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[ 16 décembre 2009 ] Imprimer

Droit des personnes

Jugement d'adoption et changement de nom

Mots-clefs : Personnes, Nom de famille, État civil (action en rectification, erreur matérielle, irrecevabilité), Adoption (jugement, effets, voies de recours), Autorité de chose jugée

L'autorité de chose jugée s'attache à ce qui a été décidé dans le jugement d'adoption ; celui-ci n'ayant fait l'objet d'aucune voie de recours, ses dispositions relatives au nom de l'adopté ne peuvent, en l'absence d'erreur matérielle, être modifiées.

L'arrêt du 25 novembre 2009 permet à la première chambre civile de rappeler la force attachée à un jugement d'adoption devenu définitif. Par requête du 8 mars 2004, les consorts Maupas-Oudinot avaient saisi le président du tribunal de grande instance en rectification de leur nom de famille, sur le fondement de l'article 99 du Code civil, en faisant valoir que le véritable patronyme de l'adoptant et de ses ascendants était Oudinot de Reggio et qu'à la suite d'une erreur purement matérielle, la partie du nom « de Reggio » avait été omise dans le jugement d'adoption datant du… 14 avril 1943.

Une ordonnance du 5 janvier 2005 déclara la requête recevable et bien-fondée mais, sur tierce opposition du second fils adoptif de l'adoptant, le tribunal rétracta l'ordonnance par jugement du 13 février 2007. La cour d'appel infirma cette décision et ordonna la rectification du patronyme, au motif que le nom de famille des descendants du maréchal Oudinot était bien Oudinot de Reggio, qu'il était mentionné comme tel sur tous les actes d'état civil de l'ensemble des membres de la famille de sexe masculin et féminin depuis 1849, comme sur le monument funéraire de la famille au cimetière du père Lachaise ou encore dans l'Almanach du Gotha.

Cette décision est sèchement cassée au seul visa de l'article 1351 du Code civil. Pour la Cour de cassation, le jugement d'adoption n'ayant fait l'objet d'aucune voie de recours, ses dispositions relatives au nom de l'adopté, qui revêtaient l'autorité de chose jugée, ne pouvaient, en l'absence de toute erreur matérielle, être modifiées. La solution s'explique par les effets juridiques de l'adoption, qui confère le nom de l'adoptant (par substitution pour l'adoption plénière — art. 357 C. civ. ; ou par adjonction pour l'adoption simple — art. 363 C. civ.). Le nom traduisant l'état civil d'une personne, il est normal qu'un changement dans l'état entraîne, par voie de conséquence, un changement de nom, au moment de l'établissement ou du changement de nature d'une filiation. En ce sens, la transmission du nom constitue un effet substantiel du jugement d'adoption. Son  dispositif ayant acquis, dès son prononcé, autorité de chose jugée (en application de l'art. 480 C. pr. civ.), il ne pouvait être remis en cause que par l'exploitation des voies de recours prévues. Les demandeurs ne pouvaient donc, en l'espèce, se prévaloir d'une erreur de plume. Ils auraient dû exercer les voies de recours disponibles, en temps voulu.

Civ. 1re  25 nov. 2009

Références

Chose jugée

« Autorité attachée à un acte juridictionnel servant de fondement à l’exécution forcée du droit judiciairement établi, et faisant obstacle à ce que la même affaire soit à nouveau portée devant un juge.
Il y a chose jugée lorsque la même demande, entre les mêmes parties, agissant en les mêmes qualités, portant sur le même objet, soutenue par la même cause, est à nouveau portée devant une juridiction. S’agissant de la cause, une évolution considérable s’est produite. En vertu du principe de concentration des moyens, on ne peut plus invoquer, dans une instance postérieure, un fondement juridique qu’on s’est abstenu de soulever en temps utile ; la différence de cause ne suffit donc plus à faire obstacle à l’irrecevabilité de l’autorité de la chose jugée ; cette autorité joue dès lors que la même chose est demandée au sujet des mêmes faits, quoique prenant appui sur un autre fondement juridique.
On parle de simple autorité lorsque le jugement est rendu (au jour de son prononcé), de force de chose jugée, lorsque les délais des voies de recours suspensives d’exécution (opposition, appel, pourvoi dans les rares cas où il est suspensif) sont expirés ou que celles-ci ont été employées; d’irrévocabilité, enfin, lorsque les voies de recours extraordinaires ont été utilisées ou ne peuvent plus l’être.
L’autorité de chose jugée est relative ou absolue. Elle est le plus souvent relative en droit privé et dans certaines formes du contentieux administratif. Elle est invoquée par les parties au moyen d’une fin de non-recevoir (dite faussement exception de chose jugée), par les tiers à l’aide de l’exception de relativité de chose jugée. Elle peut être relevée d’office par le juge.
L’autorité des jugements est dite absolue dans la mesure où ce qui a été jugé entre deux ou plusieurs plaideurs est opposable à tous et doit être respecté par ceux qui étaient étrangers au procès. La tierce opposition est la voie de recours permettant à un tiers de demander que tel ou tel jugement ne lui soit pas opposable. »

Tierce opposition

« Voie de recours extraordinaire, de rétractation ou de réformation, ouverte aux personnes qui n’ont été ni parties ni représentées dans une instance et leur permettant d’attaquer une décision qui leur fait grief et de faire déclarer qu’elle leur est inopposable. »

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

■ Code civil

Article 99

« La rectification des actes de l'état civil est ordonnée par le président du tribunal.
La rectification des jugements déclaratifs ou supplétifs d'actes de l'état civil est ordonnée par le tribunal.
La requête en rectification peut être présentée par toute personne intéressée ou par le procureur de la République ; celui-ci est tenu d'agir d'office quand l'erreur ou l'omission porte sur une indication essentielle de l'acte ou de la décision qui en tient lieu.
Le procureur de la République territorialement compétent peut procéder à la rectification administrative des erreurs et omissions purement matérielles des actes de l'état civil ; à cet effet, il donne directement les instructions utiles aux dépositaires des registres. »

Article 357

« L'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant.
En cas d'adoption par deux époux, le nom conféré à l'enfant est déterminé en application des règles énoncées à l'article 311-21.
Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant.
Si l'adoptant est une femme mariée ou un homme marié, le tribunal peut, dans le jugement d'adoption, décider, à la demande de l'adoptant, que le nom de son conjoint, sous réserve du consentement de celui-ci, sera conféré à l'enfant. Le tribunal peut également, à la demande de l'adoptant et sous réserve du consentement de son conjoint, conférer à l'enfant les noms accolés des époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux.
Si le mari ou la femme de l'adoptant est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal apprécie souverainement après avoir consulté les héritiers du défunt ou ses successibles les plus proches. »

Article 363

« L'adoption simple confère le nom de l'adoptant à l'adopté en l'ajoutant au nom de ce dernier.
Lorsque l'adopté et l'adoptant, ou l'un d'entre eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux. Le choix appartient à l'adoptant, qui doit recueillir le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du premier nom de l'adoptant au premier nom de l'adopté.
En cas d'adoption par deux époux, le nom ajouté au nom de l'adopté est, à la demande des adoptants, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux et, à défaut d'accord entre eux, le premier nom du mari. Si l'adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement de l'adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom des adoptants retenu est ajouté au premier nom de l'adopté.
Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l'adoptant, décider que l'adopté ne portera que le nom de l'adoptant. En cas d'adoption par deux époux, le nom de famille substitué à celui de l'adopté peut, au choix des adoptants, être soit celui du mari, soit celui de la femme, soit les noms accolés des époux dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un seul nom pour chacun d'eux. Cette demande peut également être formée postérieurement à l'adoption. Si l'adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution du nom de famille est nécessaire. »

Article 1351

« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Article 480 du Code de procédure civile

« Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4. »

Rép. civ. Dalloz, V° « Nom-Prénom », par F. Laroche-Gisserot, n°s 162 s.

F. Terré et D. Fenouillet, Droit civil – Les personnes, la famille, les incapacités, Dalloz, 7e éd., coll. « Précis », 2005, n° 173.

M. Douchy-Oudot, Droit civil – 1re année – Introduction, personnes, famille, Dalloz, 5e éd., coll. « HyperCours, 2009, nos 327 s.

 


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