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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Interdiction des « gay prides » à Moscou : la Russie condamnée
Mots-clefs : Conv. EDH, Discrimination, Homosexualité, Liberté de réunion et d'association, Droit à un recours effectif
Par un arrêt du 21 octobre 2010, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamne la Russie pour l'interdiction répétée, par le maire de Moscou, des manifestations en faveur des droits des homosexuels.
Saisie d'une requête déposée par un militant russe pour les droits des homosexuels, la CEDH condamne la Russie pour une triple violation des articles :
– 11 (liberté de réunion) ;
– 13 (droits à un recours effectif) ;
– et 14 (discrimination fondée sur l'orientation sexuelle) de la Convention.
Sur le terrain de l'article 11, la Cour s'interroge sur le caractère nécessaire de l'ingérence dans le droit du requérant à la liberté de réunion dans une société démocratique. Rappelant sa jurisprudence en la matière qui, en substance, garantit le bénéfice de la liberté d'association tant aux associations qu'au parti politique, dans le but de contribuer au pluralisme, à la tolérance et à l'esprit d'ouverture (v. CEDH 3 mai 2007, Baczkowski c. Pologne), elle rejette les deux séries d'arguments avancées par les autorités russes au soutien des mesures d'interdiction :
– le risque de trouble à l'ordre public : elle estime qu'il incombait aux autorités d'assurer le caractère pacifique de l'événement (§ 70) ;
– et les considérations de « morale publique » : elle rappelle que l'exercice des droits tirés de la Convention par un groupe minoritaire ne peut être conditionné à son acceptation par la majorité (§ 81) ;
et dénie aux autorités russes la large marge d'appréciation qu'elles invoquaient (sur l'argument tiré de la « morale » et les comportements « minoritaires », v. CEDH 16 févr. 2010, Akdas c. Turquie ; 7 oct. 2010, Konstantin Markin c. Russie).
Sur ce dernier point, en particulier, la Cour relève qu'un consensus est d'ores et déjà atteint, au niveau européen, sur un certain nombre d'éléments (interdiction de la pénalisation de l'homosexualité, interdiction des discriminations subies dans la jouissance de droits conventionnels) et que l'absence d'unanimité sur des questions comme l'adoption par un couple homosexuel ou le droit au mariage n'est pas pertinente en l'espèce puisque « conférer des droits substantiels aux personnes homosexuelles est fondamentalement différent de la reconnaissance de leur droit à militer pour de tels droits » (§ 84). Notant que les manifestations litigieuses offraient l'occasion d'un « débat équitable et public » sur les droits des homosexuels (§ 86), elle conclut que leur interdiction était injustifiée dans une société démocratique (§ 88).
La violation du droit à un recours effectif est également prononcée dans la mesure où le droit russe ne prévoyait pas de procédure qui aurait permis au requérant de contester efficacement l'interdiction de la manifestation avant la date prévue (§§ 98-100). Une discrimination en raison de l'orientation sexuelle est, enfin, constatée, sur la base des propos homophobes tenus par le maire de Moscou (§§ 109-110).
CEDH 21 oct. 2010, Alekseyev c. Russie, req. nos 4916/07, 25924/08 et 14599/09
Références
« Toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur appartenance physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales pour les mêmes raisons tenant aux membres ou certains membres de ces personnes morales. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ CEDH 3 mai 2007, Baczkowski c. Pologne, req. n° 1543/06.
■ CEDH 16 févr. 2010, Akdas c. Turquie, req. n° 41056/04.
■ CEDH 7 oct. 2010, Konstantin Markin c. Russie, req. n° 30078/06.
■ Convention européenne des droits de l’home
Article 11 - Liberté de réunion et d'association
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'État. »
Article 13 - Droit à un recours effectif
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »
Article 14 - Interdiction de discrimination
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
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