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[ 5 avril 2022 ] Imprimer

Droit de la consommation

La finalité professionnelle du contrat exclut l’application du droit de la consommation

Par deux arrêts rendus le même jour, la première chambre civile rappelle la limite de la protection offerte par le droit de la consommation liée à la finalité professionnelle, actuelle ou future, du contrat conclu.

Civ. 1re, 9 mars 2022, nos 20-20.390 B et 21-10.487 B

La finalité professionnelle du contrat prive la partie qui s’en prévaut des dispositions protectrices du droit de la consommation. Tel est l’enseignement commun, quoique déduit de circonstances parfaitement distinctes, des deux décisions rapportées.

Dans la première espèce (Civ. 1re, 9 mars 2022, n° 20-20-390), un couple avait acquis d’un vendeur professionnel, à la suite d’un démarchage à domicile, une installation photovoltaïque financée par un crédit. Invoquant l’existence d’irrégularités affectant le bon de commande et de manœuvres dolosives, les acquéreurs avaient assigné le vendeur ainsi que la banque dispensatrice du crédit en annulation des contrats. La banque ayant soulevé une exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce, le tribunal judiciaire s’était déclaré incompétent au profit dudit tribunal de commerce, ce que contestait le pourvoi. Le demandeur soutenait en ce sens que « les parties sont libres de soumettre volontairement aux régimes de protection définis par le code de la consommation l'achat d'une installation photovoltaïque et son financement par la conclusion d'un prêt affecté, peu important que l'opération d'installation n'obéisse qu'à des motifs exclusivement mercantiles de revente de l'énergie électrique à des tiers, à l'exclusion de toute consommation personnelle par ses acquéreurs ». Dit autrement, quand bien même le contrat n’entrait pas dans le champ d’application du droit de la consommation, ayant pour finalité une opération purement marchande, les parties restaient libres de l’y soumettre, ce qu’elles auraient fait, poursuit le pourvoi, en se référant dans le contrat de vente aux articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, afférents au démarchage à domicile. Selon la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi, la seule référence à ces dispositions est néanmoins insuffisante à caractériser la volonté des parties de se soumettre aux régimes de protection définis par le code de la consommation. En outre, si le contrat de prêt opérait un renvoi à diverses dispositions de ce code, l’une de ses clauses précisait que le crédit pouvait ne pas entrer dans le champ d'application de celles-ci. Enfin, aucune clause ne prévoyait expressément que les parties avaient entendu se soumettre au code de la consommation. En conséquence, après avoir souverainement déduit des stipulations contractuelles et de la volonté des parties que celles-ci n'avaient entendu soumettre aucun des deux contrats litigieux aux dispositions du code de la consommation, la cour d’appel a décidé à bon droit que le tribunal de commerce était compétent pour connaître de cette opération contractuelle.

À retenir : si les parties peuvent user de la liberté contractuelle, que leur confère la théorie générale du contrat, pour soumettre volontairement leur contrat au droit spécialement protecteur du droit de la consommation, leur manifestation de volonté, dont la réalité est soumise à l'appréciation souveraine des juges du fond, doit être dépourvue d'équivoque. Sans toutefois devoir faire l’objet d’une stipulation expresse, celle-ci doit néanmoins être suffisamment explicite pour pouvoir être caractérisée sans équivocité.

Dans la seconde espèce (Civ. 1re, 9 mars 2022, n° 21-10.487), une demandeuse d'emploi avait conclu, le 10 septembre 2016, un contrat de formation en partie financé par Pôle emploi auprès duquel elle était inscrite, à l’effet d’acquérir et de faire valider des connaissances en naturopathie. Par lettre du 1er février 2017, elle avait informé son employeur de son intention de résilier le contrat pour raisons personnelles. Le 7 mars 2019, ce dernier, faisant valoir qu’elle n’avait pas payé le solde du prix, l’avait assignée en paiement. La demanderesse faisait d’abord grief au tribunal d’avoir déclaré recevable l’action de son employeur, que l’application de la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation rendait pourtant irrecevable comme prescrite mais que le tribunal avait à tort refusé d’appliquer au motif erroné qu’ayant agi dans un cadre professionnel en souscrivant un contrat de formation professionnelle, elle ne pouvait être qualifiée de consommatrice alors même qu’en concluant ce contrat, elle n'exerçait aucune activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Au fond, elle reprochait encore au tribunal d’avoir pour le même motif rejeté sa demande en annulation d’une clause abusive stipulée dans son contrat de formation. La Cour de cassation rejette son pourvoi. Après avoir rappelé les notions, fondatrices de la protection offerte par le code de la consommation, de « consommateur », « non-professionnel » et « professionnel » des parties à un contrat de consommation (§ 6), elle précise que celles-ci doivent s’accorder à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d'ordre professionnel, fût-elle prévue pour l'avenir, dans l'unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d'un individu, relèvent du régime de protection du consommateur en tant que partie réputée faible (CJCE, 3 juill. 1997, aff. n° C-269/95, pts 16 et 17 ; CJCE 20 janv. 2005, aff. n° C-464/01, pt 36 ; CJUE, 25 janv. 2018, aff. n° C-498/16, pt 30 ; 14 févr. 2019, C-630/17, pt 89). La Cour approuve en conséquence le tribunal d’avoir exactement déduit du statut de demandeur d’emploi de la demanderesse, régi par les dispositions spéciales du code du travail, et de la finalité professionnelle du contrat de formation qu’elle avait souscrit en partie grâce au financement de Pôle emploi l’impossibilité de la qualifier de consommatrice, de sorte qu'elle ne pouvait ni invoquer la prescription biennale de l'article L. 218-2 du code de la consommation, ni se prévaloir des dispositions sur les clauses abusives de l'article L. 212-1 du même code.

À retenir : Même futur, l’objectif professionnel poursuivi par le contrat suppose de retenir le même qualificatif au sujet de la personne (physique ou morale) qui agit à des fins entrant dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, et de la priver en conséquence du bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation.

Références :

■ CJCE, 3 juill. 1997, aff. n° C-269/95 D. 1997. 174 ; RTD com. 1998. 736, obs. M. Luby.

■ CJCE 20 janv. 2005, aff. n° C-464/01 D. 2005. 458 ; ibid. 2006. 1495, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke ; Rev. crit. DIP 2005. 493, note J.-M. Jude ; RTD com. 2005. 636, obs. A. Marmisse-d'Abbadie d'Arrast.

■ CJUE, 25 janv. 2018, aff. n° C-498/16 D. 2018. 2000, note F. Jault-Seseke et C. Zolynski ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1033, obs. B. Fauvarque-Cosson et W. Maxwell ; ibid. 1934, obs. L. d'Avout et S. Bollée ; ibid. 2270, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJ contrat 2018. 124, obs. V. Pironon ; Dalloz IP/IT 2018. 371, obs. M. Combet ; Rev. crit. DIP 2018. 595, note H. Muir Watt.

 

Auteur :Merryl Hervieu

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