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Droit constitutionnel
La Cour de justice de la République
La Cour de justice de la République (CJR) a été créée par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993. Avant la réforme constitutionnelle de 1993, l’article 68, alinéa 2 de la Constitution définissait une responsabilité pénale des membres du Gouvernement. Ils pouvaient alors être jugés par la Haute Cour de justice. Mais pour différentes raisons aucune procédure n’avait abouti.
■ Pour qui ?
La CJR juge des crimes ou délits commis par les membres du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions, c'est-à-dire ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l'État. Pour les actes qui en sont détachables (actes de la vie privée, en lien avec des mandats électifs locaux ou simplement commis à l'occasion des fonctions et non dans leur exercice), les juridictions de droit commun restent compétentes.
■ Qui peut la saisir ?
«Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d'une commission des requêtes. » (Const. 58, art. 68-2, al. 2)
■ Commission des requêtes près la CJR
Elle se compose de 7 magistrats désignés pour 5 ans (3 magistrats du siège hors hiérarchie à la Cour de cassation, de 2 conseillers d'État et de 2 conseillers maîtres à la Cour des comptes).
Elle examine s'il y a lieu de saisir la CJR et qualifie les faits. Le procureur général près la Cour de cassation peut également saisir directement la CJR sur avis conforme de la même commission (L. org. n° 93-1252 du 23 nov. 1993, art. 17). La commission des requêtes est donc juge de l'opportunité des poursuites. Elle peut ainsi classer l'affaire et, dans ce cas, rend une décision motivée, comme ce fut le cas le 16 juin 2000 pour une plainte liée à l'accident de Tchernobyl. Sinon, la commission renvoie devant la CJR. Les arrêts de la commission des requêtes sont susceptibles d'un pourvoi en cassation (L. org. n° 93-1252du 23 nov. 1993, art. 24).
■ Composition de la CJR
Elle se compose de 15 juges (12 parlementaires élus, en leur sein et en nombre égal, par l'Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées et 3 magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l'un préside la Cour de justice de la République).
■ Pourvoi en cassation
Les arrêts rendus par la CJR sont susceptibles d'un pourvoi en cassation (L. org. n° 93-1252 du 23 nov. 1993, art. 33).
■ Quels ministres devant la CJR ?
· Affaire «du sang contaminé » : MM. Edmond Hervé et Laurent Fabius et Mme Georgina Dufoix ont été mis en examen (sept. 1994) pour «complicité d'empoisonnement» par la commission d'instruction après que la commission des requêtes eut déclaré recevables les plaintes de plusieurs hémophiles. La CJR a relaxé Laurent Fabius et Georgina Dufoix mais a estimé qu'Edmond Hervé avait «commis une faute d'imprudence ou de négligence et un manquement à une obligation de sécurité et de prudence»; elle l'a cependant dispensé de peine (CJR 9 mars 1999, Fabius, Dufoix et Hervé, n° 99-001).
· Affaire relative au bizutage : Ségolène Royal, poursuivie pour diffamation, a été relaxée (CJR 16 mai 2000, Royal, n° 00-001). Le pourvoi en cassation entrepris après cette relaxe a été repoussé.
· Michel Gillibert, ancien secrétaire d'État chargé des handicapés, a été mis en examen (nov. 1994) pour abus de confiance, falsification de chèque, détournement de fonds, etc. La CJR l’a condamné à trois ans de prison avec sursis, pour détournement de fonds, à cinq ans d’inéligibilité et 20 000 € d'amende (CJR 7 juill. 2004).
· La Cour de cassation ayant considéré que le renvoi de Charles Pasqua devant la CJR (Cass., ass. plén., 17 juill. 2009, n° 09-82-690) était régulier, le procès a eu lieu en avril 2010. L'ancien ministre a été condamné à un an de prison avec sursis pour complicité d'abus de bien sociaux et de recel (CJR 30 avr. 2010). La Cour de cassation a rejeté le pourvoi entrepris contre cet arrêt (Cass., ass. plén., 23 juill. 2010, n° 10-85.505).
· La Cour de cassation ayant rejeté, le 22 juillet 2016 (n° 16-80.133), le pourvoi de Christine Lagarde contre la décision de renvoi du 17 décembre 2015, l'ancienne ministre de l'économie a comparu devant la CJR pour des faits de négligence ayant rendu possible un détournement de fonds publics dans l'arbitrage Tapie c/ Crédit lyonnais. Reconnue coupable, l'ancienne ministre a cependant été dispensée de peine (CJR 19 déc. 2016, n° 2016/001).
· Par une décision du 30 septembre 2019, la CJR a estimé que l’ancien Garde de sceaux, Jean-Jacques Urvoas, a été condamné à une peine d'un mois de prison avec sursis et 2 000 € d’amende pour violation du secret professionnel.
■ Supprimer la CJR ?
Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 août 2019, propose de supprimer la Cour de justice de la République (art. 8) afin que les ministres soient jugés par une juridiction judiciaire de droit commun, la cour d’appel de Paris.
Références :
■ Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique
Article 8 : Les articles 68-1 à 68-3 de la Constitution sont remplacés par un article 68-1 ainsi rédigé :
« Art. 68-1. – Les membres du Gouvernement sont responsables, dans les conditions de droit commun, des actes qui ne se rattachent pas directement à l’exercice de leurs attributions, y compris lorsqu’ils ont été accomplis à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
« Ils sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Leur responsabilité ne peut être mise en cause à raison de leur inaction que si le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable.
« Ils sont poursuivis et jugés devant les formations compétentes, composées de magistrats professionnels, de la cour d’appel de Paris.
« Le ministère public, la juridiction d’instruction ou toute personne qui se prétend lésée par un acte mentionné au deuxième alinéa saisit une commission des requêtes comprenant trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la commission, deux membres du Conseil d’État et deux magistrats de la Cour des comptes. La commission apprécie la suite à donner à la procédure et en ordonne soit le classement, soit la transmission au procureur général près la cour d’appel de Paris qui saisit alors la cour.
« La loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »
■ Cass., ass. plén., 17 juill. 2009, n° 09-82-690 P
■ Cass., ass. plén., 23 juill. 2010, n° 10-85.505 P
■ Cass., ass. plén., 22 juill. 2016, n° 16-80.133 P
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