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Droit pénal spécial
La chambre criminelle gardienne des réserves d’interprétations du Conseil constitutionnel
Mots-clefs : Conseil constitutionnel, Réserve d’interprétation (portée), Responsabilité pénale, Producteur d’un site de communication au public en ligne
Le texte d’incrimination ayant fait l’objet d’une réserve d’interprétation de la part du Conseil constitutionnel doit être appliqué conformément à cette dernière. Dès lors, doit être censuré, l’arrêt de la cour d’appel qui applique un texte sans tenir compte de la réserve du Conseil constitutionnel.
Saisi d’une QPC relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle instaurant la responsabilité pénale du producteur d’un site en ligne de communication au public mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes, le Conseil constitutionnel avait émis une réserve d’interprétation. La responsabilité propre au producteur « n’est engagée, à raison du contenu de ces messages, que s’il est établi qu’il en avait connaissance avant leur mise en ligne ou que, dans le cas contraire, il s’est abstenu d’agir promptement pour les retirer dès le moment où il en a eu connaissance » (Cons. const., 16 sept. 2011). Le Conseil constitutionnel a imposé une limite à la responsabilité du producteur similaire à celle bénéficiant au directeur de la publication ou à l’hébergeur. Ainsi, la création d’une présomption de culpabilité et la possibilité d’imputer à une personne une infraction commise en réalité par une autre ne sont pas contraires à la présomption d’innocence et au principe de responsabilité pénale personnelle (art. 8 et 9 DDHC).
Les réserves d’interprétations s’imposent à l’ensemble des juridictions et le non-respect de celles-ci doit être censuré. C’est donc fort logiquement que la chambre criminelle, dans son arrêt du 30 octobre 2012, relève d’office ce moyen de cassation.
En l’espèce, un individu, président d’une association de défense des intérêts des habitants, était poursuivi du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public — ici un député-maire —, pour avoir publié, sur l’espace de contributions personnelles du site de cette association, les propos d’un internaute ainsi libellés : « Par ailleurs, M. X cumule plusieurs mandats (député, maire) : sont-ils compatibles avec d’autres fonctions (dans l’immobilier par exemple) ? Ne confond-il pas intérêts personnels et spoliation des “petites gens” ? ».
La cour d’appel de Rouen, statuant sur renvoi après cassation (Crim. 16 févr. 2010), est entrée en voie de condamnation au motif que le prévenu « doit être considéré comme l’auteur du message litigieux dès lors qu’il assume aux yeux des internautes et des tiers la qualité de producteur du blog de l’association susvisée sans qu’il puisse opposer un défaut de surveillance dudit message ».
La chambre annule cette décision affirmant « qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si, en sa qualité de producteur, le prévenu avait eu connaissance, préalablement à sa mise en ligne, du contenu du message litigieux ou que, dans le cas contraire, il s’était abstenu d’agir avec promptitude pour le retirer dès qu’il en avait eu connaissance, la cour d’appel n’a pas fait l’exacte application de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle, au regard de la réserve du Conseil constitutionnel ». Les juges d’appel sont ainsi censurés pour ne pas avoir motivé leur décision sur le degré de connaissance par le responsable du traitement du message incriminé.
Crim. 30 oct. 2012, n°10-88.825, FS-P+B
Références
■ Cons. const., 16 sept. 2011, n° 2011-164 QPC, D. 2011. 2444, note L. Castex ; AJ pénal 2011. 594, obs. S. Lavric ; RSC 2011. 647, obs. J. Francillon.
■ Crim. 16 févr. 2010, n° 09-81.064.
■ Article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982
« Au cas où l'une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable à sa communication au public.
À défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal.
Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause, l'auteur sera poursuivi comme complice.
Pourra également être poursuivie comme complice toute personne à laquelle l'article 121-7 du code pénal sera applicable.
Lorsque l'infraction résulte du contenu d'un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message. »
■ Déclaration des droits de l’homme
« La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
« Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
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