comme interdisant d'employer dans leur qualification professionnelle des travailleurs temporaires embauchés antérieurement à tout conflit » (Crim. 2 déc. 1980). C’est sur ce critère chronologique que se fondait l’argument de la direction de l’entreprise, les intérimaires étant présents, au sein de l’entreprise, six mois avant la grève.

Cela n’avait toutefois pas convaincu la cour d’appel, qui avait condamné l’employeur pour atteinte au droit de grève des salariés. La Chambre sociale valide l’interprétation des juges du fond, en raison du fait que la direction avait fait accomplir par les intérimaires les tâches normalement dévolues aux salariés grévistes, et que le quota d’heures avait été spécialement augmenté à cette occasion.

Soc. 2 mars 2011, n° 10-13.634, FP-P+B+R

Références

Droit de grève

« Cessation concertée et collective du travail dans le but d’appuyer une revendication professionnelle.

Formellement condamné autrefois par la doctrine et la jurisprudence, le droit de grève des fonctionnaires – sauf interdictions spéciales et limitées – est reconnu depuis la Constitution de 1946.

- Grève perlée : ralentissement de la cadence du travail sans qu’il y ait arrêt complet. La grève perlée n’est pas reconnue par la jurisprudence (il ne s’agit pas d’une grève au sens juridique).

- Grève politique : grève n’ayant pas un but professionnel, destinée à agir sur la puissance publique.

- Grève sauvage : grève déclenchée en dehors d’un mot d’ordre d’un syndicat.

- Grève de solidarité : grève faite à l’appui de revendications qui ne sont pas propres aux grévistes.

- Grève surprise : grève déclarée sans préavis, ni avertissement.

- Grève sur le tas : grève sur les lieux de travail pendant les heures de service.

- Grève « thrombose » (ou « bouchon ») : grève limitée à un service, un atelier ou une catégorie professionnelle qui paralyse l’ensemble de l’entreprise.

- Grève mixte : grève dont l’objectif ou les caractères sont à la fois professionnels et politiques.

- Grève tournante : grève qui affecte successivement divers ateliers ou diverses catégories du personnel de l’entreprise.

- Grève du zèle : mouvement de protestation qui conduit les salariés qui s’y livrent à exécuter leurs obligations de manière particulièrement scrupuleuse et même tatillonne, ce qui conduit à un ralentissement de la production. D’un point de vue juridique il ne s’agit pas d’une grève. »

Travail temporaire

« Convention par laquelle une personne, le salarié, met son activité professionnelle à la disposition et sous la subordination d’une autre personne, l’employeur, qui lui verse en contrepartie un salaire.

- Contrat de travail à durée déterminée : contrat de travail affecté d’un terme. Il ne peut être conclu que dans des hypothèses limitativement énumérées par la loi.

- Contrat de travail à durée indéterminée : sans précision de terme, c’est le contrat de travail de droit commun; il peut être rompu à tout moment par la volonté unilatérale de l’une des parties, sous réserve, lorsque la rupture émane de l’employeur, de l’existence d’une cause réelle et sérieuse de rupture et de l’observation de la procédure de licenciement.

- Contrat de travail temporaire : contrat de travail écrit d’un type particulier (également appelé contrat de mise à disposition) qui lie un salarié à un entrepreneur de travail temporaire. Est entrepreneur de travail temporaire toute personne physique ou morale, dont l’activité exclusive est de mettre à la disposition provisoire d’utilisateurs des salariés qu’elle embauche et rémunère à cet effet, en fonction d’une qualification convenue. »

Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Article L. 1251-10 du Code du travail

« Outre les cas prévus à l'article L. 1251-9, il est interdit de recourir au travail temporaire :

1° Pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un conflit collectif de travail ; […] »

■ Point 7 du Préambule de la Constitution de 1946

« Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. »

Crim. 2 déc. 1980, n° 80-90.149, D. 1981. Jur. 346, note J. Pélissier.

 

Auteur :B. H.


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