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[ 13 mai 2014 ] Imprimer

Droit des obligations

La limite de l’inopposabilité de la fraude paulienne

Mots-clefs : Fraude paulienne, Action paulienne, Inopposabilité, Démembrement

Le créancier poursuivant peut demander l’inopposabilité de la fraude paulienne, dans la limite de sa créance, et ainsi échapper aux effets d’une aliénation opérée en fraude de ses droits.

Un créancier (la société C.) a fait pratiquer diverses mesures conservatoires et d’exécution sur des époux en leur qualité de caution sur le fondement d’un acte notarié de prêt, notamment un nantissement judiciaire provisoire, une saisie des parts sociales et une saisie-attribution de toutes les sommes qui seraient dus aux époux par la SCI D., en leur qualité de caution sur le fondement d’un acte notarié de prêt.

Lors de ces mesures, le créancier (la société C.) découvre l’existence de nantissement et de saisies antérieures, sur l’usufruit des mêmes parts sociales, par une société immobilière (société N.), ayant pour principaux actionnaires les époux.

Un premier jugement de novembre 2009 sanctionna la fraude paulienne que recelait l’acte d’apport de la nue-propriété de la SCI D., que les époux avaient consenti à une autre SCI, appartenant à leurs enfants.

En l’espèce, l’acte d’appauvrissement concernait le démembrement des parts sociales, dont une partie (la nue-propriété) est revenue à une SCI tierce, appartenant aux enfants du couple, sous la forme d’un apport en société. Le créancier (la société C.) souhaite que ce démembrement, à l’origine de l’apport de la nue-propriété à la SCI D. et des nantissements opérés par la société N., lui soit inopposable.

Le créancier demande l’inopposabilité de la fraude paulienne dans son ensemble, en y incluant les conséquences de l’acte de démembrement, et pas seulement l’apport en société de la nue-propriété à la SCI tierce.

Il assigne alors les époux, la SCI D., la société N. afin d’obtenir la radiation des nantissements inscrits par cette dernière, conséquence du démembrement de la propriété des parts sociales.

Afin de restaurer son droit de gage général, le créancier peut demander au juge l’inopposabilité de l’acte d’appauvrissement fait en fraude de ses droits. En effet, un tiers peut tenir un acte pour inexistant, alors même que celui-ci est efficace et valable entre les parties, notamment en cas de fraude. L’inopposabilité ne doit pas être confondue avec la révocation, qui se définit comme la suppression de l’acte litigieux, sur la demande d’une partie, par effet de la loi ou par décision judiciaire.

La difficulté, en l’espèce, est de définir l’étendue de l’inopposabilité. La cour d’appel limite l’inopposabilité à l’acte d’apport de la nue-propriété des parts à une société tierce, ce qui n’est pas pour satisfaire la société C.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de cette dernière au motif que l’inopposabilité avait été décidé par les juges du fond non pas sur le démembrement des parts sociales, mais uniquement sur l’acte d’apport de la nue-propriété de ces parts à une société tierce. La fraude paulienne portant sur l’acte d’apport lui-même, le créancier ne peut demander l’inopposabilité que sur celui-ci. L’inopposabilité paulienne se limite donc à la décision de justice la prononçant, sans prendre en compte les prémisses de l’acte litigieux.

Civ. 1re, 9 avr. 2014, n°12-23.022

Références

■ Article 1167 du Code civil

« Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.

Ils doivent néanmoins, quant à leurs droits énoncés au titre Des successions et au titre Du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux, se conformer aux règles qui y sont prescrites. »

■ Action paulienne

« Action en justice (qui aurait été créée à Rome par le prêteur Paulus, d'où son nom) par laquelle le créancier demande la révocation des actes d'appauvrissement accomplis en fraude de ses droits par le débiteur insolvable. L'admission de la fraude a pour effet de révoquer rétroactivement l'acte frauduleux, mais la révocation ne se produisant que dans l'intérêt de celui qui agit et à la mesure de cet intérêt, l'aliénation subsiste au profit du tiers acquéreur pour tout ce qui excède l'intérêt du créancier demandeur ; il y a donc inopposabilité de l'acte qui ne profite qu'aux créanciers parties à l'instance. »

■ Nue-propriété

« Selon la théorie classique, prérogatives conservées par un propriétaire sur une chose qui fait l'objet d'un démembrement de propriété. Il donne à son titulaire le droit de disposer juridiquement de la chose, mais ne lui confère ni l'usage, ni la jouissance, lesquels sont les prérogatives de l'usufruitier sur cette même chose. »

■ Usufruit

« Droit réel principal, qui confère à son titulaire le droit d'utiliser une chose (usus) dont une autre personne est propriétaire et d'en percevoir les fruits (fructus), mais non celui d'en disposer (abusus), lequel appartient au nu-propriétaire. En revanche, l'usufruitier peut disposer de son propre droit : il peut ainsi céder son usufruit. »

Source : Lexique des termes juridiques Dalloz 2014.

 

Auteur :M. R.


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