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Droit des personnes
La minorité de l’enfant à l’épreuve de la radio des os !
Le doute sur la minorité d’un demandeur à la protection de l’aide sociale à l’enfance autorise le juge à lui ordonner, sous réserve d’obtenir régulièrement son accord, des examens radiologiques osseux afin de déterminer son âge exact.
Un juge des enfants avait été saisi par une jeune congolaise, se déclarant mineure et isolée sur le territoire français, d’une demande de placement au sein d’un service d’aide sociale à l’enfance. La jeune femme faisait grief à l’arrêt d’appel de constater qu’elle n’était pas mineure et, en conséquence, d’ordonner la mainlevée de son placement et la clôture de la procédure d’assistance éducative, au moyen, d’une part, que les examens radiologiques osseux auxquels les juges l’avaient soumise pour déterminer son âge et ainsi vérifier sa minorité avaient été réalisés sans son accord et, d’autre part, que les conclusions de ces examens ne pouvaient à elles suffire à fonder la décision des juges qui, même à supposer qu’ils ne se soient pas exclusivement prononcés au regard de celles-ci, mais également en tenant compte du doute sérieux quant à la fiabilité des documents d’identité présentés, auraient dû retenir ce doute en sa faveur, comme les y oblige l’article 388 du Code civil.
La Cour de cassation rejette son pourvoi. Elle rappelle tout d’abord qu’il résulte de l’article 388 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, que des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, peuvent être réalisés sur décision de l’autorité judiciaire et avec l’accord de l’intéressé. Elle précise que les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur et que le doute lui profite. Elle énonce ensuite que la cour d’appel a, en premier lieu, relevé que les divers documents d’identité figurant au dossier contenaient, outre des erreurs, de nombreuses contradictions, et ajouté que l’identité alléguée paraissait peu vraisemblable puisqu’il résultait des documents produits que la mère de l’intéressée serait née en 1949 et lui aurait donc donné naissance à l’âge de 52 ans, pour en déduire souverainement que les desdits documents n’étaient pas probants au sens de l’article 47 du Code civil et que l’âge allégué n’était pas vraisemblable ; aussi avait-elle, en deuxième lieu, retenu que l’expertise était régulière, dès lors que les conditions prévues à l’article 388 du Code civil avaient été respectées, que la jeune femme disposait des conseils de son avocat, que l’expert précisait qu’elle parlait et comprenait parfaitement le français et qu’il avait donc été possible de lui expliquer sa mission et de recueillir son consentement, dans le respect des règles de déontologie qui régissent l’exercice de sa profession, la loi n’imposant pas que le consentement prenne une forme écrite ; enfin, elle avait constaté que l’expert désigné avait conclu qu’il était possible d’affirmer, au-delà de tout doute raisonnable, que la jeune femme avait plus de 18 ans au moment de l’examen, et que l’âge allégué, de 17 ans, n’était pas compatible avec les conclusions médico-légales. Dès lors, selon la cour, c’est sans statuer au vu des seules conclusions de l’expertise ni méconnaître le principe selon lequel le doute sur la majorité ou la minorité, après l’examen radiologique, profite à l’intéressé, que la cour d’appel a, par une décision motivée, constaté que la jeune femme n’était pas mineure.
Le service de l’aide sociale à l’enfance (ASE) a notamment pour mission d’apporter un soutien à des mineurs en danger, en pourvoyant à leurs besoins et en mettant en œuvre les mesures nécessaires à leur protection, ce qui explique que le service doit, notamment, disposer des moyens nécessaires à l’accueil et à l’hébergement de ces enfants (CASF, art. L. 221-2).
L’autorité judiciaire est, sans exclusivité toutefois, compétente en cette matière. Celle-ci peut en effet ordonner des mesures d’assistance éducative « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises » (C. civ., art. 375). C’est le juge des enfants qui est alors compétent, à charge d’appel (C. civ., art. 375-1). La solution retenue par le juge des enfants ne consiste pas nécessairement en un placement ; « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel » (C. civ., art. 375-2). Cette solution se présente toutefois comme la seule envisageable concernant un mineur étranger non accompagné de ses parents et en l’absence, sur le territoire français, d’autres membres de sa famille, comme c’était le cas en l’espèce.
Une demande d’assistance éducative concernant un mineur peut notamment être formée par le mineur lui-même (C. civ., art. 375). Il peut non seulement saisir le juge des enfants mais également interjeter appel des décisions de ce juge comme il est autorisé à choisir lui-même son avocat, les juges du fond devant simplement vérifier qu’il possède un discernement suffisant pour exercer de telles prérogatives (Civ. 1re, 21 nov. 1995, n° 94-05.102), ce qui était, en l’occurrence, le cas.
A la différence des mesures d’assistance éducative, l’autorité judiciaire a, concernant la vérification de la minorité de l’enfant, une compétence exclusive pour ordonner les expertises médicales permettant de déterminer son âge, notamment dans le cas où ce dernier demanderait à bénéficier de prestations d’aide sociale, qui dépendent du non-dépassement du seuil d’âge légal fixé pour atteindre la majorité à 18 ans. Plus spécialement, la loi prévoit depuis 2016 le recours à la technique médicale la plus sûre et efficace pour y parvenir, la radiologie osseuse du mineur prétendu, à la condition, toutefois, que ses documents d’identité ne soient pas valables et que l’âge, par lui allégué, ne soit pas vraisemblable (C. civ., art. 388, al. 2). Étant précisé que la première de ces conditions se comprend à la lecture des dispositions de l’article 47 du Code civil, qui dispose notamment que l’acte de l’état civil d’une personne fait foi sauf si des éléments tirés de l’acte lui-même établissent que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
En l’espèce, les deux conditions requises par le texte de l’article 388 étaient satisfaites : outre le fait qu’ils semblaient avoir été frauduleusement obtenus, les documents d’identité fournis faisaient ressortir un doute sérieux sur le caractère vraisemblable de l’identité alléguée, et notamment de l’âge de la jeune femme demanderesse en raison de la date à laquelle sa mère prétendue lui aurait en donné naissance. L’ensemble de ces considérations avait légitimement conduit la cour d’appel à ordonner avant dire droit des examens radiologiques osseux, lesquels avaient été réalisés conformément à une autre des conditions prévue par l’article 388 du Code civil, à l’effet de préserver le droit de toute personne au respect de son intégrité physique, celle du consentement de l’intéressée, en l’espèce régulièrement obtenu, et alors que la jeune femme bénéficiait des conseils de son avocat.
Les examens pratiqués permettant d’affirmer, sans doute raisonnable possible, que la jeune femme avait, au jour de leur réalisation, dépassé l’âge de la majorité, son placement à l’ASE et la procédure l’accompagnant devaient, en conséquence, cesser, un an seulement après qu’elle en eût bénéficié.<s></s>
Civ. 1re, 3 oct. 2018, n° 18-19.442
Référence
■ Civ. 1re, 21 nov. 1995, n° 94-05.102 P : D. 1996. 420, note A. Gouttenoire ; RDSS 1996. 390, obs. F. Monéger ; RTD civ. 1996. 140, obs. J. Hauser
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