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Droit du travail - relations individuelles
La discrétion ne se monnaye pas!
Mots-clefs : Contrat de travail, Obligation de discrétion, Clause de discrétion, Distinction avec la clause de non-concurrence, Contrepartie financière (non)
La clause de discrétion insérée dans le contrat de travail d'un salarié, imposant à ce dernier la confidentialité des informations qu’il détient concernant sa société n'ouvre pas droit à contrepartie financière, dès lors qu'elle ne porte pas atteinte à la liberté de travail.
Alors que le contrat de travail d’un directeur marketing-division explosifs industriels comprenait une clause de discrétion, ce salarié, à la suite de son licenciement pour motif économique, avait formé une demande d'indemnisation au titre de cette clause, rejetée par les juges du fond.
Il se pourvut alors en cassation, en invoquant que l'atteinte portée par la clause litigieuse à la liberté fondamentale d'exercer une activité professionnelle justifie l'existence d'une contrepartie financière.
Plus précisément, il soutenait que l'obligation de discrétion stipulée dans son contrat de travail entravait, comme le ferait une clause de non-concurrence, sa recherche d’un nouvel emploi dès lors que :
– d'une part, il avait toujours travaillé dans le même domaine d'activité lequel est, compte tenu du faible nombre d'intervenants, particulièrement étroit ;
– et d'autre part, que l’atteinte portée à sa liberté d’exercer une activité professionnelle était d’autant plus grave que l’obligation de discrétion mise à sa charge n'était limitée ni dans le temps, ni dans l'espace.
La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond : « ayant constaté que la clause litigieuse ne portait pas atteinte au libre exercice par le salarié d'une activité professionnelle, mais se bornait à imposer la confidentialité des informations détenues par lui et concernant la société, la cour d'appel (...) en a exactement déduit que cette clause n'ouvrait pas droit à contrepartie financière ».
Tout salarié est tenu, même en l'absence de clause expresse stipulée dans son contrat de travail, à une obligation de secret et de discrétion concernant les informations professionnelles dont il a pu prendre connaissance à l’occasion de l'exécution de son contrat. La nécessité d'exécuter les conventions de bonne foi (C. civ., art. 1134), principe repris à l'article L. 1222-1 du Code du travail, fonde l’obligation de loyauté du salarié vis-à-vis de son employeur.
Mais par sécurité, l’employeur préfère souvent insérer dans le contrat de travail une clause de discrétion, encore appelée clause de confidentialité, destinée à protéger le savoir-faire propre à son entreprise. L’obligation de loyauté imposée au salarié est alors contractualisée.
S’est alors posée la question de savoir si à l’instar d’une clause de non-concurrence, elle devait, sous peine de nullité, être compensée par une contrepartie pécuniaire (Soc. 10 juill. 2002 ; Soc. 18 sept. 2002).
Par la décision rapportée, la Cour y répond par la négative, refusant d’aligner le régime de la clause de discrétion sur celui, favorable au salarié, de la clause de non-concurrence, très certainement parce que la première, à la différence de la seconde, ne fait que contractualiser une obligation légale générale, celle de l'obligation de discrétion inhérente à tout contrat de travail.
En outre, la clause de discrétion se distingue, par l’objectif qu’elle poursuit, de la clause de non-concurrence. Alors qu'une clause de non-concurrence a pour objectif de protéger la clientèle de l'entreprise en interdisant au salarié sa captation, par exemple en s’installant à son propre compte dans le même secteur d'activité que son ancien employeur, l’objectif premier d'une clause de discrétion est de protéger le savoir-faire de l'entreprise en interdisant au salarié, par exemple, d’en divulguer les secrets de fabrique. Le savoir-faire faisant partie du patrimoine immatériel de l'entreprise, on comprend que celui-ci soit protégé à titre général et sans limitation de durée.
La jurisprudence est ainsi venue préciser qu'une clause de confidentialité destinée à protéger le savoir-faire propre à l'entreprise peut valablement prévoir qu'elle s'appliquera après la fin du contrat de travail et que l'inexécution par le salarié de cette obligation contractuelle postérieurement à son départ de l'entreprise le rend responsable du préjudice qui en résulte pour celle-ci, même en l'absence de faute lourde (Soc. 19 mars 2008).
Enfin, si la clause de non-concurrence restreint effectivement la liberté du salarié d’exercer une activité professionnelle, en lui interdisant de se mettre au service d'un autre employeur à la fin de son contrat de travail, la clause de discrétion l’entrave moins qu’elle porte atteinte à la liberté d’expression du salarié, tenu de ne pas divulguer les informations dont il a connaissance dans l'exercice de ses fonctions, à l'extérieur comme à l'intérieur de l'entreprise (Soc. 30 juin 1982).
Soc. 15 oct. 2014, n° 13-11.524
Références
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
■ Article L. 1222-1 du Code du travail
« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »
■ Soc. 10 juill. 2002, n° 00-45.135.
■ Soc. 18 sept. 2002, n° 99-46.136.
■ Soc. 19 mars 2008, n° 06-45.322.
■ M. Del Sol et C. Lefranc-Harmoniaux, « La protection de l'information confidentielle acquise par les salariés et leurs représentants », JCP S 2008. 1666.
■ Soc. 30 juin 1982, n° 80-41.114.
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