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Droit des sûretés et de la publicité foncière
La charge de la preuve de la disproportion du cautionnement
Mots-clefs : Contrat, Cautionnement, Disproportion manifeste, Charge de la preuve
Il résulte de la combinaison des articles 1315 du Code civil et L. 341-4 du Code de la consommation qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.
Un gérant s’était porté caution de divers concours consentis à sa société. Lorsque la banque l’assigna en paiement, la caution lui opposa la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus.
Rappelons que l’exigence de proportionnalité régit le droit du cautionnement. Visée aux articles L. 313-10 et L. 341-4 du Code de la consommation, la proportionnalité recherchée ne repose pas sur un paramètre arithmétique comparable à celui qui régit la contribution proportionnelle des cofidéjusseurs à la charge de la dette garantie. Elle vise l’adéquation de l’engagement pris par la caution personne physique à ses biens et revenus : un rapport raisonnable entre le montant de la dette cautionnée et la situation financière de la caution.
Mais en l’absence de définition précise de la « disproportion manifeste » dénoncée par la loi, son appréciation est une question de fait relevant, à ce titre, du pouvoir souverain des juges du fond.
En l’espèce, ces derniers avaient bien constaté la disproportion de l’engagement souscrit par la caution ; ils l’avaient néanmoins condamné à payer à la banque la somme demandée au motif que la caution n’avait pas rapporté la preuve, au moment où elle fut appelée, de l’insuffisance de sa situation financière. Au visa des articles 1315 du Code civil et L. 341-4 du Code de la consommation, cette décision est cassée, la Cour reprochant aux juges du fond d’avoir ainsi inversé la charge de la preuve.
A priori, la solution n’allait pas de soi. En effet, conformément à l’article 1315, alinéa 1er, du Code civil, il appartient à la caution qui oppose au créancier le caractère disproportionné de son engagement de le prouver (Civ. 1re, 7 avr. 1999). Si le créancier a certes le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de la caution qui lui est présentée, il est en droit de se fier aux informations que celle-ci lui fournit et qu'il n'est pas, en l'absence d'anomalies apparentes, tenu de vérifier (Com. 14 déc. 2010).
Ainsi, la carence de la caution, qui ne peut fournit aucun justificatif de sa situation financière au moment de la souscription de son engagement, rappelle le risque de la preuve : le créancier pourra se prévaloir du contrat de cautionnement dont la disproportion originaire, si elle existe, n’aura de toute façon pu être prouvée.
En l’espèce, la caution avait su établir la disproportion de son engagement. Or, pour se prévaloir néanmoins du contrat, la banque aurait dû rapporter la preuve que la caution était en revanche en mesure d'y faire face non pas lors de la conclusion de l’acte de caution, mais au jour où la caution fut appelée en garantie. Les termes de l’article L. 341-4 du Code de la consommation sont clairs : « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
Ainsi, la charge de prouver la disproportion originaire du contrat pesant sur la caution, dès lors que celle-ci est satisfaite, la preuve de la proportion à l’échéance, permettant au créancier d’échapper à la sanction prévue par le texte, incombe à ce dernier. En somme, il appartient au créancier qui a fait souscrire à la caution un engagement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, à ses biens et revenus d’établir, pour se prévaloir néanmoins du contrat, qu’en dépit de la disproportion initiale de l’engagement, la caution est en mesure d’y répondre au jour de l’appel en garantie.
Com. 1er avr. 2014, n°13-11.313
Références
■ Civ. 1re, 7 avr. 1999, n° 97-12.828, RD bancaire et fin. 2000, comm. 58, obs. Legeais.
■ Com. 22 janv. 2013, n° 11-17.954 ; RD bancaire et fin. 2013, comm. 55, obs. Legeais ; Gaz. Pal. 20-21 mars 2013, p. 18, obs. Albiges.
■ Com. 14 déc. 2010, n° 09-69.807, D. 2011. 156, obs. Avena-Robardet . JCP G 2011, chron. 770, n° 3, obs. Simler ; JCP E 2011, 1117, note Legeais ; RDC 2011. 913, obs. Barthez ; RLDC 2011, n° 79, p. 33, obs. Ansault.
■ Code la consommation
Un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique, un établissement de paiement ou un organisme mentionné au 5 de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement d'une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre, conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
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