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Droit de la responsabilité civile
La faute de la victime d’une infraction : une stricte application de la causalité
Mots-clefs : Indemnisation, Victimes d’infraction, Fonds de garantie, Conditions, Causalité
Le refus d’indemniser la victime d’une infraction nécessite d’établir un lien de causalité direct et certain entre sa faute et son dommage.
Une victime de violences volontaires, une fois la condamnation pénale de leur auteur prononcée, saisit une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) en réparation de ses préjudices. Celle-ci refuse de l’indemniser. En appel, les juges déboutent également la victime de sa demande de réparation au motif que la faute qu’elle a commise au moment de la réalisation du dommage justifie de la priver de toute indemnisation dès lors que les mécanismes de solidarité nationale (tels la CIVI) ne sauraient être mobilisés en faveur d'une personne blessée à l'occasion de sa participation à des faits délictueux ; en effet, quelques jours avant l’agression, la victime avait noué une relation amoureuse avec l’amie de l’agresseur et le couple était allé, dans le cadre d’un trafic de stupéfiants, à la rencontre de l’auteur de l’infraction.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 706-3 du Code de procédure pénale qui dispose que la réparation du dommage causé par les faits présentant le caractère matériel d'une infraction peut être refusée ou son montant réduit en raison de la faute de la victime, à condition que celle-ci soit en relation de causalité directe et certaine avec le dommage. Or, selon la deuxième chambre civile, les juges du fond ont manqué de caractériser le rôle causal de la faute de la victime dans la réalisation de son dommage, subi à la suite des violences volontaires de l’auteur de l’infraction.
Concernant la faute de la victime, cette solution témoigne d’une certaine fermeté dans l’approche de la causalité qui tempère la rigueur légale en matière d’indemnisation de victimes d’infractions par des fonds de garantie. En effet, l’article 706-3 du Code de procédure pénale ici visé admet que la faute de la victime peut, en raison de sa gravité, la déchoir de son droit à indemnisation. Dit autrement, l’effet de cette faute peut être pleinement libératoire. Or comme par hypothèse, l’auteur de l'infraction a lui-même commis une faute ayant causé le dommage, seule la réduction du montant de l’indemnisation devrait être possible. Si la loi va jusqu'à en autoriser la déchéance, c'est qu’un autre objectif, spécifique, est en fait poursuivi : il ne s’agit pas tant de répartir les responsabilités entre la victime et l'auteur du dommage que de mesurer, en quelque sorte, l'étendue d'un droit à l'encontre d'un organisme dont l'unique fonction est d'indemniser, avec l’appui de la solidarité nationale, qui en assume le coût.
Dans cette configuration spécifique, éloignée de celle attachée à la responsabilité civile traditionnelle, l’incidence de la faute de la victime ne participe donc pas d’une stricte application de la causalité. Cela étant, la spécificité du dispositif et de l’organisme chargé d’en assurer la mise en œuvre ne doit pas conduire à méconnaître les exigences liées à la caractérisation de la faute et de son lien de causalité avec le dommage survenu. Non seulement il appartient au fonds de garantie d’établir la faute de la victime et son degré de gravité pour justifier le refus de la réparation demandée ou la réduction de son montant (cette faute ne saurait être présumée à partir de la circonstance que la victime, tuée par arme à feu, était connue pour ses activités illégales et ses relations avec le milieu criminel : Civ. 2e, 7 juill. 1993), mais lorsqu’une telle faute est constatée, les juges du fond doivent encore rechercher si celle-ci a bien concouru, au moins pour partie, à la réalisation de son dommage (Civ. 2e, 1er juill. 1992 ; Civ. 2e, 22 juin 1994), peu important, en revanche, qu’elle soit concomitante ou non à l’infraction.
Le refus de réparation ou la réduction de son montant nécessite en effet de pouvoir établir un lien de causalité direct et certain entre la faute de la victime et le dommage qu’elle a subi (Civ. 2e, 5 juill. 2006 ; Civ. 2e, 5 juin 2008). En l’espèce, la cour d’appel, en se contentant de relever la consommation de stupéfiants par la victime sans établir le rôle causal de ce fait dans la survenance de son dommage, a violé le texte de l’article 706-3 précité. Le même grief a d’ailleurs récemment été retenu à l’encontre d’une cour d'appel qui, pour réduire de moitié le montant de l'indemnisation, ne s’était fondée que sur des éléments déterminant le comportement habituel de l'intéressé sans rechercher si le lien direct et certain de ce comportement ait concouru avec la survenance du dommage (Civ. 2e, 5 juin 2008, préc.).
Civ. 2e, 28 févr.2013, n°12-15.634
Références
Caractériser
■ Civ. 2e, 7 juill. 1993, n°92-10.447, RCA 1993, comm. 303.
■ Civ. 2e, 1er juill. 1992, Bull. civ. 1992, n° 184, n°91-20.570.
■ Civ. 2e, 22 juin 1994, Bull. civ. 1994, n° 169, n°92-10.643.
■ Civ. 2e, 5 juill. 2006, n°05-11.317.
■ Civ. 2e, 5 juin 2008, n°06-19.283.
■ Article 706-3 du Code de procédure pénale
« Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes :
1° Ces atteintes n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) ni de l'article L. 126-1 du code des assurances ni du chapitre Ier de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et n'ont pas pour origine un acte de chasse ou de destruction des animaux nuisibles ;
2° Ces faits :
- soit ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois ;
- soit sont prévus et réprimés par les articles 222-22 à 222-30, 225-4-1 à 225-4-5 et 227-25 à 227-27 du code pénal ;
3° La personne lésée est de nationalité française. Dans le cas contraire, les faits ont été commis sur le territoire national et la personne lésée est :
- soit ressortissante d'un État membre de la Communauté économique européenne ;
- soit, sous réserve des traités et accords internationaux, en séjour régulier au jour des faits ou de la demande.
La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime. »
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