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Droit des obligations
La résiliation fautive d’un contrat de concession automobile
Mots-clefs : Résiliation, Contrat à durée indéterminée, Liberté, Limite, Abus, Préjudice réparable
Nonobstant le respect du préavis contractuel, le concédant a, par sa décision anticipée de résiliation, sciemment entravé la reconversion des concessionnaires et ainsi, manqué à son obligation de bonne foi dans l’exercice de son droit de résiliation, l’obligeant à indemniser le préjudice résultant de cette absence d’exécution loyale des conventions.
En droit positif, le principe est clair : le concessionnaire, lié au concédant par un contrat à durée indéterminée, n'a aucun droit à la perpétuation de son contrat, auquel le concédant peut mettre fin quand bon lui semble (Com. 5 oct. 2004).
En outre, le concédant n'a pas à motiver sa décision (Com. 11 mai 1999 ; Com. 22 mai 2001). En effet, « celui qui use de son droit de résilier un contrat à durée indéterminée dans le respect des modalités prévues par celui-ci n'a pas à justifier d'un quelconque motif » (Com. 10 nov. 2009 ; Com. 5 avr. 1994 ; Civ. 1re, 21 févr. 2006 ; Com. 26 janv. 2010).
La solution s'applique également au concessionnaire, qui peut rompre le contrat dans les mêmes conditions, sans avancer de motifs (Civ. 1re, 11 juin 1996).
Cette liberté de rompre sans motivation résulte de l'interdiction des contrats perpétuels, et a valeur constitutionnelle (Cons. const. 9 nov. 1999, relative au PACS). Autrement dit, la rupture d'un contrat à durée indéterminée est toujours possible, quel que soit son ancienneté (Com. 3 juill. 2001). La seule restriction à cette liberté de rompre tient à l’exigence d’un délai de préavis suffisant. Et encore, la condition disparaît dans le cas :
– soit d'un manquement, volontaire ou non, à un élément essentiel du contrat, justifiant une rupture immédiate (Com. 14 oct. 1997 ; Com. 25 avr. 2001) ;
– soit de la constatation d'un fait prévu par une clause, permettant une résiliation à effet immédiat (Civ. 1re, 3 avr. 2001).
Toutefois, en principe, le concédant doit respecter le délai contractuel de préavis (Com. 11 mai 1999 ; Com. 5 oct. 2004) ou à défaut, un délai raisonnable, conforme aux usages commerciaux (Com. 5 déc. 1984 ; 3 juil. 2001). C’est, du reste une règle commune à tous les contrats à durée indéterminée. Cette période permet au concessionnaire de trouver un autre concédant ou de se reconvertir (Com. 19 nov. 1973 ; Com. 9 mars 1976 ; Com. 6 mai 2002). Dans cette perspective, une partie de la doctrine avait proposé, en accord avec certains juges du fond, d'exiger que le concédant dispose d'un délai de préavis suffisant pour permettre au concessionnaire d'assurer sa reconversion (Paris, 28 avr. 2004, affirmant qu'il appartient au concédant, « sauf à manquer à son devoir de loyauté commerciale, de l'informer de son éviction définitive du réseau dans un délai suffisamment rapide pour lui permettre de préserver au mieux ses actifs et de faciliter sa reconversion ainsi que la reprise éventuelle de sa concession »).
En l’espèce, cette exigence ne posait pas de difficultés, la Cour ne remettant pas en cause « le respect du préavis contractuel » par le concédant. Cela étant, si en principe, le respect du préavis par le concédant empêche la mise en œuvre de sa responsabilité (Com. 6 mai 2002), cette protection ne vaut que sous réserve de l'abus du droit de résilier et du respect des obligations contractuelles, que le temps du préavis ne fait pas disparaître (Com. 12 nov. 1996 ; Com. 3 juin 1997).
C’est cette réserve qui est ici fermement rappelée par la Cour, dans des termes bien plus nets que ceux figurant dans ses précédentes décisions : elle retient en effet que « nonobstant le respect du préavis contractuel (…), le concédant avait sciemment entravé la reconversion des concessionnaires » et ainsi, « ne s’était pas correctement acquitté de son obligation de bonne foi dans l’exercice de son droit de résiliation ». En effet, la cour d’appel avait relevé qu'à la date de la notification de la résiliation, le concédant connaissait, pour en être à l'origine, l'existence de pourparlers engagés entre son concessionnaire et un repreneur qu’il lui avait désigné et constaté qu’il avait, pour les faire avorter, précipité la notification de sa décision sans ignorer la difficulté dans laquelle il plongeait son concessionnaire, auquel il ôtait ainsi toute marge réelle de manœuvre pour obtenir la cession envisagée à un prix raisonnable, compte tenu de l'incidence de la décision prise sur la valeur des éléments incorporels du fonds de commerce litigieux.
Ainsi, au nom de la bonne foi, la Cour, sans mettre à la charge du concédant une obligation positive d’assistance du concessionnaire évincé, lui impose néanmoins celle, négative, de ne pas entraver sa reconversion en le privant délibérément de la liberté de profiter de la concurrence existante pour négocier un prix raisonnable de cession de son fonds de commerce. En somme, comme pour le contrôle de la détermination du prix, l’abus consisterait à priver intentionnellement (sur ce critère de l’intention de nuire, v. spéc. Com. 3 juin 1997, préc.) son cocontractant de la possibilité de se reconvertir. Et la Cour d’ajouter que le préjudice réparable du concessionnaire découle d’un tel manquement à la bonne foi contractuelle, et non de la perte des contrats de concession résultant de la résiliation.
Com. 8 oct. 2013, n°12-22.952
Références
■ Com. 5 oct. 2004, n° 02-17.338, RDC 2005/2, p. 384.
■ Com. 11 mai 1999, n° 97-10.999.
■ Com. 22 mai 2001, n° 98-18.460.
■ Com. 10 nov. 2009, n° 08-21.175.
■ Com. 5 avr. 1994, n°92-17.278, JCP G 1994. I. 3803, obs. Ch. Jamin ; D. 1995. 90, obs. Mazeaud.
■ Civ. 1re, 21 févr. 2006, n°02-21.240, RDC 2006. 704, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2006. 314, obs. Mestre.
■ Com. 26 janv. 2010, n° 09-65.086.
■ Civ. 1re, 11 juin 1996, n° 95-17.339.
■ Cons. const. 9 nov. 1999, n°99-419 DC, relative au PACS.
■ Com. 3 juill. 2001, n° 99-12.513.
■ Com. 14 oct. 1997, n° 95-10.374, D. 1998. 333, obs. D. Ferrier.
■ Com. 25 avr. 2001, n° 99-11.439, inédit.
■ Com. 5 déc. 1984, n°83-14.273.
■ Com. 19 nov. 1973, Bull. civ. IV, n° 294.
■ Com. 9 mars 1976, D. 1976. 388.
■ Com. 6 mai 2002, n° 99-14.093, Bull. civ. IV, n°81.
■ Paris, 28 avr. 2004, JCP E 2004, CDE 2004, n° 3, p. 30, n° 6, obs. J.-L. Respaud.
■ Com. 12 nov. 1996, n° 94-14.329.
■ Com. 3 juin 1997, n°95-12.402, Bull. civ. IV, n°171, D. 1998. 113, obs. D. Mazeaud.
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