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[ 25 février 2015 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

La responsabilité du producteur du fait de la défectuosité du produit

Mots-clefs : Dommage corporel, Produits défectueux, Faute de la victime (non), Responsabilité du producteur

Le producteur de bouteille de gaz est responsable du dommage causé en raison de la défectuosité du produit, sans pouvoir se prévaloir de la faute de la victime qui n’était pas en mesure de se rendre compte de l’erreur commise, n’ayant pas eu accès à la notice d’information du contrat de consignation.

La loi n°98-389 du 19 mai 1998, transposant tardivement la directive européenne n°85/374 du 25 juillet 1985, a introduit dans le Code civil un titre relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux (C. civ., art. 1386-1 à 1386-18). Aux termes de l’article 1386-4 du Code civil, le produit défectueux est celui qui « n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre ». Ce régime prévoit que « [l]e producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit » (C. civ., art. 1386-1). Ainsi, il s’agit d’une responsabilité légale qui ne fait aucune distinction entre la responsabilité délictuelle et contractuelle : le producteur est donc responsable « qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime » (C. civ., art. 1386-1), la victime pouvant être notamment l’acquéreur du produit, un utilisateur ou un tiers. On dit aussi que cette responsabilité est une responsabilité de plein droit, pouvant être engagée du seul fait que le défaut du produit est à l’origine du dommage et donc indépendamment de toute faute du producteur (v. G. Mor). Toutefois, il existe des causes d’exonération, prévues à l’article 1386-11 du Code civil. 

En l’espèce, un homme, qui occupait provisoirement la maison de son père, a été victime de l’explosion d’une bouteille de gaz propane ayant servi à l’alimentation d’une gazinière prévue pour fonctionner avec du gaz butane.

Il s’agissait de déterminer si la victime pouvait obtenir réparation de son préjudice en invoquant la responsabilité du fabricant du fait de la défectuosité du produit.

La cour d’appel a retenu le caractère défectueux de la bouteille de gaz en se fondant sur la présentation du produit, conformément à l’alinéa 2 de l’article 1386-4 du Code civil. En effet, la cour a considéré d’une part, que « l’aspect extérieur de la bouteille ne permettait pas d’identifier la nature du gaz vendu, la couleur n’étant que le signe distinctif d’une marque », et d’autre part, que la bouteille de gaz ne présentait pas une information suffisante sur la sécurité.

La jurisprudence a d’ores et déjà estimé que le défaut d’information de la notice suffisait à caractériser la défectuosité du produit. À titre d’exemple, la Haute juridiction a condamné le producteur de béton en retenant l’insuffisance d’information des documents contractuels qui n’attirait en rien l’attention d’un client sur « la nécessité de porter des couvre-bottes et des vêtements de protection imperméables à l'eau pour éviter tout contact avec la peau » lors de la manipulation du béton (Civ. 1re, 7 nov. 2006). Dans le domaine médical, le fait que la notice d’utilisation d’un produit destiné au traitement des rides remise aux médecins ait mentionné le risque d’effets secondaires, alors que la plaquette publicitaire remise à la victime ne le mentionnait pas, caractérise la défectuosité du produit (Civ. 1re, 22 nov. 2007). En outre, la défectuosité du vaccin contre l’hépatite B peut être tirée de l’absence de mention, dans la notice, du risque de contracter la sclérose en plaques (Civ. 1re, 9 juill. 2009).

Afin de s’extirper de cette situation, le producteur se pourvoit en cassation.

Dans un premier temps, il soulève l’absence de défaut du produit, plaidant le fait que le caractère défectueux d’un produit s’apprécie « indépendamment de sa dangerosité intrinsèque ». En effet, le seul fait que certains produits soient dangereux par nature, notamment les armes, ne peut suffire à engager la responsabilité du fabricant. Ainsi, le danger doit dépasser celui auquel on peut légitimement s’attendre, plus précisément, il doit être anormal ou excessif aux vues de l’objet en cause (v. Y. Buffelan-Lanore, V. Larribau-Terneyre). La Haute juridiction a pu considérer que le fait que certains principes actifs d’un médicament soient dangereux, ne suffisait pas à caractériser le défaut du produit (Civ. 1re, 5 avr. 2005).

Dans un second temps, le producteur a invoqué la faute de la victime. Outre les causes d’exonération prévues à l’article 1386-11 du Code civil, le producteur peut tenter d’agir sur le fondement de la faute de la victime pour réduire ou supprimer sa responsabilité « lorsque le dommage causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime » (C. civ., art. 1386-13).

En l’espèce, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi considérant que le produit est défectueux au motif que « les détendeurs des gaz butane et propane sont similaires et peuvent être fixés indifféremment sur toute bouteille de gaz ».

La Cour a également estimé que la faute de la victime ne pouvait être retenue puisque celle-ci n’était pas en mesure de se rendre compte de l’erreur commise lors de l’échange d’une bouteille vide contre une pleine en raison de « l’absence de connectique spécifique qui rendait impossible l’alimentation par une bouteille de gaz propane d’une installation fonctionnant au gaz butane ».

On retiendra de l’arrêt que la défectuosité ne s’apprécie pas uniquement par rapport au produit lui-même mais également en tenant compte de toutes les circonstances comme, notamment, sa présentation et plus particulièrement sa notice d’information.

Civ., 1re, 4 févr. 2015, n°13-19.781

Références

 Y. Buffelan-Lanore, V. Larribau-TerneyreDroit civil, Les obligations, 14e éd., Sirey, coll. « Université, Université, 2014, n°2411.

■ G. MorÉvaluation du préjudice corporel 2014/2015, 2e éd., Delmas, 2014.

 Civ. 1re, 7 nov. 2006, n°05-11.604, RTD civ. 2007. 139, obs. P. Jourdain.

 Civ. 1re, 22 nov. 2007, n°06-14.174.

■ Civ. 1re, 9 juill. 2009, n°08-11.073, RTD civ. 2009. 735, obs. P. Jourdain.

 Civ. 1re, 5 avr. 2005, n°02-11.947, RTD civ. 2005. 607, obs. P. Jourdain.

■ Code civil

Article 1386-1

« Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime. »

Article 1386-4

« Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation. »

Article 1386-11

« Le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve :

1° Qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;

2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;

3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ;

4° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;

5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaire.

Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit. »

Article 1386-13

« La responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable. »

 

Auteur :M. Y.

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