Actualité > À la une
À la une
Droit de la famille
La présomption de cessation de la collaboration déduite de la cessation de la cohabitation à nouveau rappelée
Mots-clefs : Divorce, Report des effets du divorce, Collaboration, Présomption
La cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration et le juge qui rejette la demande de report sans relever aucun élément justifiant de la réalité de la collaboration entre époux après la date de leur séparation ne donne pas de base légale à sa décision.
Selon l’article 260 du Code civil, « (la) décision qui prononce le divorce dissout le mariage à la date à laquelle elle prend force de chose jugée ». Ce principe souffre toutefois diverses exceptions. Il résulte ainsi de l’article 262-1 du Code civil que « (le) jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens (…) lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, (…) à la date de l’ordonnance de non-conciliation », mais qu’« (à) la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont en fait cessé de cohabiter et de collaborer ». C’est ce que dans l’arrêt commenté, un ex-époux avait, sans succès, requis du juge ayant prononcé son divorce, accepté. L’intérêt de sa demande était évident : les époux étant communs en biens, il eût été profitable à l’époux demandeur d’obtenir le report de la date des effets du divorce à la date de cessation de leur cohabitation, intervenue cinq ans avant le jugement. En effet, c’est alors à ce moment qu’aurait été dissous le régime matrimonial des deux conjoints et ainsi, les revenus de l’époux, bien supérieurs à ceux de l’épouse, auraient été considérés comme des biens propres. Toutefois, le report des effets du divorce quant aux biens est subordonné à la cessation de la cohabitation et de la collaboration ; si la notion de cohabitation renvoie simplement à celle de communauté de vie, la collaboration désigne l’ensemble des opérations conjointes des époux, même séparés de fait (par ex : maintien d’un compte joint). C’est sur cette double condition que les juges du fond s’étaient précisément appuyés pour écarter, en l’espèce, la demande de l’époux : selon eux, si la preuve de la cessation de la cohabitation des époux à la date invoquée était bien rapportée, tel n’était pas le cas de la preuve de la cessation de leur collaboration. La Cour de cassation devait donc répondre à la question de savoir si la preuve de la cessation de la vie commune des époux suffit à justifier la demande de report des effets patrimoniaux du divorce. À cette question, la Haute cour répond par l’affirmative en rappelant le principe jurisprudentiel désormais acquis selon lequel la cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration. Simple, la présomption est, toutefois, rarement renversée. La Cour de cassation prête, il est vrai, une particulière attention au respect, par les juges du fond, d’une telle présomption, posée avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004, puis réaffirmée en application de cette nouvelle loi. Déjà, en effet, dans une décision du 31 mars 2010 largement publiée, la Cour de cassation, statuant pour la première fois en application des dispositions de la loi de 2004, a précisé « que la cessation de la cohabitation fait présumer celle de la collaboration » et « qu’il incombe à celui qui s’oppose au report de prouver que des actes de collaboration ont eu lieu postérieurement à la séparation des époux ». La cour d’appel, qui avait rejeté la demande de report au motif, identique à celui de l’espèce commentée, que la cessation de la collaboration n’était pas démontrée, avait été censurée pour avoir inversé la charge de la preuve (Civ. 1re, 31 mars 2010). De surcroît, cette décision apportait une précision majeure sur l’office du juge en cette matière : une fois les conditions du report des effets du divorce réunies, le juge doit, en principe, prononcer ce report ; son refus est possible mais subordonné à la condition d’être spécialement motivé.
Ici, c’est une nouvelle décision de censure qui est rendue au visa de l’article 262-1 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 26 mai 2004, et pour un motif identique, le non-respect de la présomption de cessation de la collaboration à la date de la séparation de fait des époux. La fin de la collaboration s’induit donc de la séparation. Positivement, la solution laisse entendre que la cohabitation fait présumer la collaboration. Heureuse nouvelle !
Civ. 1re, 14 mars 2012, pourvoi n°11-13.954
Références
■ Code civil
« La décision qui prononce le divorce dissout le mariage à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. »
« Le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :
- lorsqu'il est prononcé par consentement mutuel, à la date de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n'en dispose autrement ;
- lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l'ordonnance de non-conciliation.
À la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu'à l'occasion de l'action en divorce. La jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation, sauf décision contraire du juge. »
■ Civ. 1re, 31 mars 2010, n° 08-20.729, AJ fam. 2010. 276 ; RTD civ. 2010. 313 ; JCP N 2010. 1925.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une