Actualité > À la une
À la une
Procédure civile
Interruption de l’instance : un mécanisme procédural spécifique
La majorité d’une partie est une cause automatique d’interruption de l’instance qui répute non avenue, sous réserve d’une confirmation par la partie bénéficiaire, la décision de justice rendue en méconnaissance de cette interruption.
Après son mariage, célébré sur le territoire français, un ressortissant algérien avait souscrit une déclaration de nationalité française, sur le fondement de l'article 21-2 du Code civil. Celle-ci avait été enregistrée. A la suite du divorce du couple, le procureur de la République avait assigné le requérant et sa première épouse, tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur, né le 12 juin 1999, aux fins d'annulation de l'enregistrement de sa déclaration de nationalité, sur le fondement de l'article 26-4 du Code civil, pour fraude à la loi. Conformément à cette demande, une cour d’appel annula la déclaration et constata l'extranéité de l’ancien époux, ainsi que celle de son fils, devenu majeur. Ces derniers formèrent un pourvoi en cassation, notamment au moyen, soulevé par le fils, du caractère non avenu de l’arrêt rendu. Au visa des articles 369 et 372 du Code de procédure civile, la Cour de cassation accueille la demande du fils. Affirmant d’une part que, selon le premier de ces textes, l'instance est interrompue par la majorité d'une partie et que d'autre part, il résulte du second que les actes accomplis et les jugements, même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus, à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue, la première chambre civile juge que l’arrêt contesté, rendu alors que l'instance avait été interrompue par la majorité d’une des parties au litige, atteinte le 12 juin 2017, donc avant l'ouverture des débats et sans reprise ultérieure, doit être réputé non avenu.
L’interruption d’instance consiste à arrêter provisoirement le cours d’un procès en raison d’un événement entraînant une modification dans la situation personnelle des parties ou de leurs représentants telle que cet événement affecte les droits de la défense. Constituent également des obstacles à la poursuite de l'instance les incidents survenant au cours de celle-ci mais indépendamment de la situation personnelle des parties en cause, ou de leurs représentants : ces derniers causent non pas l’interruption, mais la suspension de celle-ci. Ainsi est-ce le cas, par exemple, quand une partie soulève une exception de procédure.
Les causes d’interruption de l’instance sont prévues aux articles 369 et 370 du Code de procédure civile.
Trois événements sont interruptifs de plein droit : la survenance de la majorité d'une des parties ; la cessation des fonctions d'avocat de l'une des parties lorsque la représentation est obligatoire ; la survenance d'un jugement de redressement ou de liquidation judiciaire lorsque l’instance engagée avait pour but de condamner le débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent (C. com., art. L. 622-21 ; C. pr. civ., art. 369). Les trois autres cas d’interruption de l’instance dépendent de la notification de l’événement qui le justifie à l'autre partie : la cessation des fonctions de celui qui représente légalement un incapable ; le recouvrement ou la perte par l'une des parties de sa capacité d'agir en justice ; le décès de l'une des parties (C. pr. civ., art. 370).
Les effets de l’interruption de l’instance sont, comparés à ceux produits par sa seule suspension, plus drastiques. Alors qu’en cas de suspension de l’instance, celle-ci reprendra automatiquement son cours dès la disparition de la cause de suspension, la reprise d’une instance interrompue exige qu’un acte procédural soit effectué, soit par la partie bénéficiaire de l’interruption, sous la forme de conclusions ou de déclaration en procédure orale (C. pr. civ., art. 4, art. 373, al. 1er), soit par la partie adverse, par voie de citations, et éventuellement sur invitation du juge, lequel n’est pas dessaisi (Civ. 3e, 12 mai 1999, n° 97-20.646), même s’il ne peut plus statuer au fond. Aussi le délai de péremption est-il interrompu en même temps que l’instance, et tous les actes ou jugements postérieurs à l'interruption de l'instance, même ceux passés en force de chose jugée, sont réputés non avenus (Com. 5 mai 2015, n° 14-10.631). Toutefois, la partie au profit de laquelle l'interruption a été prévue peut les confirmer (C. pr. civ., art. 372 , in fine), expressément ou tacitement (Civ. 3e, 7 juin 2001, n° 97-17.407), étant précisé que de même qu’elle seule peut se prévaloir du caractère non avenu de l’acte de procédure ou du jugement rendu en méconnaissance de l’interruption de l’instance, elle seule peut, s’il en va de son intérêt, les confirmer.
La rudesse de ces effets s’explique par le souci de protection des droits de la défense. Ainsi le fait d’atteindre la majorité, en ce qu’il rend le justiciable capable d’ester seul en justice, justifie qu’il soit interruptif de plein droit de l’instance engagée durant sa minorité.
Comme le rappelle la décision rapportée, la date d’ouverture des débats est capitale. Elle correspond au moment où, à l’audience de plaidoirie, la parole est donnée au demandeur ou au juge rapporteur. Or l’instance ne peut être interrompue qu’à la condition que l’événement survienne ou soit notifié avant l’ouverture des débats (C. pr. civ., art. 371).
En l’espèce, celui des demandeurs au pourvoi ayant fait valoir le non-respect de l’interruption de l’instance, devenu majeur avant l'ordonnance de clôture et l'audience publique qui s'était tenue deux semaines plus tard, a pu en conséquence obtenir que soit réputé non avenu l'arrêt rendu après l'interruption de l'instance, reprise ni par ni contre lui et qui n'avait fait l'objet d'aucune confirmation, même tacite, de sa part.
Civ. 1re, 16 janvier 2019, n° 18-10.279
Références
■ Fiches d’orientation Dalloz : Interruption de l’instance (Procédure civile)
■ Civ. 3e, 12 mai 1999, n° 97-20.646 P : D. 1999. 151 ; AJDI 2000. 65 ; ibid. 66, obs. C.-H. Gallet ; RDI 1999. 403, obs. B. Boubli ; RTD civ. 1999. 696, obs. R. Perrot
■ Com. 5 mai 2015, n° 14-10.631
■ Civ. 3e, 7 juin 2001, n° 97-17.407 : RDI 2001. 387, obs. D. Tomasin
Autres À la une
-
Droit des obligations
[ 21 novembre 2024 ]
Appréciation de la date de connaissance d’un vice caché dans une chaîne de contrats
-
Droit des obligations
[ 21 novembre 2024 ]
Appréciation de la date de connaissance d’un vice caché dans une chaîne de contrats
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 20 novembre 2024 ]
Chuuuuuut ! Droit de se taire pour les fonctionnaires poursuivis disciplinairement
-
Droit de la responsabilité civile
[ 19 novembre 2024 ]
Recours en contribution à la dette : recherche d’une faute de conduite de l’élève conducteur
-
Droit de la responsabilité civile
[ 18 novembre 2024 ]
L’autonomie du préjudice extrapatrimonial exceptionnel d’un proche d’une victime handicapée
- >> Toutes les actualités À la une