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[ 24 mars 2021 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

La Convention internationale des droits de l’enfant

En cette semaine consacrée aux mineurs, DAE vous propose un point sur la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), appelée également Convention de New-York.

Adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 20 novembre 1989, date symbolique qui commémorait l'anniversaire de la Déclaration des droits de l'enfant de 1959, la CIDE a été signée à New York le 26 janvier 1990. Elle constitue un acte majeur de l'évolution des droits reconnus à chaque enfant. La France l’a ratifiée le 7 août 1990, en formulant certaines réserves, elle est entrée en vigueur le 6 septembre 1990 (Décr. n° 90-917 du 8 oct. 1990). Aujourd’hui 197 États ont ratifié la Convention de New-York. Si les États-Unis l’ont bien signé en 1995, ils ne l’ont pas ratifié à ce jour.

L'objectif de la CIDE est de trouver un compromis entre les diverses conceptions nationales des droits de l'enfant, en lui conférant le statut de sujet de droit actif.

■ Quels droits ?

La CIDE comporte deux séries de droits : les droits de l’homme sans distinction d’âge (droit à la liberté de pensée, de réflexion, d'expression, droit à la non-discrimination, droit à la vie privée…) et des droits spécifiques aux enfants de moins de 18 ans (affirmation de l'intérêt supérieur de l'enfant, droit à être entendu dans les procédures qui les concernent, droit à l'éducation et aux loisirs, droit à ne pas être enrôlé dans un conflit armé avant l'âge de 15 ans ; droit aux origines dans la mesure du possible, droit inhérent à la vie…).

L’importance de la famille

La Convention de New-York insiste sur l’importance de la famille : « Convaincus que la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l'assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté. Reconnaissant que l'enfant, pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d'amour et de compréhension » (Préambule). L’enfant doit être maintenu, dans la mesure du possible, dans son milieu familial. L'intérêt prioritaire de l'enfant est d'être élevé par ses parents naturels ou à défaut, envisager de le confier à des membres de la famille ou de le confier à l’adoption afin que l’enfant ait une famille permanente lorsque ses parents ne peuvent le prendre en charge. L'enfant doit avoir à tout moment un nom, une nationalité et un représentant légal. Les deux parents ont une responsabilité commune dans l’éducation de l'enfant : la responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement. Ils doivent être guidés avant tout par l'intérêt supérieur de l'enfant (la notion d’intérêt supérieur de l’enfant que l’on retrouve en droit français et qui est même une exigence constitutionnelle (Cons. const. 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC) est un terme issu de la Convention de New-York).

S’il est nécessaire de soustraire l’enfant à sa famille, l’État doit, quand cela est possible, veiller au maintien des contacts entre l’enfant et sa famille. L’enfant temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui, dans son propre intérêt, ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'État.

■ Quelle applicabilité de la CIDE en France ?

Pendant de nombreuses années, le Conseil d’État et la Cour de cassation ont eu des positions divergentes quant à l’applicabilité ou la non-applicabilité de la Convention de New-York.

·       Conseil d’État

Le Conseil d’État a opéré une distinction entre les articles de la CIDE qui n’ont d’effets qu’à l’encontre des États, c’est-à-dire, qui ne créent d’obligations que pour les États, sans ouvrir de droits pour les intéressés qui ne peuvent donc pas les invoquer devant le juge (ex. l’État doit prendre toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination, pour que tout enfant ait un niveau de vie suffisant….) et les articles qui ont un effet direct en droit interne et qui peuvent être invoquées par tout requérant devant les juridictions administratives. Cette distinction a pu évoluer au fil du temps. 

Il s’agit notamment de l’article 16, premier article qui a permis au Conseil d’État d’affirmer l’applicabilité directe de la CIDE (CE 10 mars 1995, n° 141083 : nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance), de l’article 3 § 1 (CE 22 sept. 1997, Mlle Cinar, n° 161364 : dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur doit être une considération primordiale). La notion d’intérêt supérieur de l’enfant est réaffirmée par le Conseil d'État dans son arrêt du 31 octobre 2008 (n° 293785) : « les stipulations des articles 3 § 1 et 37 de la convention relative aux droits de l'enfant font obligation d'adapter le régime carcéral des mineurs dans tous ses aspects pour tenir compte de leur âge et imposent à l'autorité administrative d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants pour toutes les décisions qui les concernent ; il en résulte, compte tenu des fortes contraintes qu'il comporte, qu'un régime d'isolement ne peut être rendu applicable aux mineurs sans que des modalités spécifiques soient édictées pour adapter en fonction de l'âge, le régime de détention, sa durée, les conditions de sa prolongation et, notamment le moment où interviennent les avis médicaux ». 

Parmi les autres dispositions de la CIDE ayant un effet direct, on peut notamment citer : les articles 10 (droit de quitter son pays : CE 1er avr. 1998, n° 155096) ; 12 § 2 (possibilité pour l’enfant d'être entendu dans toute procédure administrative l'intéressant : CE 27 juin 2008, n° 291561 : revirement par rapport à CE 3 juill. 1996, n° 140872) ; 37 b et c (CE 14 févr. 2001, n° 220271 ; CE 12 juin 2006, n° 282275 : nul enfant ne doit être privé de liberté de façon illégale ou arbitraire, tout enfant privé de liberté doit être traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine)… 

·       Cour de Cassation

La Cour de Cassation, quant à elle, a considéré jusqu’en 2005 que les dispositions de la CIDE ne créaient d'obligations qu'à l'égard des États parties et ne pouvaient être invoquées directement devant les juridictions internes (Civ. 1re, 10 mars 1993, n° 91-11.310).

Par un arrêt du 18 mai 2005 (n° 02-20.613), la Cour de cassation reconnait l’applicabilité directe de deux dispositions de la CIDE, les articles 3 § 1 et 12 § 2: « Attendu que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que lorsque le mineur capable de discernement demande à être entendu, il peut présenter sa demande au juge en tout état de la procédure et même, pour la première fois, en cause d'appel ; que son audition ne peut être écartée que par une décision spécialement motivée ». (V. également Cass., ass. plén., 3 juin 2011, n° 09-69.052). 

À titre d’exemple, d’autres dispositions ont également été reconnues d’applicabilité directe. Ainsi, l'article 7 § 1 de la Convention de New-York est applicable directement devant les tribunaux français : il s’agit pour l'enfant du droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents dès sa naissance (Civ. 1re, 7 avr. 2006, n° 05-11.285). Par ailleurs, la Cour de cassation reconnait également l’applicabilité directe des dispositions de l'article 8 (identité, nom de l’enfant) qui peuvent être utilement invoquées devant le juge interne (Civ. 1re, 6 janv. 2010, n° 08-18.871).

Comme le Conseil d’État, la Cour de cassation décide au fur et à mesure des questions qui lui sont soumises quelles dispositions de la CIDE peuvent être d’applicabilité directe. 

Selon le rapport du Défenseur des droits au Comité des droits de l’enfant des Nations-Unis de juillet 2020 « Sur les 54 articles de la Convention, dont la force réside dans l’invocabilité directe par les particuliers, seuls 6 (art. 1er, 3, 7, 9, 12, 16) font l’objet d’un consensus du Conseil d’État et de la Cour de cassation quant à leur effet direct, l’État avançant le fait que les avocats ne soulèvent que très rarement les moyens tirés de la CIDE pour justifier l’absence d’évaluation de l’effet direct par les hautes juridictions ».

■ Quelles « contraintes » pour les États parties à la CIDE?

Le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unis (CIDE, art. 43 s.) est l’organe de surveillance de la CIDE. Il contrôle le respect par les États de la Convention et des deux protocoles facultatifs (vente et prostitution d'enfants ; implication dans les conflits armés). Il est composé de 18 experts de haute moralité et possédant une compétence reconnue dans le domaine des droits de l’enfant. Ses membres sont élus pour 4 ans (et rééligibles) par les États parties parmi leurs ressortissants. 

·       La remise d’un rapport

Tous les 5 ans, chaque État s’engage à remettre au Comité des droits de l’enfant un rapport sur les mesures qu'il aura adoptées pour donner effet aux droits reconnus dans la CIDE et sur les progrès réalisés dans la jouissance de ces droits. La France a remis son dernier rapport en juillet 2020 (préc.).

·       La procédure de présentation de communications (3e protocole facultatif)

Ce protocole établit une procédure de présentation de plainte en cas de violation, par un État partie, de l'un des droits énoncés dans la Convention ou ses protocoles. Il a été ratifié par la France (L. n° 2015-1463 du 12 nov. 2015 ; Décr. n° 2016-500 du 22 avr. 2016) et institue la possibilité, pour un particulier ou un groupe de particuliers affirmant être victime d'une telle violation et ayant, sauf exceptions, épuisé tous les recours internes disponibles, de présenter une « communication » auprès du Comité des droits de l’enfant (CIDE, art. 43 s.). Ce comité peut, avant toute décision sur le fond, demander à l'État en cause de prendre des mesures provisoires pour éviter qu'un préjudice irréparable soit causé à la victime des violations alléguées. Après examen, le Comité transmet aux parties ses constatations et ses éventuelles recommandations. L'État doit « dûment » prendre en considération ces constatations et recommandations et informer dans un délai de 6 mois le Comité des mesures prises ou envisagées en conséquence.

Selon le rapport du Défenseur des droits de juillet 2020 (préc.) cette voie de recours n’a été que très peu utilisée en France. Une affaire a été jugée irrecevable par le Comité (CRC/C/77/D/10/2017) et 3 demeurent pendantes devant ce même Comité (77/201979/2019, 105/2019). Les justiciables et les professionnels du droit connaissent très peu cette possibilité. Le Défenseur des droits observe également « à ce sujet que la ratification de ce 3e protocole n’a fait l’objet d’aucune communication par l’État ».

Références

■ Cons. const. 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC : DAE 8 juill. 2019, note Christelle de Gaudemont ; AJDA 2019. 662 ; ibid. 1448, note T. Escach-Dubourg ; D. 2019. 742, note P. Parinet ; ibid. 709, point de vue H. Fulchiron ; ibid. 1732, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2020. 1324, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJ fam. 2019. 222, obs. A. Bouix ; RDSS 2019. 453, note A.-B. Caire

 CE 10 mars 1995, n° 141083 B : D. 1995. 617, note Y. Benhamou ; RDSS 1996. 137, obs. F. Monéger ; RTD civ. 1996. 140, obs. J. Hauser

■ CE 22 sept. 1997, Mlle Cinar, n° 161364 A : AJDA 1997. 815 ; D. 1998. 297, obs. C. Desnoyer ; RFDA 1998. 562, concl. R. Abraham ; RDSS 1998. 174, note F. Monéger ; RTD civ. 1998. 76, obs. J. Hauser

■ CE 1er avr. 1998, n° 155096 B

■ CE 27 juin 2008, n° 291561 A : AJDA 2008. 1296 ; D. 2009. 1918, obs. A. Gouttenoire et P. Bonfils ; AJ fam. 2008. 342, obs. F. Chénedé ; RTD civ. 2008. 665, obs. J. Hauser

■ CE 3 juill. 1996, n° 140872 A: RDSS 1997. 334, obs. J.-M. De Forges

■ CE 14 févr. 2001, n° 220271 A 

■ CE 12 juin 2006, n° 282275  B : AJDA 2006. 1246

■ Civ. 1re, 10 mars 1993, n° 91-11.310 P : D. 1993. 361, note J. Massip ; ibid. 203, chron. M.-C. Rondeau-Rivier ; ibid. 1994. 34, obs. F. Dekeuwer-Défossez ; RDSS 1993. 533, note F. Monéger ; Rev. crit. DIP 1993. 449, note P. Lagarde ; RTD civ. 1993. 341, obs. J. Hauser

■ Civ. 1re, 18 mai 2005, n° 02-20.613 P : D. 2005. 1909, note V. Egéa ; ibid. 2007. 2192, obs. A. Gouttenoire et L. Brunet ; AJ fam. 2005. 274, obs. T. Fossier ; RDSS 2005. 814, étude C. Neirinck ; Rev. crit. DIP 2005. 679, note D. Bureau ; RTD civ. 2005. 556, obs. R. Encinas de Munagorri ; ibid. 585, obs. J. Hauser ; ibid. 627, obs. P. Théry ; ibid. 750, obs. P. Remy-Corlay

■ Cass., ass. plén., 3 juin 2011, n° 09-69.052 P : AJDA 2011. 1920 ; D. 2011. 1625, obs. C. de la Première présidence ; ibid. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2012. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ fam. 2011. 375 ; Dr. soc. 2011. 813, avis G. Azibert ; RDSS 2011. 738, note T. Tauran ; RTD civ. 2011. 735, obs. P. Remy-Corlay

■ Civ. 1re, 7 avr. 2006, n° 05-11.285 P : D. 2006. 2293, obs. I. Gallmeister, note E. Poisson-Drocourt ; ibid. 1177, tribune B. Mallet-Bricout ; ibid. 1707, chron. J. Revel ; ibid. 2007. 879, chron. P. Salvage-Gerest ; ibid. 1460, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 2192, obs. A. Gouttenoire et L. Brunet ; Just. & cass. 2007. 328, rapp. A. Pascal ; AJ fam. 2006. 249, obs. F. Chénedé ; RDSS 2006. 575, obs. C. Neirinck ; RTD civ. 2006. 273, obs. P. Remy-Corlay ; ibid. 292, obs. J. Hauser

■ Civ. 1re, 6 janv. 2010, n° 08-18.871 P : D. 2010. 207 ; ibid. 1904, obs. A. Gouttenoire et P. Bonfils ; AJ fam. 2010. 89, obs. F. Chénedé ; RTD civ. 2010. 296, obs. J. Hauser

 

Auteur :Christelle de Gaudemont


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