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Droit de la responsabilité civile
La faute caractérisée du médecin lors d’une échographie
Mots-clefs : Responsabilité médicale, Échographiste, Enfant né avec un handicap, Faute caractérisée
La faute caractérisée engage la responsabilité du médecin envers les parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse.
Le 13 mai 2005, une femme a accouché d'une fille présentant une agénésie de l'avant-bras droit. Au cours de sa grossesse, elle avait fait l'objet de trois échographies pratiquées successivement par deux médecins échographistes. Les parents ont recherché la responsabilité des deux praticiens. La cour d'appel a relevé que l'un des médecins échographistes avait indiqué, dans son compte-rendu écrit, que les membres étaient visibles avec leurs extrémités. Elle en a alors déduit la commission d’une faute qui, par son intensité et son évidence, était caractérisée au sens de l'article L. 114-5 du Code de l'action sociale et des familles, qui prévoit l’indemnisation du préjudice des parents causé par la faute caractérisée d'un professionnel ou d'un établissement de santé dans la naissance d'un enfant dont le handicap n’a, par cette faute, pas été décelé pendant la grossesse. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’un des échographistes, lequel soutenait que son erreur n’était pas fautive compte tenu « des difficultés et de la marge d'erreur inhérentes à ce type d'examen ». Selon la Haute cour, la cour d'appel, ayant déduit l'existence d'une faute caractérisée du constat que l'autre médecin échographiste avait affirmé, dans le compte-rendu écrit de l'examen, la présence de deux mains, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de condamner in solidum les deux médecins échographistes à réparer le dommage moral subi par les parents.
La notion de faute caractérisée est récente. Elle fut créée au début des années 2000 pour se substituer à celle, plus classique, de faute lourde, dont l'exigence, en matière de responsabilité médicale, avait fini par apparaître comme excessivement sévère pour la victime. Tout en entérinant la disparition de la faute lourde, que son abandon progressif par les juges augurait, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a créé une exigence de « faute caractérisée » pour engager la responsabilité de l'établissement envers les parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse (CASF, art. L. 114-5 al. 2). Souverainement appréciée par les juges du fond, cette faute est reconnue en cas de négligence ou d'investigations non conformes aux données actuelles de la science, lors des actes de détection des anomalies fœtales. Ainsi des hôpitaux ont-ils été condamnés pour ne pas avoir proposé d'amniocentèse à une femme de 38 ans enceinte de jumeaux (CAA Paris, 24 juin 2008) ou pour ne pas avoir prévenu des parents de la difficulté d’interprétation d’une échographie pour certaines anomalies du fœtus (CAA Lyon, 11 févr. 2003)
La faute dite caractérisée ne s'assimile pas, pour autant, à la faute lourde dans son acception ancienne, raison pour laquelle le juge tolère certaines erreurs : ainsi, ne constitue pas une faute caractérisée le refus médical de pratiquer une amniocentèse en l'absence d'indices d'anormalité de l'embryon, alors même que l'anormalité fut par la suite avérée (CAA Paris, 28 avr. 2008). De même, la non-détection d'une maladie n'est pas fautive si elle est rare et lorsque les parents n'avaient pas d'antécédents (CE 9 févr. 2005).
Mais le juge sanctionne l'erreur résultant d'une faute. Ainsi, l'absence de détection d'une anomalie de l'embryon n'est fautive que si l'état des connaissances scientifiques à l'époque des faits permettait cette détection (CAA Paris, 6 oct. 2008 ; CAA Bordeaux, 9 sept. 2008).
La faute caractérisée semble donc moins se distinguer de la faute simple que de la simple erreur. Elle est celle qui, « par son intensité et son évidence, dépasse la marge d’erreur habituelle d’appréciation, en tenant compte des difficultés inhérentes au diagnostic anténatal ». En l’espèce, la fausseté du compte-rendu de l’échographie réalisée, indépendamment de son irréductible part d’aléa, trahissait d’elle-même une négligence du médecin, dont les conclusions étaient, de toute évidence, hâtives.
Civ. 1re, 16 janv. 2013, n°12-14.020
Références
■ Article L. 114-5 du Code de l'action sociale et des familles
« Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.
La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.
Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »
■ CAA Paris, 24 juin 2008, n°04PA00885.
■ CAA Lyon, 11 févr. 2003, n° 00LY00919.
■ CAA Paris, 28 avr. 2008, n° 06PA00762, AJDA 2008. 2053, note B. Bachni.
■ CE 9 févr. 2005, n° 255990.
■ CAA Paris, 6 oct. 2008, n° 07PA03630 ; AJDA 2009. 216, note S. Hennette-Vauchez.
■ CAA Bordeaux, 9 sept. 2008, n° 06BX02432.
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