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Droit pénal général
La constance de l’interprétation prétorienne des éléments constitutifs de l’infraction d’administration de substance nuisible
L’infraction d’administration de substance nuisible ne suppose pas, dans sa matérialité, que l’administration ait été le fait de l’auteur ni même que l’ingestion ait eu lieu en sa présence. En ce qui concerne l’élément moral, l’infraction suppose que soit rapportée la preuve du seul dol général, consistant dans le fait de démontrer la connaissance de la toxicité de la substance par l’auteur. Le dol spécial, consistant dans la volonté d’atteindre le résultat de l’infraction, à savoir une intention de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la victime, n’est pas nécessaire à caractériser le volet intentionnel de l’infraction.
Crim. 23 mars 2021, n° 20-81.713
L’arrêt ici présenté est l’occasion, pour la chambre criminelle, de rappeler avec pédagogie les éléments constitutifs de l’infraction d’administration de substances nuisibles.
Un mineur de 13 ans, est reçu dans un établissement hospitalier pour un coma précédé de mouvements anormaux. Une enquête démontre que l’état de santé du mineur résulte de l’ingestion d’une infusion d’une plante, Brugmensia, lui ayant été remise par un jeune homme de 18 ans.
Ce jeune homme est poursuivi et condamné par les juges de première instance sur le fondement de l’article 222-15 du Code pénal pour administration de substance nuisible sur mineur de 15 ans. L’intéressé ainsi que le procureur relèvent appel de cette décision. La cour d’appel de Papeete confirme le jugement de première instance et condamne le jeune homme à dix-huit mois d’emprisonnement. Selon la cour d’appel, l’intéressé est coupable du délit d’administration de substance nuisible, infraction caractérisée tant dans son volet matériel que moral. Il est en effet établi qu’il a préparé et donné la fleur au mineur de 13 ans, ce seul élément suffisant à caractériser la matérialité de l’infraction, peu important que l’ingestion de la plante toxique par lui préparée soit intervenue hors de sa présence. L’élément moral résulte, pour la cour d’appel, de la connaissance du caractère toxique de la substance dont la preuve est rapportée par l’expérience de ses effets par le prévenu.
Deux moyens sont développés au soutien du pourvoi, l’un portant sur l’élément matériel de l’infraction d’administration de substance nuisible, l’autre sur son élément intentionnel.
Pour ce qui a trait à l’élément matériel de l’infraction, le pourvoi soutien que l’infraction d’administration de substance nuisible suppose, pour être caractérisée, un acte matériel d’administration de la part de son auteur. En d’autres termes, il serait nécessaire, pour que l’infraction soit caractérisée, que soit rapportée la preuve d’un acte matériel d’administration. La cour d’appel n’aurait ainsi, retenant la caractérisation de l’acte matériel d’administration lors même qu’il est établi que le jeune homme de 18 ans n’a pas été présent au moment de la prise de l’infusion, pas tirer les conséquences de ses propres constatations. Ce premier moyen est écarté par la Cour de cassation qui considère que la remise à son destinataire de l’infusion contenant la plante toxique préparée suffit à établir la matérialité de l’infraction, « peu important que l’ingestion de celle-ci ne soit intervenue qu’ultérieurement et hors sa présence ». Cette interprétation de la matérialité de l’acte d’administration est constante, la Cour de cassation ayant une interprétation souple de ce volet matériel qui n’est pas entendu comme l’administration directe ou par l’auteur. Une remise accompagnée de conseils d’administration caractérise pleinement l’élément matériel de l’infraction selon cette jurisprudence constante et ici confirmée.
Pour ce qui a trait à son élément moral, le second moyen du pouvoir soutien que l’infraction en cause suppose, pour pouvoir être caractérisée, que soit rapportée la preuve d’un dol spécial consistant dans la conscience ainsi que dans la volonté de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui. La cour d’appel ayant seulement relevé que le prévenu avait une expérience de la substance n’aurait pas caractérisé la connaissance du caractère toxique de la substance préparée ni rapporté la preuve de la volonté d’intoxication propre à l’infraction. La Cour de cassation écarte également ce second moyen et considère que l’élément intentionnel du délit d’administration de substance nuisible « résulte de la connaissance, par l’auteur, du caractère nuisible de la substance qu’il administre », sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve du dol spécial résultant de l’intention de porter atteinte à l’intégrité physique ou morale de la victime. Si la doctrine admet parfois l’exigence d’un dol général doublé d’un dol spécial, tel n’est pas l’interprétation retenue par la Haute juridiction. La volonté d’administrer une substance que l’on sait nuisible est ainsi suffisante à caractériser l’élément moral sans qu’il soit nécessaire de démontrer que son auteur a eu la volonté de porter atteinte à la victime.
Référence
■ J. Lasserre Capdeville, V° Administration de substances nuisibles, Rép. Pén. Dalloz.
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