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[ 14 octobre 2019 ] Imprimer

Procédure pénale

La confirmation des limites de la contrainte de l’article 78 du Code de procédure pénale

Après le revirement initié en 2017, la Cour de cassation confirme le caractère strict du champ d’application de l’article 78 du Code de procédure pénale, lequel ne permet pas aux OPJ de pénétrer dans un domicile afin de mettre en œuvre l’autorisation préalable du procureur de la République de contraindre une personne à comparaître par la force publique. 

Mme Y est poursuivie sur le fondement d’appels téléphoniques malveillants et envoi de messages malveillants par voie de communications électroniques réitérés. Elle est condamnée par le tribunal correctionnel et la cour d’appel de Caen à trois mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve. Elle forme un pourvoi en cassation sur un moyen unique tiré notamment de la violation de l’article 78 du Code de procédure pénale. Ce dernier prévoit la possibilité pour l’officier de police judiciaire (OPJ), préalablement autorisé par le procureur de la République, de contraindre à comparaître par la force publique les personnes qui n’ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu’elles ne répondent pas à une telle convocation. En l’espèce, dans le cadre de l’enquête préliminaire, le procureur de la République avait délivré une telle autorisation de comparution sous la contrainte visant Mme Y qui ne s’était pas présentée à la suite d’une première convocation écrite. Les policiers constatant qu’elle ne répondait pas à leur demande d’ouverture de porte et ayant constaté la présence d’individus à l’intérieur du domicile ont pris l’initiative de défoncer la porte d’entrée du domicile avant de placer Mme Y, présente sur les lieux, en garde à vue. Se posait donc la question de savoir si l’article 78 du Code de procédure pénale, en ce qu’il envisage la procédure de comparution sous la contrainte, permet de manière subséquente et implicite de pénétrer dans un domicile à la fin de sa mise en œuvre. 

Le tribunal correctionnel de Caen, bien qu’il déclarait coupable la prévenue des faits reprochés, procédait dans le même temps à l’annulation des actes subséquents – procès-verbaux d’interpellation, garde à vue et audition – à la pénétration irrégulière des policiers au domicile de Mme Y. La Cour d’appel de Caen quant à elle devait rejeter l’exception de nullité de la mesure de garde à vue, retenant que les policiers avaient à juste titre fait usage de la force pour défoncer la porte après avoir constaté la présence d’au moins une personne dans l’appartement de Mme Y qui restait silencieuse. Conformément à l’arrêt rendu le 22 février 2017 (n° 16-82.412,V. Dalloz Actu Étudiant, 24 mars 2017), la Chambre criminelle de la Cour de cassation énonce que « l’article 78 du code de procédure pénale ne permet pas à l’officier de police judiciaire, autorisé par le procureur de la République à contraindre une personne à comparaître par la force publique, de pénétrer de force dans un domicile » car une telle atteinte à la vie privée ne peut résulter que de dispositions légales spécifiques confiant à un juge le soin d’en apprécier la nécessité. 

Cette décision confirme la rupture avec la jurisprudence antérieure qui procédait à une lecture souple des dispositions de l’article 78 du Code de procédure suivant laquelle l’autorisation délivrée par le procureur de la République impliquait la faculté de pénétrer dans des lieux clos tels que le domicile afin de permettre l’appréhension du témoin ou du suspect. Une circulaire de 2002 prévoyait certaines limites à cette faculté énonçant notamment l’impossibilité de procéder à une fouille des lieux qui devait, quant à elle, s’apparenter à une perquisition. Y était néanmoins précisée la faculté de procéder à des saisines incidentes en cas de découverte, à l’occasion de l’introduction forcée dans le domicile du témoin, de la commission d’une infraction flagrante. La Cour de cassation en ce sens prévoyait alors cette possibilité de s’introduire au domicile de la personne de sorte à mettre en œuvre l’autorisation de la contrainte prévue par le procureur de la République, en atteste l’arrêt du 29 novembre 2011 (n° 11-84.781). Les pénétrations coercitives du domicile doivent désormais, par cette lecture confirmée des contours de l’article 78 du Code de procédure pénale, répondre aux exigences prévues par les règles spécifiques, notamment celles prévues par les articles 77-4 du Code de procédure pénale relatif au mandat de recherche et 76 du même code relatif à la visite domiciliaire. 

Crim. 18 septembre 2019, n° 18-81.885

Références

■ Crim. 22 févr. 2017, n° 16-82.412 P : D. 2017. 453 ; AJ pénal 2017. 227, note M. Murbach-Vibert et J.-F. Barre ;  RSC 2017, p. 331, obs. F. Cordier. 

■ Crim. 29 nov. 2011, n° 11-84.781. 

■ P. Gagnoud, « L’article 78 du code de procédure pénale et la comparution forcée du témoin récalcitrant au cours de l’enquête préliminaire : ordre de comparution ou mandat d’amener policier ? », Gaz. Pal., 12 août 2003, n° 224. 

■ Circ. DACG, 28 février 2002 selon laquelle « l’article 78 permet aux OPJ agissant sur réquisition du procureur de la République de pénétrer dans le domicile du témoin récalcitrant ». 

 

Auteur :Chloé Liévaux

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