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Droit des successions et des libéralités
La renonciation au droit de retour conventionnel est sans effet sur le droit de retour légal.
Mots-clefs : Succession, Donation, Droit de retour légal, Droit de retour conventionnel, Renonciation, Legs
La Cour de cassation a, dans son arrêt du 21 octobre 2015, affirmé qu’il ne pouvait être renoncé au droit de retour légal avant l’ouverture de la succession. De plus, la renonciation au droit de retour conventionnel n’a pas d’incidence sur le droit de retour légal. Ce dernier permet d’entrer en concurrence avec le bénéficiaire d’un legs portant sur les biens donnés.
Un couple fait donation d’une maison et d’un terrain à leur fille. L’acte de donation prévoyait un droit de retour au profit des parents en cas de décès de celle-ci, droit auquel ils ont renoncé par la suite. Leur fille décède sans postérité. Dans son testament elle lègue la totalité de ses biens à son frère et l’usufruit des biens faisant l’objet de la donation à ses parents.
Les parents agissent en justice afin de pouvoir exercer leur droit de retour prévu à l’article 738-2 du Code civil. Les juges de première instance, confirmées par la Cour d’appel, rejettent la demande des parents. Selon eux ces derniers avaient renoncé au droit de retour, ils ne pouvaient donc s’en prévaloir.
La question qui se pose est de savoir si la renonciation au droit de retour conventionnel équivaut à une renonciation au droit de retour légal ? Est-il possible de renoncer par avance au droit de retour légal ?
La Cour cassation répond qu’il convient de dissocier le droit de retour conventionnel du droit de retour légal. Elle ajoute que la renonciation au droit de retour conventionnel n’empêche pas de se prévaloir ultérieurement du droit de retour légal. Enfin, elle rappelle que la renonciation anticipée au droit de retour légal n’est pas possible.
Le droit de retour légal, qui permet aux parents de récupérer le bien donné lorsque leur enfant décède sans postérité, est d’ordre public. Les parents ne peuvent y renoncer qu’après le décès de leur enfant. En effet, dans le cas contraire la renonciation anticipée équivaudrait à un pacte sur succession future. Or, ces pactes sont prohibés (C. civ., art. 722).
Le droit de retour légal s’exerce à concurrence des quotes-parts fixées par l’article 738 du Code civil, soit le quart à chacun des parents. Du vivant du donataire, les parents peuvent instaurer un droit de retour conventionnel, qui ne pourra pas restreindre le droit de retour légal mais pourra prévoir des modalités de retour plus avantageuses (Ch. réun., 2 juill. 1903, Roux-Ménard).
Lorsqu’un droit de retour conventionnel a été mis en place, le droit de retour légal ne s’applique pas. Cependant, traditionnellement, lorsque le bien donné est légué à un tiers et que le donateur a renoncé à son droit de retour conventionnel, il pourra se prévaloir du droit de retour légal qui s’exercera en valeur, dans la limite de l’actif successoral (C. civ., art. 738-2).
Ainsi, les parents entrent en concurrence avec le bénéficiaire du legs. Cependant, le droit de retour, dans ce cas, s’exercera en valeur, démontrant qu’il n’a pas pour objet d’assurer le maintien des biens dans la famille mais de compenser la suppression, de la réserve héréditaire des parents.
En l’espèce, les parents avaient conventionnellement stipulé un droit de retour auquel ils avaient renoncé. Cependant la renonciation est cantonnée au droit de retour conventionnel. Ces derniers pouvaient donc se prévaloir du droit de retour légal, qui s’exercera en valeur, afin d’entrer en concurrence avec le bénéficiaire du legs.
Le droit de retour légal dispose donc d’une priorité d’application. C’est dans ce sens, que la Cour de cassation a affirmé que l’existence de descendants renonçant n’a pas pour effet de paralyser le droit de retour légal des ascendants (Civ. 1re, 23 mai 2012, n° 11-14.104).
Civ. 1re, 21 oct. 2015, n° 14-21.337
Références
■ Code civil
Article 722
« Les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d'une succession non encore ouverte ou d'un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi ».
Article 738
« Lorsque les père et mère survivent au défunt et que celui-ci n'a pas de postérité, mais des frères et sœurs ou des descendants de ces derniers, la succession est dévolue, pour un quart, à chacun des père et mère et, pour la moitié restante, aux frères et sœurs ou à leurs descendants.
Lorsqu'un seul des père et mère survit, la succession est dévolue pour un quart à celui-ci et pour trois quarts aux frères et sœurs ou à leurs descendants ».
Article 738-2
« Lorsque les père et mère ou l'un d'eux survivent au défunt et que celui-ci n'a pas de postérité, ils peuvent dans tous les cas exercer un droit de retour, à concurrence des quote-parts fixées au premier alinéa de l'article 738, sur les biens que le défunt avait reçus d'eux par donation.
La valeur de la portion des biens soumise au droit de retour s'impute en priorité sur les droits successoraux des père et mère.
Lorsque le droit de retour ne peut s'exercer en nature, il s'exécute en valeur, dans la limite de l'actif successoral ».
■ Ch. réun., 2 juill. 1903, Roux-Ménard, D. 1903. 1. 353. ; D. 850, les grands arrêts de la jurisprudence civile, obs. H. Capitant, A. Weill et F. Terre.
■ Civ. 1re, 23 mai 2012, n° 11-14.104, D. 2012. 2776, note D. Autem ; AJ fam. 2012. 416, obs. N. Levillain ; RTD civ. 2012. 762, obs. M. Grimaldi.
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