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Droit du travail - relations individuelles
La différence de traitement fondée sur l’âge doit être justifiée !
Mots-clefs : Mise à la retraite, Discrimination fondée sur l’âge, Différence de traitement, Préavis
Aux termes de l’article 6, § 1er, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les « différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime […], et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ».
Un homme a conclu un contrat de travail soumis à la convention collective nationale des activités du déchet. Après de nombreuses années au sein de l’entreprise, il a reçu notification de sa mise à la retraite par lettre recommandée, avec prise d’effet 6 mois plus tard, au motif qu’il était sur le point d’atteindre l’âge de 60 ans et qu’il pouvait prétendre à une retraite à taux plein. Le salarié a alors saisi le conseil des prud’hommes aux fins d’obtenir l’annulation de sa mise à la retraite et condamnation de l’employeur à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts.
Toute la question était de savoir si la mise à la retraite par l’employeur était constitutive d’une discrimination à raison de l’âge.
Le premier moyen du pourvoi est fondé sur l’interdiction de mettre à la retraite un salarié de moins de 70 ans sans son assentiment.
La loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d'ordre social a introduit un nouveau mode de rupture de contrat de travail tenant à l’âge du salarié, alors que la jurisprudence considérait jusqu’alors que la mise à la retraite décidée par l’employeur constituait un licenciement (Soc. 31 mai 1978). Désormais, selon l’auteur de la rupture, il s’agira :
– soit d’une mise à la retraite lorsqu’elle résulte d’une décision de l’employeur (C. trav., art. L. 1237-5) ;
– soit d’un départ à la retraite lorsqu’elle est à l’initiative du salarié.
Cette loi prévoit, en outre, que « [s]ont nulles toutes stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail et d'un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié en raison de son âge ou du fait qu'il serait en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse » (C. trav., art. L. 1237-4).
Par la suite, la loi n° 2003-775 du 21 aout 2003 portant réforme des retraites a prohibé la mise à la retraite d’un salarié de moins de 65 ans. Enfin, la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a encore durci les conditions : l’employeur ne peut pas mettre à la retraite un salarié de moins de 70 ans sans son accord (C. trav., art. L. 1237-5). Si aucune obligation ne pèse sur l’employeur (Soc. 12 nov. 2002), il peut néanmoins proposer au salarié une mise à la retraite dès que celui-ci atteint l’âge d’attribution d’une retraite à taux plein conformément aux dispositions du Code de la sécurité sociale.
La loi ne subordonne pas la mise à la retraite à une procédure analogue à celle du licenciement (v. G. Auzero, E. Dockès). Si l’employeur n’est pas tenu de convoquer à un entretien préalable le salarié (Paris, 29 avr. 1993), il doit cependant l’interroger par écrit sur son intention de quitter volontairement l’entreprise afin de bénéficier d’une pension vieillesse et, également, lui notifier par écrit sa mise à la retraite. À défaut, la rupture sera considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 1237-8).
En l’espèce, la Cour affirme que l’article L. 1237-5 du Code du travail ne s’applique pas conformément aux dispositions de l’accord de branche qui produit encore ses effets.
Le second moyen du pourvoi du salarié est fondé sur le caractère supposé discriminatoire de sa mise à la retraite.
La Cour rappelle qu’une dérogation à la discrimination du fait de l’âge a été prévue. Aux termes de l’article 6, § 1er, de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, « les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ». L’article L. 1133-2 du Code du travail transpose cette disposition en droit interne.
En l’espèce, la Cour a estimé que l’employeur avait respecté ses obligations conventionnelles de contreparties des mises à la retraite d’office en engageant notamment un nouveau salarié sur le poste vacant et en consacrant 5% de sa contribution légale à la formation des personnels de plus de 45 ans. La Haute juridiction en a donc conclu que « la différence de traitement fondée sur l’âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires ».
Soc. 31 mars 2015, n° 13-18.667
Références
■ G. Auzero, E. Dockès, Droit du travail, 29e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2015, n°404.
■ Directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail
Article 6 - Justification des différences de traitement fondées sur l'âge
« Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.
Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre:
a) la mise en place de conditions spéciales d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle, d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d'assurer leur protection;
b) la fixation de conditions minimales d'âge, d'expérience professionnelle ou d'ancienneté dans l'emploi, pour l'accès à l'emploi ou à certains avantages liés à l'emploi;
c) la fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite.
2. Nonobstant l'article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l'âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d'âges d'adhésion ou d'admissibilité aux prestations de retraite ou d'invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d'âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l'utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d'âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe. »
■ Code du travail
« Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés.
Ces différences peuvent notamment consister en :
1° L'interdiction de l'accès à l'emploi ou la mise en place de conditions de travail spéciales en vue d'assurer la protection des jeunes et des travailleurs âgés ;
2° La fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite. »
« Les stipulations relatives au départ à la retraite des salariés prévues par une convention collective, un accord collectif de travail ou un contrat de travail sont applicables sous réserve qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions légales.
Sont nulles toutes stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail et d'un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié en raison de son âge ou du fait qu'il serait en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse. »
« La mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale sous réserve des septième à neuvième alinéas :
Un âge inférieur peut être fixé, dans la limite de celui prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la sécurité sociale :
1° Dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif étendu conclu avant le 1er janvier 2008 fixant des contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle ;
2° Pour les bénéficiaires d'une préretraite ayant pris effet avant le 1er janvier 2010 et mise en œuvre dans le cadre d'un accord professionnel mentionné à l'article L. 5123-6 ;
3° Dans le cadre d'une convention de préretraite progressive conclue antérieurement au 1er janvier 2005 ;
4° Dans le cadre du bénéfice de tout autre avantage de préretraite défini antérieurement à la date de publication de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites et ayant pris effet avant le 1er janvier 2010.
Avant la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale et dans un délai fixé par décret, l'employeur interroge par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse.
En cas de réponse négative du salarié dans un délai fixé par décret ou à défaut d'avoir respecté l'obligation mentionnée à l'alinéa précédent, l'employeur ne peut faire usage de la possibilité mentionnée au premier alinéa pendant l'année qui suit la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale.
La même procédure est applicable chaque année jusqu'au soixante-neuvième anniversaire du salarié. »
« Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas réunies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement. »
■ Soc. 31 mai 1978, n° 76-40.634, D. 1978. 568, note J. Pélissier.
■ Soc. 12 nov. 2002, n° 00-42.730.
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