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Droit européen et de l'Union européenne
La confirmation de l’encadrement des inspections conduites par la Commission dans les entreprises
Mots-clefs : Abus de position dominante, Inspections, Autorité de la concurrence, Commission européenne, Présomptions, Droits de la défense
La Commission peut avoir recours à une inspection au sein d’une entreprise, y compris après une enquête d’une autorité de concurrence nationale qui a permis de réunir des documents. Cependant, l’inspection ne peut avoir un caractère arbitraire, dès lors la Commission européenne doit indiquer les présomptions qu’elle entend vérifier, en motivant sa décision d’inspection et en précisant les éléments sur lesquels porte l’inspection.
L’arrêt rendu par le Tribunal de l’Union a un double intérêt :
– il précise, tout d’abord, l’articulation des procédures ouvertes, d’une part, par l’autorité de concurrence nationale et, d’autre part, par la Commission européenne à l’égard d’une même entreprise, ici Orange ;
– il revient, ensuite, sur les conditions de recours à une inspection au sein d’une entreprise, décision qui implique la prise en considération des droits de la défense.
Si les inspections font l’objet d’un véritable contrôle juridictionnel depuis plusieurs années, c’est la première fois que l’opportunité de recourir à une inspection, pour la Commission, après une première enquête nationale, ayant permis d’examiner des documents relatifs à une pratique anticoncurrentielle, se posait.
À l’origine de l’affaire, il y a une ouverture d’une procédure, à la suite d’une plainte, à l’encontre de l’entreprise Orange par l’Autorité de la concurrence pour abus de position dominante et, plus précisément, pour refus d’accès à une facilité essentielle. Cependant, l’Autorité de la concurrence avait considéré que la pratique n’était pas avérée ou qu’il ne s’agissait pas d’abus de position dominante.
Avant la décision de l’Autorité de concurrence, la Commission a également ouvert une procédure sur le fondement de l’article 102 TFUE et a poursuivi l’enquête malgré la décision de l’Autorité de la concurrence. Postérieurement à la décision de l’autorité française, la Commission a même décidé d’opérer une inspection dans les locaux d’Orange.
Outre l’ouverture de cette seconde procédure, Orange contestait le principe même d’une décision d’inspection par la Commission ce qui l’a conduit à attaquer cette décision.
Le raisonnement du Tribunal intervient en deux phases.
La première est relative à la faculté pour la Commission d’ouvrir une procédure à l’encontre d’une entreprise qui a déjà été poursuivie en partie pour les mêmes faits, dont la procédure s’est conclue sans sanction. Le Tribunal rappelle que la Commission n’est pas liée, pour la mise en œuvre des articles 101 et 102 TFUE, par une décision d’une autorité nationale ou encore d’une juridiction nationale, conformément au règlement n°1/2003, lorsque celle-ci prend une décision de non-lieu. En effet, les autorités nationales n’ont pas l’habilitation pour prendre une telle décision dans le cadre des pratiques anticoncurrentielles. Il s’agit d’une confirmation de la jurisprudence antérieure (CJUE 3 mai 2011, Tele2 Polska). L’autorité nationale peut seulement conclure qu’il n’y a pas lieu d’intervenir, ce qui empêche l’application du principe ne bis in idem.
La seconde phase du raisonnement se focalise sur la décision d’inspection. Orange contestait le caractère nécessaire de l’inspection, considérant que de nombreux documents avaient déjà été transmis à l’Autorité de la concurrence. Pour Orange, il aurait suffi à la Commission de mettre en œuvre la coopération découlant du réseau européen de concurrence pour détenir l’ensemble des éléments.
Le Tribunal de l’UE admet que cette démarche de la Commission aurait été moins contraignante au regard de la similitude dans la nature des comportements faisant l’objet des enquêtes. Toutefois cette solution se heurtait à deux obstacles rendant a priori nécessaires la décision de la Commission :
– le premier est que les dimensions géographiques et temporelles des deux enquêtes étaient en réalité différentes ;
– le second est que l’Autorité de la concurrence n’avait pas mené de mesure d’inspection, donc seuls les documents remis volontairement par Orange étaient à disposition.
En conséquence, l’inspection se justifiait pour recueillir les informations nécessaires.
Le Tribunal revient, toutefois, sur l’opportunité de recourir à une inspection. Les juges exigent que les présomptions d’abus soient circonstanciées. La finalité est de garantir le respect des droits de la défense. Aussi, la Commission doit-elle exposer, dans le cadre de la motivation de la décision d’inspection, avec suffisamment de précisions, les présomptions qu’elle entend vérifier et les éléments sur lesquels porte l’inspection. En revanche, la Commission n’a pas à communiquer toutes les informations en sa possession, ni à qualifier exactement les infractions, ni à indiquer les périodes sur lesquelles porte l’enquête afin de préserver l’efficacité de l’inspection.
Pour le Tribunal, les conditions sont réunies, en l’espèce, la décision détaillant les présomptions avec suffisamment de précisions.
TUE 25 nov. 2014, Orange c/ Commission européenne, T-402/13
Références
■ Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité
■ CJUE 3 mai 2011, Tele2 Polska, C-375/09.
■ Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
Article 101 (ex-article 81 TCE)
« 1. Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à:
a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction,
b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements,
c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement,
d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.
2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit.
3. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables:
- à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,
- à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et
- à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées
qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans:
a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs,
b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence. »
Article 102 (ex-article 82 TCE)
« Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.
Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :
a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables,
b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,
c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,
d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats. »
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