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Droit européen et de l'Union européenne
La prison ne vaut pas éloignement pour le résident permanent.
Le respect de l’ordre public dans l’État membre d’accueil par un citoyen européen constitue une obligation inhérente à la liberté de circuler et de séjourner dans l’Union européenne, sa violation pouvant entraîner une mesure d’éloignement.
Cependant, cette possibilité offerte à l’État membre d’accueil est progressivement limitée au regard de la durée du séjour et du degré d’intégration du ressortissant d’un État membre, y compris si ce dernier accomplit une peine de prison. En effet la condamnation ou l’exécution à une peine de prison ne remet pas automatiquement en cause la protection renforcée acquise par le citoyen européen au bout de dix ans de séjour, la Cour exigeant qu’une appréciation globale soit portée sur sa situation pour évaluer sa volonté d’intégration.
La violation par un ressortissant d’un État membre de l’ordre public dans un État membre dans lequel il n’est pas ressortissant, peut conduire à l’adoption d’une mesure d’éloignement par les autorités de l’État membre d’accueil. Cependant le régime applicable est différent selon le degré d’intégration du citoyen, degré d’intégration qui est directement fondé sur la durée de séjour. Ainsi si un citoyen est installé dans un État membre d’accueil depuis plus de dix ans, il bénéficie d’une protection renforcée, limitant les hypothèses dans lesquelles une mesure d’éloignement est possible. En effet, il faut alors prouver non plus un motif grave, mais une raison impérieuse de sécurité publique. Cependant, la condamnation ou l’exécution d’une peine de prison est pour les États de nature à remettre en cause cette protection. La Cour a dès lors précisé l’influence de la peine de prison sur le citoyen européen sur son droit de séjour.
Deux affaires étaient à l’origine des questions préjudicielles posées. Dans les deux litiges, les requérants vivaient dans l’État membre d’accueil depuis plus de dix ans leur attribuant potentiellement le statut de résident permanent au sens de la directive 2004/38.
Dans la première affaire, Monsieur B. a été condamné à une peine privative de liberté de cinq ans et huit mois. Sur cette condamnation, il a effectué une peine de moins d’un an, avant que ne soit prononcée en novembre 2014 une perte de droit d’entrée et de séjour en Allemagne alors même qu’il y résidait depuis 1993. La protection renforcée ne lui a pas été accordée en raison de la peine de prison.
Dans la seconde affaire, Franco Vomero, ressortissant italien, vivait au Royaume-Uni depuis 1985. Il a été condamné à huit ans de prison pour homicide en 2002, libéré en 2006. Il a fait alors l’objet d’une mesure d’éloignement, sans bénéficier également de son statut de résident permanent. La juridiction britannique doute toutefois qu’il n’ait pas acquis un droit de séjour permanent.
Dans cet arrêt, la Cour de justice détermine le régime de la protection renforcée découlant de la reconnaissance du statut de résident permanent. Si l’arrêt explicite le droit et les critères à prendre en considération, il est en réalité dans la continuité de la jurisprudence antérieure par rapport à l’appréhension notamment des peines de prison sur le maintien de ce statut.
La Cour commence par rappeler que la directive 2004/38 prévoit un renforcement graduel de la protection des citoyens de l’Union européenne contre les mesures d’éloignement, quelle qu’en soit la justification. Cette protection est liée au degré d’intégration réelle de la personne. Aussi les conditions du droit de séjour varient-elles selon la durée de séjour. En conséquence, tant qu’un citoyen ne remplit pas les conditions relevant de facteurs spéciaux, temporels, économiques et qualitatifs, pour être résident permanent, il ne peut pas bénéficier de la protection renforcée visée à l’article 28, paragraphe 3 de la directive 2004/38. La condition des dix ans de séjour dans l’État membre d’accueil constitue dès lors une condition indispensable.
Cependant le calcul doit se faire à rebours à partir de la date de la décision de l’éloignement de la personne, la période devant être continue, ce qui pose immédiatement le problème de l’appréhension de la période de prison. La Cour précise que la directive n’indique rien sur les circonstances entraînant l’interruption de ce décompte. Dès lors il faut s’en tenir à une appréciation globale de la situation de l’intéressé au moment où la question de l’éloignement se pose. Ceci signifie qu’il faut prendre en compte la durée cumulée et la fréquence des absences ainsi que les raisons qui ont conduit le citoyen à quitter l’État membre d’accueil, notamment s’il s’agit de raisons personnelles, familiales ou encore professionnelles. De plus, les périodes d’emprisonnement peuvent être considérées comme une rupture avec l’État membre d’accueil, remettant en cause la protection renforcée. La limite est que cette rupture liée à l’emprisonnement ne peut être considérée comme automatique, la peine de prison devant être intégrée dans l’appréciation globale de la situation du citoyen. Les juges de l’Union vont même plus loin étant donné que les autorités nationales doivent prendre en compte le comportement de la personne en prison et notamment sa volonté de se réinsérer socialement.
Il en résulte que la mesure d’éloignement à un caractère exceptionnel lorsque la durée de séjour est de plus de dix ans, d’autant plus que la Cour précise que le fait que la mesure d’éloignement soit prise au moment de la condamnation en tant que peine accessoire ou postérieurement à la mise en détention ne change rien. L’appréciation globale est réalisée au moment de l’adoption de la mesure. Si l’exécution concrète de l’éloignement est différée, il est nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation actualisée afin de vérifier que la personne constitue toujours une menace.
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