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Droit européen et de l'Union européenne
La recevabilité de la question préjudicielle devant la Cour de justice de l’Union européenne suspendue à la notion de juridiction
Mots-clefs : Juridiction, Renvoi préjudiciel, Recevabilité, Compétence, Permanence, Impartialité, Indépendance
Le renvoi préjudiciel est une procédure juridictionnelle essentielle à l’application effective et uniforme du droit de l’Union sur l’ensemble du marché intérieur, envisagée à l’article 267 TFUE. Cette procédure a la particularité d’être à l’initiative de la seule juridiction nationale, encore faut-il que la Cour reconnaisse cette qualification aux différents organes juridictionnels nationaux afin que la question soit recevable. Cette qualification relève exclusivement de la jurisprudence de la Cour de justice, indépendamment de la qualification nationale, à partir d’un faisceau d’indices reposant tant sur des critères organiques que fonctionnels. C’est ainsi que la Cour a jugé, dans cette ordonnance, que le Tribunal arbitral necessário au Portugal est une juridiction, alors qu’elle a écarté précédemment cette qualification pour d’autres tribunaux arbitraux.
La notion de juridiction est une question récurrente dans le cadre de l’examen de la recevabilité d’une question préjudicielle, même si la question n’est pas toujours examinée expressément, notamment concernant les juridictions constitutionnelles des États membres. Cette situation s’est présentée lorsque le Conseil constitutionnel français a posé pour la première fois une question préjudicielle ; la nature du Conseil n’a pas été soulevée par la Cour (CJUE 30 mai 2013, Jeremy F).
Cette notion demeure essentielle, seules les juridictions des États membres ayant la faculté de poser une question à la Cour de justice. Cette notion doit être appréhendée à partir du droit de l’Union, la Cour de justice étant seule à même de contrôler cette qualification dont elle a elle-même défini les contours.
Ainis, la Cour de justice a envisagé pour la première fois cette notion dans l’arrêt Vaassen Gobbels (CJCE 30 juin 1966). Depuis cet arrêt, la Cour s’appuie sur un faisceau d’indices dont : l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de la juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application des règles de droit et, enfin, son indépendance. La Cour prend ainsi en compte à la fois des éléments organiques et fonctionnels.
À l’origine de la question préjudicielle, ayant donné lieu à cette ordonnance, se trouvait un tribunal arbitral portugais, le Tribunal arbitral necessário. Or, la Cour a déjà jugé qu’un tribunal arbitral conventionnel n’avait pas les qualités requises pour être qualifié de juridiction. La Cour ne va pas retenir ici la même solution, notamment parce que le tribunal n’est pas de nature conventionnelle mais législative. La Cour reprend concrètement chacun des critères issus de la jurisprudence Vaassen Gobbels, définis de manière plus explicite dans l’arrêt Dorsch Consult (CJCE 17 sept. 1997).
La Cour relève, tout d’abord, que la compétence du tribunal arbitral en cause est issue de la législation portugaise. En outre, sa compétence est obligatoire pour trancher les litiges liés aux droits de propriété. Ensuite, les décisions rendues par ce tribunal sont définitives. Enfin, les arbitres sont soumis à une obligation d’indépendance et d’impartialité.
Néanmoins, les conclusions de la Cour auraient pu être différentes étant donné que les parties au litige ont la faculté de faire varier la forme du tribunal arbitral, tout comme sa composition et ses règles, remettant potentiellement en cause la permanence de la juridiction. La Cour écarte cette objection en appréhendant le critère de la permanence uniquement par rapport à la compétence et non par rapport à la composition ou la forme. La Cour donne ainsi un contenu plus précis mais également plus restrictif à ce critère de la permanence, lui offrant la possibilité de reconnaître la qualification de juridiction à d’autres organes juridictionnels nationaux.
CJUE, Ord., 13 févr. 2014, Merck Canada c/ Accord Healthcare Ltd., C-555/13
Références
■ Article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ex-article 234 TCE)
« La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:
a) sur l'interprétation des traités,
b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.
Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.
Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. »
■ CJUE 30 mai 2013, Jeremy F, C-168/13.
■ CJCE 30 juin 1966, Vaassen Gobbels, aff. 61/65.
■ CJCE 17 sept. 1997, Dorsch Consult, C-54/96.
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