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Droit pénal général
La consultation habituelle des sites internet terroristes : avant-après
Mots-clefs : Terrorisme, Site internet, Consultation, Conseil constitutionnel, Non-conformité totale, QPC, Loi
La lutte contre le terrorisme a conduit le législateur à réprimer spécifiquement la consultation habituelle de sites internet terroristes, infraction obstacle ayant pour objet de prévenir l'endoctrinement d'individus susceptibles de commettre ensuite de tels actes.
Ainsi loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale avait-elle introduit un article 421-2-5-2 au sein du Code pénal afin de réprimer de tels fait. Le texte définissait l’infraction comme le « fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie ». L’infraction n’était pas constituée, selon le second alinéa du texte « lorsque la consultation est effectuée de bonne foi, résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice ».
Dans sa décision du 10 février 2017, le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par la chambre criminelle (29 nov. 2016, n° 16-90.024), a déclaré cette disposition contraire à la Constitution et plus précisément à l’article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 lequel dispose que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
Pour parvenir à une telle conclusion, le Conseil rappelait tout d’abord que le droit à la liberté d’opinion implique la liberté d'accéder aux services de communication au public en ligne et que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi. Or c’est ici que le bât blessait : le texte ne répondait ni à la condition de nécessité, ni à celle d’adaptation et de proportionnalité.
S’agissant de la nécessité, le Conseil retient que « les autorités administrative et judiciaire disposent, indépendamment de l'article contesté, de nombreuses prérogatives, non seulement pour contrôler les services de communication au public en ligne provoquant au terrorisme ou en faisant l'apologie et réprimer leurs auteurs, mais aussi pour surveiller une personne consultant ces services et pour l'interpeller et la sanctionner lorsque cette consultation s'accompagne d'un comportement révélant une intention terroriste, avant même que ce projet soit entré dans sa phase d'exécution ».
S'agissant des exigences d'adaptation et de proportionnalité requises en matière d'atteinte à la liberté de communication, les sages reprochaient au législateur « une incertitude sur la licéité de la consultation de certains services de communication au public en ligne et, en conséquence, de l'usage d'internet pour rechercher des informations », en ne prévoyant pas que l'auteur de la consultation habituelle des services de communication au public en ligne concernés ait la volonté de commettre des actes terroristes ni même la preuve que cette consultation s'accompagne d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ces services.
La réaction du législateur ne s’est pas fait attendre et tel le phénix renaissant de ses cendres, dix-huit jours après la censure, à l’occasion de l’adoption de la loi sur la sécurité publique, le délit de consultation habituelle des sites internet incitant à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie était rétabli (L. n°2017-258 du 28 févr. 2017, art. 24).
Désormais l’article 421-2-5-2 du Code pénal prévoit désormais que « Le fait de consulter habituellement et sans motif légitime un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende lorsque cette consultation s'accompagne d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce service.
Constitue notamment un motif légitime tel que défini au premier alinéa la consultation résultant de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervenant dans le cadre de recherches scientifiques ou réalisée afin de servir de preuve en justice ou le fait que cette consultation s'accompagne d'un signalement des contenus de ce service aux autorités publiques compétentes ».
Cette nouvelle version répond-t-elle aux critiques du Conseil constitutionnel ? Rien n’est moins sûr. Si le législateur répond au grief s’agissant de la licéité de la consultation, prévoyant désormais que la « consultation s'accompagne d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce service », reste que la restauration du délit est toujours en contrariété avec le principe de nécessité.
L’avenir dira si cette disposition franchira les portes du Conseil constitutionnel au travers d’une question prioritaire de constitutionnalité et survivra…
Cons. const. 10 février 2017, n° 2016-611 QPC
Loi n° 2017-258 du 28 février 2017, art. 24.
Référence
■ Crim., QPC, 29 nov. 2016, n° 16-90.024.
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