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Droit des obligations
La faute du client ne dispense pas le notaire de son devoir de conseil
Mots-clefs : Notaire, Devoir de conseil, Domaine, Faute du client, Absence d’exonération
En rejetant la demande en garantie de la société venderesse formée contre le notaire rédacteur de l’acte de vente tout en constatant que ce dernier avait manqué à son devoir de conseil sur les risques liés à une occupation de la terre par des tiers, alors que la faute de la société venderesse ne dispensait pas le notaire de son devoir d’information et de conseil envers elle, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil.
La responsabilité du notaire peut aussi être recherchée lorsque son client a lui-même commis une faute ; tel est l’enseignement de la décision rapportée.
En l’espèce, un acheteur avait acquis d’une société la propriété d’un îlot, occupé par un couple qui en avait, ensuite, revendiqué la propriété. Le notaire rédacteur de l’acte de vente avait alors assigné le couple en expulsion et la société venderesse, en garantie d’éviction. Cette dernière avait, quant à elle, appelé le notaire et son assureur en garantie.
Pour rejeter la demande de la société venderesse, la cour d’appel lui opposa la faute qu’elle avait commise en passant l’acte de vente, et rejeté celle du notaire. Elle retint ainsi que la société ayant eu connaissance du fait que l’immeuble appartenait à des tiers, il lui incombait de ne pas passer l’acte et qu’en outre, la faute du notaire ne pouvait être retenue contre elle, mais seulement à l’égard de l’acquéreur. En effet, le notaire n'est pas tenu d'un devoir de conseil envers ceux qui restent tiers par rapport aux actes auxquels il intervient (Civ. 1re, 28 mars 2000).
L’analyse des juges du fond est néanmoins censurée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation. Au visa de l’article 1382 du Code civil, elle affirme que la faute de la société venderesse ne dispensait pas le notaire de son devoir d’information et de conseil envers elle, auquel il avait manqué en omettant d’informer la société des risques liés à une occupation de la terre par des tiers.
À l’effet de satisfaire le devoir de conseil qui lui incombe, le notaire rédacteur d'un acte de vente est tenu d'éclairer les parties sur sa portée et ses conséquences et de prendre toutes dispositions utiles pour en assurer l'efficacité eu égard au but poursuivi par les parties (Civ. 1re, 26 janv. 1988 ; Civ. 1re, 13 oct. 1999). Il doit, ainsi, préalablement procéder, dans toute la mesure du possible, à des recherches complètes sur l'origine de propriété du bien vendu, sur les différentes exigences qui conditionnent la validité de l'acte que son client envisage de conclure et vérifier qu'elles sont satisfaites (v. à propos de l'absence de vérification d'une incapacité d'exploiter un fonds de commerce, Civ. 1re, 9 nov. 1999 ; pour un acte de vente passé nonobstant l'existence d'une hypothèque, Civ. 1re, 20 oct. 1993 – Civ. 1re, 19 janv. 1994 ; servitude de passage ou d'une servitude d'utilité publique ne figurant pas dans l'acte de vente, Civ. 1re, 10 févr. 1987), etc. À cette fin, il doit s'adresser notamment au Service de publicité foncière (ex-Conservation des hypothèques). À défaut de telles investigations, le notaire ne peut, en effet, valablement informer ses clients des conséquences et des risques liés à l’opération conclue.
Cette obligation de conseil à laquelle le notaire ne saurait se soustraire varie selon les circonstances. En ce sens, si le notaire peut dans certains cas être exonéré de sa responsabilité, par exemple parce qu’il aura été tenu à l'écart des négociations et ne sera intervenu qu'une fois la convention des parties devenue parfaite (Civ. 1re, 28 nov. 1995), ou bien encore parce qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir pu se substituer à l'autorité administrative pour évaluer les chances de délivrance d'un permis de construire (Civ. 1re, 5 déc. 2000), la jurisprudence exclut, en revanche, que la faute du client, de même que ses compétences personnelles, exonèrent le notaire rédacteur d’actes de sa responsabilité. En effet, si la faute du client, dès lors qu’elle est en partie à l’origine du dommage qu'il a lui-même subi, peut le cas échéant être retenue pour fonder un partage de responsabilité avec le notaire, ce dernier n’en est pas moins déchargé de son devoir de conseil dont l’inexécution, avérée, demeure fautive et justifie l’engagement de sa responsabilité civile professionnelle (v. Civ. 1re, 29 févr. 2000 – Civ. 1re, 14 mars 2000).
Rappelons enfin que, conformément à une jurisprudence constante relative à la charge de la preuve de l’inexécution du devoir de conseil, il incombe au notaire, par dérogation au jeu de l’article 1315 alinéa 1er du Code civil, de prouver qu'il a valablement informé son client de la nature et de la portée des obligations qu’il souscrit et mis en garde contre tout risque d'annulation de l’acte qu’il a rédigé pour lui.
Civ. 3e, 4 févr. 2014, n°12-21.429
Références
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
■ Civ. 1re, 28 mars 2000, n°97-20.169, Bull. civ. I, n° 104 ; Defrénois 2000, p. 1389, obs. J.-L. Aubert.
■ Civ. 1re, 26 janv. 1988, n°85-16.826.
■ Civ. 1re, 13 oct. 1999, n°97-13.762.
■ Civ. 1re, 9 nov. 1999, n°97-14.521, Bull. civ. I, n° 299, JCP G 2000. I. 243, obs. G. Viney
■ Civ. 1re, 20 oct. 1993, n°91-20.961.
■ Civ. 1re, 19 janv. 1994, n° 88-18.243.
■ Civ. 1re, 10 févr. 1987, n°85-10.837.
■ Civ. 1re, 28 nov. 1995, n°93-17.473, Bull. civ. I, n° 437.
■ Civ. 1re, 5 déc. 2000, n°98-12.689, Bull. civ. I, n° 315.
■ Civ. 1re, 29 févr. 2000, n° 97-18.734.
■ Civ. 1re, 14 mars 2000, Bull. civ. I, n° 92, Defrénois 2000. 1391, obs. J.-L. Aubert.
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