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Droit de la responsabilité civile
La responsabilité contractuelle pour faute du mandataire
Mots-clefs : Mandat, Obligations du mandataire, Responsabilité contractuelle, Responsabilité délictuelle, Application distributive, Faute du mandataire, Preuve de la faute
La faute recherchée du mandataire à l’égard de son mandant est, par principe, contractuelle.
Après avoir fait réaliser une étude de faisabilité par une société mandataire d’une autre société, elle-même chargée de la commercialisation des appartements dépendant d'un immeuble à construire, un couple avait conclu un contrat de réservation d'un appartement avec une troisième société et confié un mandat de gestion de cet appartement à une quatrième société, qui l'avait cédé quelques mois plus tard à une cinquième société. Par acte authentique annulant et remplaçant toutes autres conventions ayant pu intervenir entre les parties, une société civile immobilière avait vendu au couple le bien réservé, en l'état futur d'achèvement, la livraison étant prévue au premier trimestre 2008. L'appartement, n’ayant finalement été livré qu’en juillet 2008, était resté vacant pendant un an, avant d'être loué moyennant un loyer inférieur d'un tiers à celui prévu dans l'étude de faisabilité.
Le couple d’acquéreurs avait en conséquence assigné la SCI ainsi que plusieurs des sociétés ayant participé à l’opération en annulation de la vente pour dol, avec restitutions subséquentes, et paiement de diverses sommes, et la SCI avait, quant à elle, appelé en garantie lesdites sociétés.
La cour d’appel rejeta la demande de garantie formée par la SCI à l’encontre de la société d’études au motif que la SCI ne caractérisait pas la faute délictuelle reprochée à celle-ci, ainsi que celle formée à l’encontre de la société à laquelle avait été confiée un mandat de commercialisation, pour le même motif.
La Cour de cassation confirme le rejet par la cour d’appel de la première demande, faute pour la SCI d’avoir su prouver la faute délictuelle alléguée ; celle-ci n'étant pas par ailleurs pas tenue par ses constatations relatives aux manœuvres dolosives commises par les autres sociétés à l'égard des acquéreurs, la cour d’appel a pu en déduire que cette demande de garantie n'était pas fondée. En revanche, au visa de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, elle reproche à la cour d’appel d’avoir rejeté l’appel en garantie formé par la SCI à l'encontre de la société chargée de la commercialisation sans avoir recherché, comme il le lui était demandé, si cette dernière n'avait pas commis une faute contractuelle à l'égard de son mandant.
Le principe de non-cumul ou de non-option des responsabilités contractuelle et délictuelle s'oppose à ce qu’un contractant assigne son cocontractant sur le terrain délictuel pour un manquement d'origine contractuelle. Ainsi, dans les rapports entre mandants et mandataires, y compris les mandataires substitués puisque selon l'article 1994, alinéa 2, du Code civil, « dans tous les cas, le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s'est substituée », la responsabilité des contractants susceptible d’être engagée est, en principe, de nature contractuelle puisqu'un lien d'une telle nature existe entre eux ; en revanche, à l'égard des tiers au contrat, notamment des cocontractants du mandant, la responsabilité éventuelle du mandataire ne peut être, naturellement, qu'une responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle (Cass., ch. mixte, 26 mars 1971, n° 68-13.407. Com. 17 juin 1997, n° 95-14.535).
Aussi, aux termes plus généraux de l'article 1147 du Code civil figurant au visa, « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part .
Par principe contractuelle, la responsabilité du mandataire à l'égard du mandant est une responsabilité pour faute, fondée sur l’inexécution ou la mauvaise exécution de l’obligation née du mandat lui ayant été confié, comme le prévoient expressément les articles 1991, alinéa 1er (« le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ») et 1992, alinéa 1er (« le mandataire répond (...) des fautes qu'il commet dans sa gestion ») du Code civil. Et si le mandataire est, sauf cas fortuit, présumé en faute du seul fait de l’inexécution de son mandat, cette présomption ne s’étend pas, en revanche, à l’hypothèse, qui est celle de l’espèce, d’une mauvaise exécution de ce dernier (Civ. 1re, 18 janv. 1989, n° 87-16.530). Il appartient donc dans ce cas au mandant d’établir la faute contractuelle de son mandataire, lequel est généralement tenu, comme le sont les intermédiaires immobiliers, d'une obligation de moyens. Autrement dit, en cas de mauvaise exécution du mandat, incombe au mandant la charge de prouver la faute contractuelle, volontaire ou non, de son mandataire.
En l’espèce, la SCI, mandante, invoquait dans ses conclusions la responsabilité contractuelle de son mandataire à raison de l’exécution défectueuse du mandat de commercialisation confié à ce dernier, ce que la location tardive de l’appartement litigieux en contrepartie d’un loyer nettement inférieur à celui prévu par l’étude de faisabilité suffisait à établir ; ainsi les juges du fond ne pouvaient rejeter la demande de la SCI alors qu’elle avait su démontrer la faute, qui ne peut être que de nature contractuelle, de son mandant, d’autant moins que cette faute consistait dans la violation de son obligation principale de commercialisation du bien.
Civ. 3, 1er juin 2017, n° 15-29.312
Références
■ Cass., ch. mixte, 26 mars 1971, n° 68-13.407 P.
■ Com., 17 juin 1997, n° 95-14.535 P.
■ Civ. 1re, 18 janv. 1989, n° 87-16.530 P, D. 1989. 302, note C. Larroumet ; RTD civ. 1989. 572, note Rémy ; RTD com. 1989. 719, obs. Bouloc.
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