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[ 13 septembre 2021 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

La PMA pour toutes

La loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a instauré pour la première fois la possibilité pour les couples de femmes et les femmes non mariées d’accéder à l’assistance médicale à la procréation en France. DAE vous propose de faire le point sur cette évolution.

■ Assistance médicale à la procréation (AMP) ou procréation médicalement assistée (PMA) ? 

L’utilisation de ces deux termes est indifférente, toutefois, la loi de bioéthique de 2021 a fait le choix d’utiliser l’appellation AMP dont l’usage est également privilégié par l’Agence de biomédecine. La notion de PMA mettrait l’accent sur la notion de procréation, le résultat envisagé et celle d’AMP, sur celle d’assistance médicale à cette procréation.

■ Un changement radical

Avant la loi du 2 août 2021, l’AMP était réservée aux couples, mariés ou non, composés d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer, sans aucune condition de durée minimale de vie commune. Elle avait pour seul objet de remédier à l’infertilité ou d'éviter la transmission d'une maladie d'une particulière gravité soit à un enfant, soit à l’un des membres du couple hétérosexuel. Ce qui excluait les femmes célibataires et les couples de femmes (CSP, ancien art. L. 2141-2).

L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe n’avait pas permis l’AMP aux couples de femmes comme le Conseil constitutionnel l’a expliqué dans sa décision du 17 mai 2013 : « les couples formés d'un homme et d'une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe … le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en lien direct avec l'objet de la loi qui l'établit », c’est-à-dire, remédier à l'infertilité pathologique médicalement diagnostiquée d'un couple (Cons. const. 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, n° 2013-669 DC § 44).

Par ailleurs, aucune insémination ou transfert d’embryon n’était possible après l'introduction d'une demande en divorce ou en séparation de corps, ou à la suite de la cessation de la communauté de vie, ou encore après la révocation par écrit du consentement par l'homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l'assistance médicale à la procréation.

La loi du 2 août 2021, ouvre les techniques d’AMP à deux nouvelles catégories de personnes : les couples de femmes et les femmes non mariées et donc logiquement le critère d’infertilité disparait. Certaines voix se sont élevées en indiquant que l’extension de la PMA n’avait pas sa place dans une loi de bioéthique et qu’il aurait été plus cohérent qu’elle soit discutée au sein d’un projet de loi concernant la (ou les) famille car les techniques ne changent pas, il s’agit uniquement d’une extension de ces techniques.

■ Le projet parental

L’AMP n’est donc plus (uniquement) une aide médicale mais également une autre façon d’avoir des enfants ou tout simplement une autre façon de faire de enfants. Ce changement est très important car il axe l’AMP sur la notion de projet parental et non plus sur l’infertilité : « L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental » (CSP, art. L. 2141-2, al. 1er, 1re phrase). Ainsi, toutes les femmes peuvent avoir recours à l’AMP si elles ont un projet parental : « Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire » (CSP, art. L. 2141-2, al. 1er, 2e phrase). Au cours des débats sur la loi de bioéthique, le Sénat, craignant une dérive vers un droit à l’enfant, avait voté un article en première lecture introduisant dans le code civil une disposition selon laquelle « Nul n’a de droit à l’enfant » qui a ensuite été supprimée par l’Assemblée nationale.

■ L’interdiction des discriminations 

La loi précise bien qu’aucune discrimination à l’AMP n’est possible. Ainsi, « cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs » (CSP, art. L. 2141-2, al. 2).

■ Le consentement

Le consentement des deux membres du couple ou de la femme non mariée est nécessaire avant toute insémination artificielle ou tout transfert d’embryons (V. prochainement un nouvel A la Une consacré notamment à ce sujet : reconnaissance conjointe… )

■ Les obstacles législatifs à l’AMP

On retrouve les mêmes obstacles législatifs à l’AMP, pour les couples qu’il soient hétérosexuels ou composés de deux femmes :  l’introduction d’une demande en divorce, d’une demande en séparation de corps, la signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel, la cessation de la communauté de vie, la révocation par écrit du consentement pour le transfert d’embryon ou une insémination par l’un ou l’autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’AMP et le décès de l’un des membres du couple. 

■ La question de la PMA post mortem s’est également posée lors des débats législatifs. Dans son avis du 18 juillet 2019, le Conseil d’État interpelait déjà le Gouvernement à ce sujet : le projet de loi « maintient … la condition tenant au fait d’être en vie au moment de la réalisation de l’AMP, ce qui écarte toute possibilité de recourir à l’AMP à l’aide des gamètes d’un homme décédé ou des embryons conservés par un couple dont l’homme est décédé. Cette situation aboutit à ce qu’une femme dont l’époux est décédé doive renoncer à tout projet d’AMP avec les gamètes de ce dernier ou les embryons du couple, alors qu’elle sera autorisée à réaliser une AMP seule, avec tiers donneur. Le Conseil d’État estime qu’il est paradoxal de maintenir cette interdiction alors que le législateur ouvre l’AMP aux femmes non mariées. Certes le principe d’égalité n’est pas méconnu dès lors que la femme seule et la femme dont le conjoint ou le concubin est décédé sont placées dans des situations différentes, notamment au regard de leur capacité à consentir librement à une AMP et au regard de la filiation de l’enfant », toutefois cette recommandation du Conseil d’État n’a pas été suivie par les parlementaires et le décès d’un des membres du couple fait donc toujours obstacle à une insémination ou à un transfert d’embryons. 

■ L’âge pour bénéficier d’une AMP

Un décret en Conseil d’État doit préciser les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une AMP. A priori, elles ne devraient pas changer et être les suivantes : 43 ans pour les femmes et 59 ans pour les hommes. Il s’agit de l’âge après lesquels il n’y aurait plus de remboursement par l’assurance maladie. Toutefois, l’âge de 50 ans pour la femme est l’âge limite pour bénéficier de l’AMP.

■ Le remboursement de l’AMP par l’assurance maladie

En première lecture, le Sénat avait réservé le remboursement de l’AMP par l’assurance maladie aux couples hétérosexuels. L’AMP aurait alors été autorisée pour toutes les femmes mais remboursée uniquement sur critère médical (infertilité d’un couple homme-femme et transmission d’une maladie grave), ce qui excluait de fait les couples de femmes et les femmes non mariées. Toutefois cette distinction a été abandonnée et le remboursement aura lieu pour toutes. Ainsi, les femmes qui choisissent l’AMP auront normalement droit au remboursement de quatre tentatives de fécondation in vitro et six inséminations artificielles.

■ La notion de femme non mariée

Si on comprend facilement la notion de couple de femmes, celle de femme non mariée revêt quelques subtilités. Pourquoi ce terme a-t-il été préféré à celui de « femme seule » ou de « femme célibataire » ?

Ce choix a en effet toute sa signification. Dans son avis sur le projet de loi relatif à la bioéthique du 18 juillet 2019, le Conseil d’État estimait qu’il « est nécessaire de préciser que la femme menant seule un projet d’assistance médicale à la procréation ne peut être mariée, afin d’éviter tout effet de ce projet sur son conjoint qui n’y aurait pas pris part, notamment en matière de filiation par le jeu de la présomption de paternité du mari». De plus, le terme de femme non mariée n’interdit pas l’accès à l’AMP à une femme hétérosexuelle qui serait en concubinage ou aurait conclu un pacte civil de solidarité. L’homme non marié ne serait pas alors contraint d’établir sa filiation avec l’enfant (Source : Rapport Sénat, n° 237, 8 janv. 2020, p. 28). Enfin, une femme vivant seule, célibataire, peut également prétendre à l’AMP.

 

    L'AMP pour les couples homme/femme avant la loi de 2021:

 

La conception des enfants par AMP :

 

-       Avec les gamètes de leurs deux parents (95%) 

 

-       Avec l’intervention d’un tiers donneur : 4% issu d’un don de sperme (environ 1000 enfants par an) et 1% issu d’un don d’ovocyte (environ 250 enfants par an).

 

-       Avec accueil d’un embryon : 0,01 % des naissances (25 à 30 enfants par an).

 

(Source : INED, Population et Sociétés, juin 2018, n° 556)

 

 

En 2018, environ un enfant sur 30 était conçu en France par AMP (Source : INED, Population et Sociétés, juin 2018, n° 556)

 

    

 

Chances de succès d’une AMP

 

En 2017 : 151 611 tentatives d’AMP et 25 614 naissances (soit environ 1 naissance pour 6 tentatives d’AMP).

 

(Source : Rapport Sénat, n° 237, 8 janv. 2020, p. 27)

 

 

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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