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[ 20 septembre 2017 ] Imprimer

Droit de la famille

Intérêt de l’enfant : l’ex du parent a un rôle à jouer !

Mots-clefs : Famille, Intérêt de l’enfant, Intervention d’un tiers, Séparation, Lien avec l’enfant, Appréciation, Droit de visite et d’hébergement

 

L’intérêt de l’enfant peut justifier le droit de visite et d’hébergement de l’ex-compagne de la mère.

Dans le cadre d’un projet parental commun nourri par un couple lesbien, une femme avait accouché d’une petite fille conçue avec un homme mais dont la filiation, paternelle donc, n’avait pas été déclarée. Deux ans plus tard, le couple se sépara et la mère avait alors pris la décision d’empêcher tout contact entre sa fille et son ancienne compagne. Cette dernière avait saisi le juge afin de se voir attribuer un droit de visite et d’hébergement de la petite fille. Les juges du fond firent droit à sa demande en se fondant sur l’intérêt supérieur de l’enfant. 

La mère forma un pourvoi en cassation pour contester cette décision ; au soutien de son pourvoi, elle argua du fait qu’elle vivait désormais avec un nouveau compagnon, que l’enfant n’avait pas de réel passé commun avec son ancienne « belle-mère » ni de souvenirs exacts gardés de leur ancienne et temporaire cohabitation et que le seul fait qu’elle et son ancienne compagne avaient nourri ensemble, à une certaine période, un projet parental commun, ne suffisait pas à légitimer l’octroi d’un droit de visite et d’hébergement à son ancienne compagne. 

La Cour de cassation fait fi de la thèse du pourvoi par une motivation étayée mais essentiellement appuyée sur l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il avait été souverainement apprécié par les juges du fond, lesquels avaient constaté que « l’intérêt de l’enfant commande qu’elle ait accès aux circonstances exactes de sa conception, de sa naissance, ainsi que des premiers temps de son existence, sans que cela n’empêche une relation affective de qualité avec l’actuel compagnon de sa mère, et que l’existence de relations conflictuelles entre les parties n’est pas un obstacle suffisant pour justifier le rejet » de la demande de l’ex-compagne dès lors que l’enfant, « décrite comme une enfant épanouie et équilibrée, est en mesure de renouer des liens affectifs avec cette dernière », outre le fait que l’ex-compagne, « qui ne sollicite qu’un simple droit de visite, en proposant de se déplacer pour voir l’enfant, témoigne de l’intérêt qu’elle (lui) porte et de son désir de ne pas brusquer la mineure en reprenant de manière progressive et adaptée des contacts avec elle (…) ». 

En principe titulaires de l’autorité parentale, les parents ne disposent pas pour autant de pouvoirs absolus sur la vie de leur enfant, et notamment sur leur fréquentation. En effet, dans la mesure où « (l)’autorité parentale (…) a pour finalité l’intérêt de l’enfant » (C. civ., art. 371-1), les initiatives de son père et de sa mère seront donc considérées comme contestables si elles sont susceptibles de contrarier son intérêt, érigé comme étant supérieur à celui de ses géniteurs. 

En ce sens, si les parents de l’enfant sont légitimement en droit de contrôler ses fréquentations, quitte à lui interdire celles susceptibles de lui porter préjudice en mettant en danger sa sécurité, sa santé ou sa moralité (V. C. civ., art. 371-1), ils ne peuvent néanmoins pas faire obstacle au développement ou au maintien de certaines relations, notamment celles nécessaires au bien-être, à l’équilibre et à l’épanouissement de l’enfant. Ainsi, le texte de l’article 371-4, alinéa 2 du Code civil peut-il notamment permettre à d’anciens conjoints ou concubins des père et mère de continuer à fréquenter ce dernier. Sur le fondement de ce texte, le juge aux affaires familiales peut en effet accorder un droit de visite et d’hébergement de l’enfant au tiers ayant partagé la vie du parent si tel est l’intérêt de l’enfant. Cette disposition légale a sans doute été rendue nécessaire par le constat que le père ou la mère qui a cohabité avec un tiers est généralement peu enclin à partager ses droits avec ce dernier une fois que la rupture est consommée et que la cohabitation a cessé, et qu’il est parfois même tenté d’exclure complètement de l’existence de l’enfant cet ancien conjoint ou concubin. Or si ce dernier manifeste un réel attachement à l’enfant et que l’intérêt de ce dernier le commande, le texte précité prévoit de manière opportune que le juge puisse fixer les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, même s’il n’en est pas le parent, dès lors qu’il a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents et qu’il a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation et noué avec lui des liens affectifs durables. L’ancien époux ou compagnon du père ou de la mère peut donc être autorisé, a minima, à correspondre avec l’enfant dont il a, un temps, partagé l’existence, et même, au mieux, à lui rendre visite et à l’héberger (Sur ce point, V. J. Garrigue, Droit de la famille, 1re éd., Dalloz, coll. "HyperCours", 2015, n° 860). Plus globalement, ce texte reflète, parmi d’autres dispositions, une réalité sociologique, celle de la banalisation des recompositions familiales, impliquant concrètement que les enfants sont de plus en plus souvent amenés à vivre quotidiennement avec le nouveau conjoint ou concubin de l’un de ses parents, lequel joue généralement un rôle très important dans la vie des enfants. Cela étant, les relations entretenues entre eux, à l’image de celles vécues par les auteurs de ces familles recomposées, sont parfois éphémères et/ou conflictuelles en sorte que la reconnaissance voire même la promotion de la coparentalité supposent d’abord de résoudre les conflits susceptibles d’opposer les parents « originaires » de l’enfant, d’apaiser ceux susceptibles de s’ériger entre le parent et son nouveau partenaire de vie comme de veiller à ce que dernier ne réduise pas, progressivement, le rôle par principe attribué à l’un comme à l’autre de ses parents pour qu’enfin, la relation entretenue entre l’enfant et le nouveau conjoint ou concubin de l’un de ses parents soit vue et reconnue comme un bienfait plutôt que comme une menace pour l’enfant. 

Ainsi, bien que le statut de « beau-parent » ne soit pas encore reconnu, le législateur permet parfois, comme en témoigne la décision rapportée, de conférer un certain rôle, même après la rupture, au compagnon de vie du parent. L’intérêt de cette décision est aussi de montrer que ce rôle peut également être joué lorsque le parent et son conjoint ou concubin, ancien ou actuel (V. dans le cas d’une délégation-partage, Civ. 1re, 24 févr. 2006, n° 04-17.090), sont de même sexe. 

Civ. 1re, 13 juillet 2017, n° 16-24.084 

Référence

■ Civ. 1re, 24 févr. 2006, n° 04-17.090 P : D. 2006. 897, note D. Vigneau ; ibid. 876, point de vue H. Fulchiron ; ibid. 1139, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1414, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; AJ fam. 2006. 159, obs. F. Chénedé ; RDSS 2006. 578, obs. C. Neirinck ; RTD civ. 2006. 297, obs. J. Hauser.

 

Auteur :M. H.

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