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[ 15 mai 2019 ] Imprimer

Droit international privé

La primauté de la convention bilatérale d’exequatur franco-marocaine sur le DIP commun et un faisceau d’indice contestant la réalité de la filiation

Deux époux de nationalité française sollicitent la transcription, sur les registres de l’état civil français, de l’acte de naissance de leur enfant née au Maroc. Le procureur de la République s’y oppose, arguant de doutes sur la grossesse de la mère. Ce refus entraîne une action en justice des époux, à titre principal pour obtenir l’exequatur du jugement marocain ordonnant la transcription de la naissance litigieuse et, à titre subsidiaire, afin d’obtenir ladite transcription sur les registres de l’état civil français. 

La cour d’appel de Rennes, d’une part, accepte une transcription partielle de cette filiation et, d’autre part, rejette la demande d’exequatur. En effet, les juges d’appel ordonnent la transcription de la filiation paternelle, mais rejette celle de la mère. 

Afin de motiver ce refus, les juges s’appuient sur l’article 47 du Code civil combiné aux constatations du ministère public. Cet article accorde foi à tout acte de l’état civil des français et étrangers fait en pays étranger, sauf si notamment, les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Or en France, en vertu du principe mater semper certa est, la désignation de la mère dans l’acte de naissance doit correspondre à la réalité de l’accouchement. Une réalité que conteste le ministère public sur le fondement d’un faisceau d’indices : l’âge avancé de la requérante au moment de la naissance (49 ans), l’absence de preuve de la présence de cette dernière, domiciliée en France, le jour de l’accouchement sur le territoire marocain, l’absence de suivi médical de la grossesse, le non-respect des délais de déclaration de l’enfant prévu au Maroc, soit 30 jours suivant la naissance. Au regard de ces éléments, la cour d’appel estime que l’acte de naissance marocain ne correspond pas à la réalité au sens de l’article 47 du Code civil. 

Concernant le refus d’exequatur du jugement étranger, la juridiction du second degré s’appuie sur les conditions même d’une telle reconnaissance : elle estime que la décision étrangère est contraire à l’ordre public français pour fraude à la loi, en présence d’une filiation conférée en fraude à la loi en raison des doutes sur la grossesse. 

Le ministère public et les époux forment un pourvoi en cassation. Le ministère public conteste la transcription partielle sur les registres français, autrement dit, il conteste l’établissement de la filiation paternelle. Quant aux époux, ils requièrent à titre principal, l’exequatur, et à titre subsidiaire, la transcription de la filiation maternelle. 

La cour de cassation considère, que les époux ayant saisi la cour d’appel, à titre principal, d’une demande d’exequatur, elle devait examiner en premier lieu la régularité internationale de ce jugement, avant même tout examen de la demande de transcription de l’acte de naissance étranger. Ainsi, l’argumentation des juges d’appel sur l’article 47 du Code civil est inopérante. 

Concernant l’exequatur, la cour de cassation rappelle l’application de la convention, bilatérale, d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957.

L’article 16 de cette convention, pose les différentes conditions pour qu’une décision rendue par une juridiction marocaine ait de plein droit l’autorité de chose jugée en France : 

-        elle doit émaner d’une juridiction compétente ; 

-        les parties doivent avoir été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes ; 

-        elle doit, d’après la loi marocaine, être passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution,

-        elle doit ne rien contenir de contraire à l’ordre public français et ne doit pas être contraire à une décision judiciaire ayant autorité de la chose jugée. 

Quant à l’article 19 de ladite convention, il impose au juge saisi d’une demande d’exequatur d’un jugement marocain, de se borner à la vérification de ces conditions cumulatives pour examiner les conditions de la régularité internationale. 

Or, les juges du fond français ont procédé à une enquête, une analyse des faits pour examiner la demande d’exequatur, alors même que les juridictions marocaines avaient déjà effectué cet examen. Ainsi, ils ont procédé à une révision au fond du jugement, ne se bornant aux conditions de ladite convention précédemment citées. La Haute juridiction considère donc que la cour d’appel a violé cette convention et, casse et annule l’arrêt d’appel, en ce qu’il rejette la demande de transcription. 

Civ. 1re, 20 mars 2019, n° 18-50.005

Référence

■ Fiches d’orientation Dalloz : Exequatur

 

Auteur :Hugo Douard

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