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Droit de l'entreprise en difficulté
La peine moins sévère appliquée rétroactivement aux procédures collectives en cours
La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a modifié le troisième alinéa de l’article L. 653-8 du Code de commerce. Cet alinéa sanctionne désormais d’une mesure d’interdiction de gérer celui qui a omis « sciemment » de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements.
En l’espèce, la Cour de cassation s’est prononcée sur l’application de cette sanction dans le cadre d’une procédure collective en cours. Le 31 octobre 2013, un tribunal de commerce a, sur déclaration de cessation des paiements, ouvert la liquidation judiciaire d’une société d’ingénierie et informatique et fixé la date de cessation des paiements au 31 mai 2013. Le 18 mars 2014, le tribunal a, sur assignation de deux salariés, prononcé la liquidation judiciaire d’une deuxième société, la date de cessation des paiements étant fixée au 27 septembre 2013. Ces deux sociétés avaient comme dirigeant la même personne. Le procureur de la République, estimant que les liquidations judiciaires de ces deux sociétés, dirigées par la même personne, avaient mis en évidence des fautes de gestion de la part de cette dernière, a saisi le tribunal d'une demande de sanctions, lequel a condamné le dirigeant à une interdiction de gérer pour une durée de trois ans.
La cour d’appel de Versailles a rendu, le 30 mars 2017, un arrêt confirmatif. Elle estima que les sanctions pénales, d’une part, et les sanctions pécuniaires et personnelles qui peuvent être prononcées par les juridictions civiles ou commerciales dans le cadre des procédures collectives, d’autre part, étaient de nature différente et qu’à défaut de disposition spécifique de la loi du 6 août 2015 rendant cette modification applicable aux procédures ouvertes avant entrée en vigueur de la loi, le nouvel article L. 653-8 du Code de commerce n’était applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 8 août 2013 pour la première société et le 4 février 2014 pour la deuxième. Dès lors, il n’y avait pas lieu de rechercher si la cessation des paiements avait été « sciemment » déclarée tardivement par le dirigeant.
La Cour de cassation cassa et annula l’arrêt d’appel pour violation de la loi au visa des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article L. 653-8, alinéa 3, du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015. En retenant le principe de la nécessité des peines reconnu par l'article 8, la Cour de cassation considéra que la nouvelle rédaction de l’alinéa 3 de l’article L. 653-8, du Code de commerce, issue de la loi du 6 août 2015, devait s’appliquer immédiatement dans une procédure collective en cours car il s’agissait d’une sanction plus douce.
En effet, cette sanction est plus douce car la nouvelle rédaction dudit article ajoute une condition plus sévère pour l’application de la sanction d’interdiction de gérer. Il faut donc la preuve que l’agent a « sciemment » omis de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements. Cette sanction peut donc être considérée comme plus douce puisque le législateur a ajouté une condition complémentaire.
Ainsi, la loi du 6 août 2015 a modifié les conditions pour l’application de la sanction prévue à l’article L. 653-8 du Code de commerce, en ajoutant une condition complémentaire plus difficile. Cette loi doit donc s’appliquer à une situation antérieure à son entrée en vigueur, c’est-à-dire, le 8 août 2015.
En vertu du principe de l'application rétroactive d’une loi pénale plus douce, la sanction prévue par l’article L. 653-8 du Code de commerce ayant le caractère d’une punition, soit « l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci » devra s’appliquer rétroactivement aux procédures collectives en cours.
Com. 24 mai 2018, n° 17-18.918
Référence
■ Déclaration de 1789
Article 8
« La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
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