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[ 2 mars 2016 ] Imprimer

Procédure civile

Interruption non avenue de la prescription en cas de demande en justice déclarée irrecevable

Mots-clefs : Prescription, Demande en justice, Rejet, Fin de non-recevoir, Effet interruptif (non).

L’article 2243 du Code civil, qui dispose que l’interruption de la prescription est non avenue si la demande en justice est définitivement rejetée, ne distingue pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir.

En l’espèce, une société a été mise en liquidation judiciaire le 15 février 2007. Le liquidateur a assigné, le 5 août 2008, le dirigeant de la société en responsabilité pour insuffisance d’actif et prononcé de la faillite personnelle ou d’une mesure d’interdiction de gérer. Ces demandes ont été déclarées irrecevables par un arrêt du 11 janvier 2011devenu irrévocable. Le liquidateur a renouvelé ses demandes par une assignation du 16 mars 2011.

Le dirigeant a opposé une fin de non-recevoir tenant à l’expiration, au 16 mars 2011, du délai de prescription triennale. Toutefois, la cour d’appel l’a rejetée. En effet, après avoir énoncé que l’article 2243 du code civil (qui dispose que l’interruption de la prescription est non avenue si la demande est définitivement rejetée) a remplacé l’ancien article 2247 du Code civil (rendant non avenue l’interruption de la prescription en cas de nullité de l’assignation pour défaut de forme), la Cour a retenu qu’il n’y avait pas lieu de distinguer entre défaut de forme, exceptions de procédure et fins de non-recevoir, le législateur ayant entendu préserver uniquement l’effet interruptif de prescription d’une instance à laquelle une juridiction met un terme en écartant les prétentions sans examen au fond du litige.

La chambre commerciale de la Cour de cassation censure cette décision et déclare prescrite l’action initiée par le liquidateur.

En matière de prescription, l’article 2241 alinéa 1 du Code civil prévoit que la demande en justice interrompt le délai. Contrairement à la suspension qui arrête temporairement le cours de la prescription, sans effacer le délai déjà écoulé, l’interruption arrête pour sa part le cours du délai et efface rétroactivement le temps déjà couru. Ainsi si postérieurement au fait interruptif la prescription recommence à courir, le délai repart de zéro, la période antérieure n’étant pas comptabilisée (articles 2230 et 2231 du code civil).

Toutefois, l’article 2243 du Code civil précise, notamment, que l'interruption est non avenue si la demande est définitivement rejetée. La Cour de cassation, par cet arrêt, expose que cet article ne distingue pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir (« Tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. » article 122 du Code de procédure civile). Ainsi, si la demande en justice est déclarée irrecevable, l’interruption de la prescription est non avenue.

La Cour de cassation précise également que l’article 2241 alinéa 2 du Code civil, qui prévoit que l’effet interruptif de la demande en justice est maintenu si la juridiction saisie était incompétente ou si la demande est annulée par l’effet d’un vice de procédure, ne s’applique qu’aux deux hypothèses qu’il vise.

Ainsi, en l’espèce, les actions du liquidateur contre le dirigeant se prescrivaient par trois ans à compter du jugement d’ouverture de la procédure collective (articles L 651-2 alinéa 3 et L 653-1-II du Code de commerce). La société a été mise en liquidation judiciaire le 15 février 2007 et le liquidateur a assigné le dirigeant le 5 août 2008. Cependant, en raison d’une fin de non-recevoir, ses demandes ont été déclarées irrecevables par un arrêt du 11 janvier 2011 devenu irrévocable. En conséquence l’interruption de la prescription à la date du 5 août 2008 est non avenue et le délai de prescription ne repart pas de zéro à compter de cette date. Le délai de prescription triennale ayant commencé à courir depuis le 15 février 2007, au 16 mars 2011, date de la nouvelle assignation du liquidateur, l’action était donc prescrite.

La chambre commerciale, après l’avoir sollicité, suit ici l’avis de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation qui avait retenu, le 8 octobre 2015, que : « L’article 2243 du Code civil ne distinguant pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non-recevoir, l’effet interruptif de prescription de la demande en justice est non avenu si celle-ci est déclarée irrecevable ; L’article 2241, alinéa 2, du même code issu de la loi du 17 juin 2008 ne s’applique qu’aux deux hypothèses qu’il énumère » (Civ. 2e, 8 oct. 2015, n° 14-17.952).

Com. 26 janv. 2016, n°14-17.952

 

Auteur :C. D.


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