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[ 3 mai 2010 ] Imprimer

Procédure pénale

La défense a le dernier mot devant la chambre de l'instruction

Mots-clefs : Audience, Audition des parties (ordre, méconnaissance, sanction), Droits de la défense

La règle selon laquelle la défense doit avoir la parole en dernier a une portée générale et s'impose devant la chambre de l'instruction.

La chambre criminelle rappelle, dans un arrêt du 2 mars 2010, la portée de la règle selon laquelle la défense doit avoir la parole en dernier. En l'espèce, les avocats des mis en examen, qui avaient saisi la chambre de l'instruction d'une requête aux fins d'annulation de la procédure, avaient, à l'audience, présenté leurs observations avant que le ministère public prenne ses réquisitions.

Cette décision est ici cassée au double visa de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 199 du Code de procédure pénale, la chambre criminelle rappelant qu'« il se déduit des dispositions de ces textes et des principes généraux du droit [PGD] que, devant la chambre de l'instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers » (v. déjà, rattachant cette règle à l'art. 199 C. pr. pén. et aux PGD, Crim. 28 mai 2002 ; 7 juill. 2005). La Haute cour ajoute ici une référence à l'article 6 de la Convention européenne, qui prévoit que « tout accusé doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense » (art. 6, § 3, b), et sur la base duquel la Cour de Strasbourg énonce que « le droit de l'accusé à parler le dernier revêt une importance certaine » (CEDH 27 juin 2000).

Si les articles 460, 513 et 346 du Code de procédure pénale organisent explicitement l'ordre des auditions devant le tribunal correctionnel, la chambre des appels correctionnels et la cour d'assises en faveur de la personne poursuivie, l'article 199, relatif à la procédure devant la chambre de l'instruction, est plus ambigu puisqu'il se contente d'indiquer que « le procureur général et les avocats des parties sont entendus » après le rapport du conseiller. La généralité de la solution ne fait cependant aucun doute, car la règle posée, tant par l'article 460 que l'article 513, et directement fondée sur le respect des droits de la défense, « domine tout débat pénal et concerne toutes les procédures intéressant la défense et se terminant par un jugement ou un arrêt » (Crim. 20 sept. 2000). Il en résulte qu'une décision de renvoi devant le tribunal correctionnel prise par la chambre de l'instruction sans que l'ordre des auditions ne puisse être vérifié ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale (Crim. 7 juill. 2005, préc.).

Crim. 2 mars 2010, n° 09-88.452, F-P+F

 

Références

■ Chambre de l’instruction

« Formation de la cour d’appel, qui s’est substituée, depuis la loi no 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, à l’ancienne chambre d’accusation, et statuant :

principalement :

sur appel des ordonnances ou décisions rendues dans le cadre d’une instruction;

accessoirement :

 comme juridiction disciplinaire des officiers et agents de police judiciaire;

 en matière d’extradition, de réhabilitation judiciaire, de contentieux de l’amnistie, de règlement de juges… »

Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.

■ Article 6 — Droit à un procès équitable

« 1 Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

2 Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3 Tout accusé a droit notamment à :

a. être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;

b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c. se défendre lui‑même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;

d. interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

e. se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »

■ Code de procédure pénale

Article 199

« Les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en chambre du conseil. Toutefois, si la personne majeure mise en examen ou son avocat le demande dès l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent et l'arrêt est rendu en séance publique, sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. La chambre de l'instruction statue sur cette demande, après avoir recueilli les observations du procureur général et, le cas échéant, des avocats des autres parties, par un arrêt rendu en chambre du conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt portant sur la demande principale.

En matière de détention provisoire, et par dérogation aux dispositions du premier alinéa, si la personne mise en examen est majeure, les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique. Toutefois, le ministère public, la personne mise en examen ou la partie civile ou leurs avocats peuvent, avant l'ouverture des débats, s'opposer à cette publicité si celle-ci est de nature à entraver les investigations spécifiques nécessitées par l'instruction, à porter atteinte à la présomption d'innocence ou à la sérénité des débats ou à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers, ou si l'enquête porte sur des faits visés à l'article 706-73. La chambre statue sur cette opposition après avoir recueilli les observations du ministère public et des parties, par un arrêt rendu en chambre du conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que l'arrêt portant sur la demande principale. Si la chambre fait droit à cette opposition ou si la personne mise en examen est mineure, les débats ont lieu et l'arrêt est rendu en chambre du conseil. Il en est de même si la partie civile s'oppose à la publicité, dans les seuls cas où celle-ci est en droit de demander le huis clos lors de l'audience de jugement.

Après le rapport du conseiller, le procureur général et les avocats des parties sont entendus.

La chambre de l'instruction peut ordonner la comparution personnelle des parties ainsi que l'apport des pièces à conviction.

Il est donné lecture de l'arrêt par le président ou par l'un des conseillers ; cette lecture peut être faite même en l'absence des autres conseillers.

En matière de détention provisoire, la comparution personnelle de la personne concernée est de droit si celle-ci ou son avocat en fait la demande ; cette requête doit, à peine d'irrecevabilité, être présentée en même temps que la déclaration d'appel ou que la demande de mise en liberté adressée à la chambre de l'instruction. Si la personne a déjà comparu devant la chambre de l'instruction moins de quatre mois auparavant, le président de cette juridiction peut, en cas d'appel d'une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté, refuser la comparution personnelle de l'intéressé par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours.

En cas de comparution personnelle de la personne concernée, le délai maximum prévu au troisième alinéa de l'article 194 est prolongé de cinq jours. »

Article 346

« Une fois l'instruction à l'audience terminée la partie civile ou son avocat est entendu. Le ministère public prend ses réquisitions.

L'accusé et son avocat présentent leur défense.

La réplique est permise à la partie civile et au ministère public, mais l'accusé ou son avocat auront toujours la parole les derniers. »

Article 460

« L'instruction à l'audience terminée, la partie civile est entendue en sa demande, le ministère public prend ses réquisitions, le prévenu, et, s'il y a lieu, la personne civilement responsable, présentent leur défense.

La partie civile et le ministère public peuvent répliquer. Le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers. »

Article 513

« L'appel est jugé à l'audience sur le rapport oral d'un conseiller ; le prévenu est interrogé.

Les témoins cités par le prévenu sont entendus dans les règles prévues aux articles 435 à 457. Le ministère public peut s'y opposer si ces témoins ont déjà été entendus par le tribunal. La cour tranche avant tout débat au fond.

Après que l'appelant ou son représentant a sommairement indiqué les motifs de son appel, les parties en cause ont la parole dans l'ordre prévu par l'article 460.

Le prévenu ou son avocat auront toujours la parole les derniers. »

Crim. 28 mai 2002Bull. crim., n° 119 ; JCP 2002. IV. 2360.

Crim. 7 juill. 2005Bull. crim., n° 202 ; D. 2006. Pan. 624, obs. Pradel ; RSC 2005. 869, obs. Commaret.

Crim. 20 sept. 2000Bull. crim., n° 272.

CEDH 27 juin 2000Constantinescu c. Roumanie, req. n° 28871/99.

 

Auteur :S. L.

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