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[ 2 juillet 2015 ] Imprimer

Droit des obligations

La clause de déchéance du terme ne vaut pas dispense tacite de mise en demeure

Mots-clefs : Contrat de prêt, Somme d’argent, Emprunteur non commerçant, Inexécution de l’obligation de rembourser, Déchéance du terme, Résolution, Mise en demeure préalable, Dispense, Conditions

L’absence de mise en demeure de l’emprunteur d’exécuter son obligation de remboursement est permise mais elle doit résulter d’une stipulation expresse et non équivoque sans pouvoir se déduire tacitement de la clause de déchéance du terme prévue au contrat.

Le 23 juillet 2009, une société avait consenti à un particulier un prêt personnel remboursable par mensualités. Celui-ci ayant cessé ses paiements à partir du mois de juin 2010, la société s’était prévalue de la déchéance du terme, par lettre recommandée avec avis de réception datant du 16 janvier 2011, puis l'avait assigné en remboursement. Pour accueillir cette demande malgré l’absence de mise en demeure de l’emprunteur, la cour d’appel retint qu’il ne résultait pas des termes du contrat que le prêteur fut tenu d’y procéder préalablement au constat de la déchéance du terme. 

Au visa des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil, la Cour de cassation casse la décision des juges du fond au motif que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Or en l’espèce, à défaut de stipulation expresse dispensant le créancier de mise en demeure, ce dernier ne pouvait recouvrer sa créance sans avoir préalablement notifié à son débiteur qu’il en avait la volonté. 

Lorsque l’emprunteur n’exécute pas ses obligations, il subit une déchéance du terme, c’est-à-dire qu’il se voit contraint de rembourser immédiatement, capital et intérêts, avant l’échéance du terme. Il en est ainsi lorsque, comme en l’espèce, l’emprunteur cesse ses remboursements, ou lorsqu’il ne paye pas les fractions du capital ou les intérêts aux échéances, ou bien encore s’il paye en une autre monnaie que celle qui avait été convenue ou qu’il diminue les sûretés du créancier (C. civ., art. 1188). C’est une sorte de résolution du contrat pour inexécution, bien que le contrat ne puisse être considéré comme synallagmatique, ce qui explique que l’article 1184 du Code civil figure au visa de la décision. Celle-ci est, comme en l’espèce, souvent prévue par une clause du contrat, appelée clause de déchéance du terme, à laquelle est généralement associée une clause pénale. 

La question ici posée à la Cour de cassation était de savoir si l’insertion d’une telle clause dans le contrat vaut implicitement dispense de mise en demeure. Elle y répond, sans surprise, par la négative. En effet, si une convention peut valablement écarter la nécessité d’une mise en demeure préalable (C. civ., art. 1139), cette dispense doit résulter d’une clause expresse et non équivoque du contrat en raison de l’insécurité dans laquelle se trouve alors placé le débiteur. Par exemple, dans le cas où une clause dérogeant à la nécessité d’une mise en demeure préalable serait associée à une clause résolutoire de plein droit, cela impliquerait que le moindre retard dans l'exécution, par le débiteur, de ses obligations, entraînerait en principe l'anéantissement immédiat du contrat sans que ce dernier ait la possibilité de rattraper son retard et sans qu'un juge soit par ailleurs en droit d'apprécier la gravité de l'inexécution. 

Il n'est donc pas surprenant que la Cour de cassation entende poser des limites à la volonté du créancier d’éviter la charge d’une mise en demeure. C’est la raison pour laquelle elle reproche en l’espèce aux juges du fond d’avoir déduit des seuls termes de la clause de déchéance du terme une dispense tacite de mise en demeure préalable. Elle avait également jugé en ce sens à propos d’une clause pénale : quoique la stipulation d'une peine en cas de manquement révèle sans aucun doute la volonté des parties de voir les termes de leur convention scrupuleusement observés, il n’en demeure pas moins que « la clause pénale n'implique pas que les parties aient entendu se dispenser de la formalité de la mise en demeure » (Civ. 3e, 20 janv. 1976, n° 74-13.422).

 

Cependant, la Haute cour a pu parfois admettre l’inverse, compte tenu des termes du contrat et de l’interprétation que les juges du fond en avaient retenue. Ainsi a-t-elle reconnu qu’une dispense tacite de mise en demeure préalable puisse se déduire des termes d'une clause pénale (Civ. 3e, 7 mars 1969. Civ. 3e, 9 juin 1999, n° 97-20.977). 

Civ. 1re, 3 juin 2015, n° 14-15.655

Références :

■ Code civil

Article 1134

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Article 1139

« Le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante, soit par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure. »

Article 1147

« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Article 1184

« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »

Article 1188

« Le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsque par son fait il a diminué les sûretés qu'il avait données par le contrat à son créancier. »

■ Civ. 3e, 20 janv. 1976, n° 74-13.422, Bull. civ. III, n° 23, JCP G 1976, IV. 84.

Civ. 3e, 7 mars 1969Bull. civ. III, n° 208.

■ Civ. 3e, 9 juin 1999, n° 97-20.977, Bull. civ. III, n° 131, Contrats, conc. consom. 1999. 154, obs. L. Leveneur.

 

Auteur :M. H.

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