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[ 4 février 2013 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

La restriction des droits et libertés insérés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne suspendue au respect du principe de proportionnalité

Mots-clefs : Principe de proportionnalité, Charte des droits fondamentaux l’UE, Droit à l’information, Liberté d’entreprise

La liberté d’entreprise n’est pas absolue. Dès lors, elle peut être restreinte au travers d’un acte de droit dérivé, comme une directive, de manière justifiée à la condition que cette limitation soit prévue par la loi, qu’elle respecte le contenu essentiel de la liberté en cause, qu’elle soit nécessaire afin de répondre à des objectifs d’intérêt général et enfin qu’elle soit proportionnée, conformément aux exigences de l’article 52, paragraphe 1er de la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne constitue aujourd’hui un moyen sérieux pour contester la validité d’un acte de droit dérivé de l’Union européenne, sachant qu’elle est devenue contraignante depuis le 1er décembre 2009, date de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Cependant, les droits et libertés fondamentaux qui y sont insérés peuvent entrer en contradiction, nécessitant de recourir à une conciliation ménageant un juste équilibre entre eux. Ces exigences reposent alors sur le seul respect du principe de proportionnalité, principe général du droit de l’Union, s’imposant en conséquence au législateur.

À l’origine de l’arrêt, se trouve une question préjudicielle en validité posée par un juge autrichien. La procédure vise une directive posant des règles relatives à l’utilisation d’images diffusées par des chaînes de télévision concernant des événements d’un grand intérêt pour le public. La directive impose que toutes chaînes puissent utiliser ces images à des fins d’information dans le cadre de brefs reportages d’actualité, la compensation financière ne pouvant dépasser les frais techniques. En l’espèce la requérante, Sky Osterreich, ayant acquis des droits exclusifs pour des matchs de football, a contesté les dispositions de la directive estimant qu’elle portait atteinte à son droit de propriété (Charte EU, art. 17) et à la liberté d’entreprise (Charte EU, art. 16), en l’obligeant à mettre à disposition sans réelle contrepartie ses programmes.

La Cour de justice écarte le moyen relatif à la violation du droit de propriété estimant que les conditions ne sont pas réunies, les droits ayant été acquis après la mise en œuvre de la directive. Le droit ne pouvait dès lors être atteint, la situation n’étant pas acquise juridiquement préalablement par l’entreprise.

En revanche, la Cour va constater l’atteinte à la seule liberté d’entreprise, qu’elle juge toutefois justifiée par la nécessité de protéger des objectifs d’intérêt général, en l’occurrence les droits à l’information et au pluralisme dans la production de l’information, droits garantis dans la Charte (Charte EU, art. 11), sachant que la directive respecte le principe de proportionnalité.

Plus précisément la Cour de justice juge que la directive empiète bien sur ce droit puisque l’entreprise n’est plus en mesure de choisir les personnes avec qui elle contracte et elle ne peut décider librement du prix. La Cour, cependant, réaffirme l’absence de caractère absolue de cette liberté et estime qu’elle doit être appréhendée en lien avec sa fonction dans la société.

Ainsi, cette liberté peut être l’objet d’une intervention par le législateur de l’Union. Celui-ci a néanmoins l’obligation de sauvegarder le contenu essentiel de celle-ci. Ce droit ne peut être atteint dans sa substance.

Ensuite, l’atteinte doit être nécessaire au regard d’objectif d’intérêt général. La référence aux droits à l’information et à la pluralité de la production de l’information présents dans la Charte suffit à considérer que cette condition est remplie. Ce raisonnement conduit à appréhender tous les droits protégés par la Charte comme des objectifs d’intérêt général.

Enfin, la limite doit être proportionnée. La proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis.

En outre, lorsque le choix entre plusieurs mesures est possible, les institutions doivent choisir la moins contraignantes et les inconvénients ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts. Dans le cas particuliers de la confrontation entre des droits fondamentaux, la Cour impose l’exigence d’une conciliation et d’un juste équilibre entre les droits. C’est le cas en l’espèce pour la Cour dès lors que la directive a fixé un cadre précis à l’accès à ces programmes, préservant la liberté d’entreprise et n’y portant atteinte que pour garantir le droit à l’information. En effet l’accès n’est possible que pour des programmes généraux d’actualité. La longueur du reportage ne peut excéder 90 secondes. Les États membres peuvent lors de la transposition fixer un délai entre la diffusion de l’émission et la diffusion des extraits. Parallèlement, cette obligation n’empêche pas la chaîne possédant les droits exclusifs de revendre contractuellement la diffusion initiale du programme. Le juste équilibre est dans ces conditions garanti.

CJUE, gr. ch., 22 janv. 2013, Sky Osterreich contre Osterreich Rundfunk, C-283/11

Références

■ Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Article 11 - Liberté d'expression et d'information

« 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières.

2. La liberté des médias et leur pluralisme sont respectés. »

Article 16 - Liberté d'entreprise

« La liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit communautaire et aux législations et pratiques nationales. »

Article 17 - Droit de propriété

« 1. Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu'elle a acquis légalement, de les utiliser, d'en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L'usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l'intérêt général.

2. La propriété intellectuelle est protégée. »

Article 52 - Portée des droits garantis

« 1. Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui.

2. Les droits reconnus par la présente Charte qui trouvent leur fondement dans les traités communautaires ou dans le traité sur l'Union européenne s'exercent dans les conditions et limites définies par ceux-ci.

3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue. »

 

Auteur :V. B.


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