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[ 13 février 2014 ] Imprimer

Droit du travail - relations individuelles

La date d’effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail

Mots-clefs : Contrat de travail, Résiliation judiciaire, Date d’effet, Détermination

La date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date. Si, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, il en va autrement lorsque l’exécution du contrat de travail s’est poursuivie après cette décision.

Autrefois ouverte à l’employeur, la résiliation judiciaire est, depuis l’arrêt Grignon (Soc. 9 mars 1999), un mode de rupture du contrat de travail exclusivement réservé au salarié, la Cour de cassation ayant par la suite plus généralement énoncé que l’employeur « qui dispose du droit de résilier unilatéralement un contrat de travail à durée indéterminée par la voie du licenciement, en respectant les garanties légales, n’est pas recevable, hors les cas où la loi en dispose autrement, à demander la résiliation judiciaire dudit contrat » (Soc. 13 mars 2001).

Si la possibilité de résilier judiciairement un contrat de travail continue de trouver son fondement dans l’article 1184 du Code civil, faute de dispositions particulières dans le Code du travail, la jurisprudence a construit en la matière un régime en partie distinct du droit commun, notamment en ce qui concerne la date de prise d’effet de la résiliation, ce que rappelle l’arrêt rapporté.

En l’espèce, un salarié avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Par un jugement en date du 10 septembre 2010, le conseil de prud’hommes avait prononcé la résiliation du contrat aux torts et griefs de l’employeur, et fixé provisoirement à cette date les effets de la résiliation. La cour d’appel avait confirmé la décision des premiers juges sur le principe de la résiliation du contrat mais l’avait infirmée s’agissant de la date de la rupture, considérant que la date du jugement confirmé, prononçant la résiliation, devait être retenue à titre définitif, et non provisoire, en sorte que les demandes du salarié en paiement de salaires jusqu’à la date de sa propre décision devaient être rejetées. La cour d’appel avait ainsi estimé que le jugement du conseil des prud’hommes marquait de manière incontestable la consommation définitive de la rupture du contrat.

La question de savoir si la date d’effet de la résiliation est nécessairement celle de la décision judiciaire qui la prononce ne présentait pas un aspect inédit. La Cour de cassation avait en effet déjà admis qu’elle puisse être fixée à une date autre au motif qu’ « en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d’effet ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur » (Soc. 11 janv. 2007).

La notion de « salarié au service de son employeur » pouvait théoriquement être entendue de deux manières :

– soit le salarié devait effectivement fournir une prestation de travail pour être considéré au service de son employeur ;

– soit il suffisait que son contrat de travail soit toujours en cours pour le considérer comme tel, ce qui permettait notamment de déclarer au service de son employeur un salarié se trouvant dans l’une quelconque des situations de suspension du contrat de travail.

Dans l’espèce précitée qui concernait une salariée en période de suspension du contrat de travail pour cause de maladie, la Cour de cassation avait implicitement consacré une acception large de la notion de « salarié au service de son employeur », dont on pouvait penser qu’elle avait vocation à englober tous les cas où le contrat de travail n’avait pas été effectivement rompu, par licenciement, démission ou prise d’acte, avant le prononcé de la résiliation.

Aussi la chambre sociale avait-elle confirmé la règle dans un arrêt ayant énoncé qu’ « en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date » (Soc. 14 oct. 2009 Soc. 24 avr. 2013), de sorte que, en fixant la date d’effet de la résiliation du contrat de travail au jour de la convocation de l’employeur devant la juridiction prud’homale malgré la poursuite, à cette date, de la relation contractuelle, la cour d’appel avait violé l’article 1184 du Code civil (v. www.courdecassation.fr/travail.../f_rupture_contrat_tr.).

Dans un attendu qui n’est pas sans rappeler la formulation des arrêts précités, la Haute juridiction rappelle qu’en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date de la résiliation « ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date ». Et la Cour de préciser la règle à l’aune de l’exercice des voies de recours : dans la mesure où le contrat n’a pas été rompu au jour de la décision de résiliation, celle-ci prend effet à cette date et en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la rupture prend effet à la date du jugement confirmé. Ceci sous la réserve, déterminante au demeurant, de l’inexécution du contrat de travail par le salarié : « si, en cas de confirmation en appel du jugement prononçant la résiliation, la date de la rupture est celle fixée par le jugement, il en va autrement lorsque l’exécution du contrat de travail s’est poursuivie après cette décision ».

La Cour reproche alors aux juges du fond de ne pas avoir recherché si le salarié n’était pas resté au service — abstraitement entendu donc, conformément à la jurisprudence antérieure — de son employeur postérieurement au premier jugement, alors même que par l’effet suspensif de l’appel interjeté par l’employeur contre ce jugement, le contrat de travail litigieux était resté en cours pendant la procédure d’appel, si bien que la date de sa rupture devait être fixée à celle de l’arrêt confirmatif.

Soc. 21 janv. 2014, n°12-28.237

Références

■ Article 1184 du Code civil

« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »

 Soc. 9 mars 1999, pourvoi n° 96-41.734, D. 1999 365, obs. Radé.

■ Soc. 13 mars 2001n° 98-46.411, Dr. social 2001. 624, note Radé.

 Soc. 11 janv. 2007, n° 05-40.626, Bull. civ. V, n° 6, RDT 2007. 237, obs. Pelissier.

■ Soc. 14 oct. 2009, n° 07-45.257, Bull. civ. V, n° 222.

■ Soc. 24 avr. 2013, n° 11-28.629.

 

Auteur :M. H.


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