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Droit européen et de l'Union européenne
La légalité conditionnée de l’examen d’intégration civique imposé aux ressortissants de pays tiers
Mots-clefs : Examen, Ressortissant des pays tiers, Directive, Effet utile, Compatibilité, Proportionnalité, Egalité de traitement
La Cour de justice reconnaît la compatibilité d’un examen d’intégration civique destinée uniquement aux ressortissants des pays tiers. Un tel examen ne viole pas l’exigence d’égalité de traitement par rapport aux ressortissants de l’Union et ne remet pas en cause la directive 2003/109 organisant l’obtention du statut de résident longue durée. Toutefois, cette compatibilité est conditionnée par le respect du principe de proportionnalité tant au regard du niveau de connaissances attendues qu’au coût de préparation et de passage de l’examen et de l’amende encourue en cas d’échec ou de non présentation.
Le droit de l’Union européenne encadre les conditions de séjours des ressortissants des pays tiers dans l’Union européenne. Parmi les dispositions applicables figure la directive 2003/109, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, régissant les conditions d’obtention du statut de résident longue durée. Celle-ci exige notamment que la personne à l’initiative de la demande ait séjourné régulièrement dans un État membre de l’Union pendant cinq ans, qu’elle ait les ressources suffisantes ou encore une couverture maladie. Dans la directive, il n’est fait aucunement référence à la réussite d’un quelconque examen d’intégration. Par la question préjudicielle qui lui était posée, la Cour de justice devait préciser si dans le silence de la directive, un tel examen était compatible avec le droit de l’Union et plus précisément la directive 2003/109.
A l’origine du contentieux, deux ressortissants de pays tiers, P. et S. ont contesté la loi néerlandaise, imposant aux ressortissants des États tiers de réussir un examen d’intégration civique. En l’absence de réussite ou de présentation à l’examen, le ressortissant est passible d’une amende élevée (1 000 euros), qui peut se répéter tant que l’examen n’a pas été couronné de succès dans le délai imparti. Cet examen vise à établir les capacités orales et écrites en langue néerlandaise et la connaissance de la société. Au moment des faits, les deux requérants étaient en situation de séjour longue durée aux Pays-Bas dans des conditions tout à fait régulières.
La Cour de justice examine tout d’abord la compatibilité avec l’égalité de traitement, ensuite avec la sauvegarde de l’effet utile de la directive.
Sur l’égalité de traitement, la Cour retient son approche habituelle recherchant si les personnes se trouvent dans une même situation. En effet, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Or, dans cet arrêt, il apparait que les ressortissants des pays tiers et les ressortissants de l’Union ne sont pas dans une situation comparable, notamment parce qu’il est présumé que les ressortissants nationaux ont les connaissances recherchées, ce qui permet un traitement différent.
Sur la sauvegarde de l’effet utile de la directive, la Cour de justice indique en premier lieu que cet examen ne remet pas en cause la mise en œuvre de la directive et l’attribution d’un permis de séjour longue durée, conformément au droit de l’Union. La loi néerlandaise impose uniquement une obligation parallèle, se traduisant par une éventuelle sanction financière. Cependant, la Cour rappelle que l’objectif est celui de l’intégration des ressortissants des pays tiers qui sont installés durablement dans un État membre et que cet élément ne peut pas être dévoyé par des dispositions nationales. Dès lors si les États peuvent, dans le silence de la directive, adopter des dispositions comme celles en cause, ils ne doivent pas porter atteinte à l’effet utile, c’est-à-dire aux droits accordés.
En second lieu, la Cour revient sur les conséquences possibles de cet examen et impose implicitement le respect du principe de proportionnalité. Ainsi les modalités de l’examen ne doivent pas empêcher l’installation d’un ressortissant d’un pays tiers répondant aux conditions de la directive. Le juge de l’Union demande dans ce cadre que le niveau de connaissances exigé, l’accès au cours et les circonstances individuelles, notamment lorsque la personne est analphabète, soient pris en compte par le juge national pour déterminer si l’examen peut être maintenu au regard de la directive. Doivent être également intégrés, dans le raisonnement du juge national, les frais d’inscription et le niveau élevé de l’amende qui pourraient mettre en péril les objectifs de la directive, étant qu’à chaque échec, il faut renouveler l’inscription et payer l’amende.
La compatibilité est en conséquence largement encadrée, empêchant les États d’abuser de leur marge d’appréciation pour neutraliser la directive.
CJUE, 4 juin 2015, P. et S., n° C-579/13
Référence :
Directive 2003/109/CE, du 23 nov. 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée
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