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Droit pénal général
La clope au bec
Mots-clefs : Tabac, Publicité, Émission de télévision, Infraction
Ne peut être considérée comme une publicité en faveur du tabac, la diffusion d'une émission ne comportant aucune image ou aucun propos ayant pour but ou pour effet de promouvoir directement ou indirectement le tabac ou un produit du tabac.
L'infraction de publicité illicite en faveur du tabac, prévue par l'ancien article L. 3511-3 du Code de la santé publique (devenu l’art. L. 3512-4), se définit comme « la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac, des ingrédients définis au deuxième alinéa de l'article L. 3511-1, des dispositifs électroniques de vapotage et des flacons de recharge qui leur sont associés, ainsi que toute distribution gratuite ou vente d'un produit du tabac à un prix inférieur à celui mentionné à l'article 572 du code général des impôts».
Estimant l’infraction caractérisée par la diffusion sur une chaîne de télévision, puis en replay sur le site internet de la chaine, d'une émission ayant pour concept un dîner réunissant plusieurs invités autour d'un animateur et au cours de laquelle trois convives ont été filmés alors qu'ils fumaient, une association de défense des non fumeurs a fait directement citer devant le tribunal correctionnel la société éditrice d’une chaîne de télévision, sa présidente, la société éditrice du site internet de ladite chaine, la société, représentante de la société web, son président, et le directeur de la publication du site internet, pour les voir déclarer coupables du délit. Si le tribunal avait relaxé les prévenus et débouté la partie civile de ses demandes, analysant différemment les faits, les juges d’appel ont infirmé le jugement sur l'action civile et accorder des dommages-intérêts à la partie civile.
Statuant sur le pourvoi formé par les prévenus, l’arrêt est cassé, sans renvoi, par la chambre criminelle. Au visa de l’ancien article L. 3511-3 du code de la santé publique, (devenu l’art. L. 3512-4), elle énonce dans un attendu de principe « qu’il résulte de ce texte que ne peut être considérée comme une publicité en faveur du tabac la diffusion d'une émission ne comportant aucune image ou aucun propos ayant pour but ou pour effet de promouvoir directement ou indirectement le tabac ou un produit du tabac ». Ainsi pour la chambre criminelle, « le seul fait de montrer des personnes dans une émission en train de fumer ne constitue pas une publicité prohibée en faveur du tabac ». Il paraît difficile d’admettre au regard du principe de légalité, que la seule diffusion d’images de personnes en train de fumer puisse être appréhendé par sous les termes de « propagande » ou de « publicité » visés par le texte qui implique une promotion en faveur du tabac. Elle n’adhère pas au raisonnement des juges selon lequel une « séquence donnant lieu à la visualisation de trois personnes d'une certaine notoriété consommant du tabac et dont l'action de fumer s'inscrivait dans un moment de plaisir a été de nature à constituer la diffusion d'images participant à la promotion du tabac et de propagande illicite, et ce même en l'absence de tout propos ou expression complémentaire valorisant cet instant ».
Dans cet arrêt, la chambre criminelle condamne l’interprétation trop extensive de l’élément matériel de ce délit qui fait traditionnellement l’objet d’une interprétation large en jurisprudence et est caractérisé par « toute diffusion d'écrit, d'image ou de photographie participant à la promotion du tabac ou des produits du tabac pour inciter à l'achat constitue, quel qu'en soit l'auteur, une publicité ou propagande » en faveur du tabac (Crim. 21 févr. 1996, n° 95-81.605). Est ainsi constitutif du délit de publicité illicite en faveur du tabac, le fait de publier une revue consacrée au cigare, même si celle-ci a un tirage très limité et ne s'adresse qu'aux connaisseurs et amateurs de cigares (Crim. 18 mai 2016, n° 15-80.922) ou toutes formes de communication commerciale, quel qu'en soit le support, et toute diffusion d'objets ayant pour but ou pour effet de promouvoir le tabac ou un produit du tabac (Crim. 21 janv. 2014, n° 13-80.075).
Cette décision de la chambre criminelle n’est pas sans rappeler une décision plus ancienne rendue par le tribunal correctionnel de Paris qui avait également estimé que le seul fait de diffuser des images de personnes fumant devant les caméras n'est pas constitutif d'actes de publicité ou de propagande prohibés par les textes. (TGI Paris, 25 février 1998, CNTC c/Sté nationale de télévision France 2, cité sur le site du CSA).
Reste que l’interdiction de fumer dans un lieu à usage collectif, en l’espèce, un plateau de télévision était, elle, parfaitement caractérisée.
Crim. 21 février 2017, n° 15-87.688
Références
■ Crim. 21 févr. 1996, n° 95-81.605 P, RSC 1996. 845, obs. B. Bouloc.
■ Crim. 18 mai 2016, n° 15-80.922 P, D. 2016. 1141.
■ Crim. 21 janv. 2014, n° 13-80.075 P, D. 2014. 546, ibid. 2021, obs. A. Laude ; AJ pénal 2014. 361, obs. J. Lasserre Capdeville.
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