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Contrats spéciaux
La notion de vice caché
Mots-clefs : Vente, Vice caché, Notion, Vice apparent, Acheteur profane
L’apparence du vice peut être opposée à l’acheteur, même non professionnel, pour exclure le jeu de la garantie prévue à l’article 1641 du Code civil.
Après avoir acheté une villa et constaté qu’elle était affectée de plusieurs vices de construction, un couple assigne son vendeur en garantie des vices cachés. La cour d’appel les déboute de leur demande au motif de l’apparence des vices litigieux. En ce sens, elle relève qu'un certain nombre de fissures existaient au moment de la vente, que certaines d'entre elles étaient visibles aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur, non filiformes, et qu’elles revêtaient au moment de la vente un caractère assez prononcé suffisant pour alerter les acquéreurs sur l'existence d'une cause agissante qu'ils ne pouvaient considérer a priori comme anodine et non évolutive. La cour d’appel en déduit que les vices de construction repérés n'étaient pas cachés aux yeux du couple. Ces derniers se pourvoient alors en cassation ; ils font essentiellement valoir que leur qualité d’acheteurs profanes les privait des compétences techniques nécessaires pour déceler les vices litigieux et mesurer l’ampleur de leurs conséquences. Leur pourvoi est néanmoins rejeté par la troisième chambre civile, qui confirme l’apparence des vices dont l’importance pouvait raisonnablement être mesurée par les acquéreurs au moment de la vente.
La garantie due par le vendeur repose sur la distinction fondamentale entre les vices apparents et les vices cachés. Le Code civil pose en effet le principe selon lequel « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même » (C. civ., art. 1642). Cela ne signifie pas que l’acheteur soit, en cas de vices apparents, dans l’impossibilité d’agir. Simplement, l’acheteur ne dispose pas de la garantie du vendeur, réservée aux vices cachés (Civ. 3e, 22 nov. 1995).
Conformément à l’article 1642 du Code civil et à la jurisprudence, est caché le défaut que l’acheteur ne pouvait pas déceler, compte tenu de la nature de la chose vendue, et dont il n’a pas eu connaissance au moment de la vente (V. par ex., Civ. 1re, 7 juin 1995, à propos d’un véhicule d’occasion dont les vices ne pouvaient être décelés que par une expertise). Le caractère caché du vice s’apprécie donc au regard des qualités et compétences d’un acheteur diligent, de la nature de la chose vendue et de la connaissance que ce dernier avait de la chose au moment de la vente.
Certes, comme le soutenait le pourvoi, l’acheteur non professionnel est traité en jurisprudence avec plus de clémence que l’acheteur professionnel qui, en cette qualité, doit être plus à même de déceler certains vices, notamment si par sa profession, il détient les compétences techniques nécessaires à leur identification. En revanche, les juges apparaissent peu sévères à l’égard de l’acheteur profane, d’où l’insistance par les auteurs du pourvoi sur cette qualité commune. L’acheteur profane doit seulement être normalement vigilant, même lorsque le bien acquis porte sur un immeuble. Désavouant la tendance de certains juges du fond à intensifier le devoir de prudence de l’acheteur immobilier, l’Assemblée plénière a rappelé, en 2006, cette exigence, nécessaire mais suffisante, d’une vigilance normale. Il en résulte :
– d’une part, que l’acheteur n’a pas à procéder par lui-même à des investigations approfondies ou complexes pour déceler les vices éventuels de la chose ;
– et d’autre part, que l’acheteur est libre d’ordonner une expertise, sans jamais y être tenu, lorsqu’il achète une chose complexe, et tout particulièrement un immeuble.
La négligence de l’acquéreur d’un bien immobilier ne peut donc résulter du seul fait de ne pas avoir sollicité d’expertise technique. Cela étant, la clémence exprimée par la Haute cour à l’égard de l’acheteur non-professionnel connaît des limites. Ce dernier ne peut, ainsi se contenter d’invoquer sa qualité de profane pour engager avec succès une action en garantie des vices cachés.
Comme le rappelle la décision rapportée, certains défauts sont évidents et peuvent être facilement décelés par un seul examen élémentaire du bien acheté. Si les juges exigent peu de l’acheteur profane, ils l’obligent néanmoins à la diligence minimale que l’on peut attendre d’un « acheteur normalement avisé » (Civ. 1re, 10 mars 1993). En l’espèce, c’est ce manque de diligence normale qui a conduit les juges à opposer aux acquéreurs, peu prudents, l’indiscutable apparence des vices de construction de l’immeuble. Apparents, les vices litigieux excluaient naturellement le jeu de la garantie des vices cachés.
Civ. 3e, 3 avr. 2013, n°12-14.507
Références
■ Code civil
« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »
« Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même. »
■ Civ. 3e, 22 nov. 1995, n°93-15.347.
■ Civ. 1re, 7 juin 1995, n°93-13.060.
■ Ass. plén. 27 oct. 2006, n°05-18.977.
■ Civ. 1re, 10 mars 1993, n°91-12.319.
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