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Libertés fondamentales - droits de l'homme
La CEDH signe la fin des crucifix dans les salles de classe en Italie
Mots-clefs : Liberté de religion, Parents, Enfants, Éducation, Droit négatif (respect), Fonction publique (enseignement), Laïcité, Neutralité
La Cour européenne des droits de l'homme estime, dans un arrêt du 3 novembre 2009, que la présence d'un crucifix dans les salles de classe est contraire au droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions et au droit des enfants à la liberté de religion.
Un État laïc peut-il, dans l'exercice de la fonction publique, imposer des symboles religieux ? C'est à cette question qu'était invitée à répondre la Cour de Strasbourg, saisie de la requête présentée par une ressortissante italienne qui alléguait, en son nom propre et au nom de ses enfants, que l'exposition de la croix dans l'école publique fréquentée par ceux-ci était une ingérence incompatible avec son droit de leur assurer une éducation conforme à ses convictions (art. 2 Protoc. n° 1) et méconnaissait sa liberté de religion (art. 9 Conv. EDH). L'exposition au crucifix se fonde, en droit italien, sur des dispositions antérieures à la Constitution et aux accords de 1984 avec le Saint-Siège qui, en raison de leur nature réglementaire, n'ont jamais été soumises au contrôle de constitutionnalité.
Dans son appréciation, la Cour relève d'abord que la présence du crucifix dans les salles de classe va au-delà de l'usage des symboles dans des contextes historiques spécifiques. Estimant non arbitraire l'appréhension de la requérante, elle indique que « la liberté négative [des élèves d'autres religions ou n'en professant aucune] n'est pas limitée à l'absence de services ou d'enseignements religieux [mais] […] s'étend aux pratiques et aux symboles exprimant, en particulier ou en général, une croyance, une religion ou l'athéisme » (§ 55). Le respect des convictions des parents en matière d'éducation devant prendre en compte le respect des convictions des autres parents, l'État est tenu à la neutralité confessionnelle dans le cadre de l'éducation publique.
Ne voyant pas comment l'exposition d'un symbole catholique dans les salles de classe des écoles publiques pourrait servir le pluralisme éducatif, la Cour estime que « l'exposition obligatoire d'un symbole d'une confession donnée dans l'exercice de la fonction publique relativement à des situations spécifiques relevant du contrôle gouvernemental, en particulier dans les salles de classe, restreint le droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions ainsi que le droit des enfants scolarisés de croire ou de ne pas croire » (§ 57). Ces restrictions étant incompatibles avec le devoir incombant à l'État de respecter la neutralité dans l'exercice de la fonction publique, en particulier dans le domaine de l'éducation, elle constate une violation de l'article 2 du Protocole n° 1 conjointement avec l'article 9 de la Convention.
Le droit à l'instruction est le seul droit-créance expressément reconnu par la Convention européenne des droits de l'homme. Comme le spécifie la seconde phrase de l'article 2 du Protocole n° 1 du 20 mars 1952, l'État a l'obligation de ne pas s'ingérer dans l'exercice du droit à l'instruction au mépris du respect des convictions religieuses et philosophiques des parents. Il s'agit, pour la Cour, de « sauvegarder la possibilité d'un pluralisme éducatif, essentiel à la préservation de la société démocratique » (v. le § 56 de l'arrêt commenté ; v. aussi CEDH 7 déc. 1976, Kjeldsen et autres c. Danemark). À ce titre, l'État doit respecter les convictions des parents dans la programmation des enseignements dispensés dans les établissements publics et, plus largement, dans la gestion de leur administration.
CEDH 3 novembre 2009, Lautsi c. Italie, n° 30814/06
Références
■ Article 2 du Protocole additionnel n°1 – Droit à l'instruction
« Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'État, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »
■ Article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme – Liberté de pensée, de conscience et de religion
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
■ Jurisprudence
CEDH 7 déc. 1976, Kjeldsen, Busk Madsen et Pedersen c. Danemark, série A no 23, §§ 50-54.
CEDH 25 févr. 1982, Campbell et Cosans c. Royaume-Uni, série A no 48, §§ 36-37.
CEDH 18 déc. 1996, Valsamis c. Grèce, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, §§ 25-28.
CEDH 29 juin 2007, Folgerø et autres c. Norvège, CEDH 2007-VIII, § 84.
■ L. Favoreu et al., Droit des libertés fondamentales, Dalloz, coll. « Précis », 5e éd., 2009, nos 558 s., spéc. 562.
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