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Instruments de crédit et de paiement
La révocation du mandat de payer
Mots-clefs : Commerce électronique, Paiement par carte bancaire, Ordre de paiement, Mandat de payer, Erreur de l'acheteur, Contestation émise auprès du banquier, Révocation par le mandant du mandat de payer pour l'avenir, Recherche nécessaire, Recherche omise, Manque de base légale
Même irrévocable, un engagement de paiement peut être contesté et traduire la révocation, par le mandant, du mandat de payer donné au prestataire de service bancaire.
Le titulaire d'un compte ouvert dans les livres d'une banque, et détenteur d'une carte de crédit, s'est connecté le 7 juin 2009 sur un site Internet pour y faire, selon ses déclarations, l'achat d'un titre unique de musique au prix de 0,99 euro ; à l'issue de cet achat, il a reçu un message électronique lui indiquant la confirmation de son abonnement au prix de 9,99 euros par mois ; à réception de son relevé bancaire mensuel mentionnant un prélèvement de 9,99 euros effectué le 8 juillet 2009, l'acheteur a adressé le 11 juillet 2009 un courrier électronique à la banque, demandant l'annulation de l'opération et la résiliation de l'abonnement ; les prélèvements s'étant poursuivis, il a recherché la responsabilité de la banque. Pour le débouter de ses demandes, le jugement attaqué retient que, s'il n'est pas contestable que le demandeur pensait avoir acheté un titre unique de musique et en avoir réglé le prix, il résulte des pièces produites par les parties que l'achat isolé d'un titre de musique n'était pas envisageable, cet achat s'inscrivant dans une formule à la carte qui obligeait nécessairement l'acheteur à commander d'autres titres jusqu'au plafond de la formule choisie ; il relève encore que l'acheteur s'est manifestement trompé et qu'il ne peut contester a posteriori son engagement de paiement, qui est irrévocable. Au contraire, la chambre commerciale retient qu’en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher, dès lors qu'elle avait relevé que la carte avait été utilisée pour souscrire un abonnement payable mensuellement, si la contestation formulée par le titulaire de la carte ne valait pas révocation pour l'avenir du mandat ainsi donné, la juridiction de proximité n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil.
La conséquence normale de l'autorisation d'une opération est, bien entendu, son exécution dès la réception de l'ordre de paiement et à hauteur du montant indiqué. L'ordre de paiement est en principe irrévocable dès sa réception par le prestataire du payeur. Ainsi, la question se pose de la possibilité de revenir sur une opération de paiement autorisée. Admise, cette possibilité se justifie principalement par l’erreur susceptible d’être commise par le prestataire de paiement comme par le payeur, aboutissant, par exemple, à effectuer un paiement pour un montant supérieur à celui initialement autorisé. Aussi, grâce au cadre législatif commun aux opérations de paiement qu'elle créée, l'ordonnance n° 2009-866 du 15 juillet 2009 réglemente une question autrefois régie par le droit commun et par quelques dispositions spéciales du Code monétaire et financier : la contestation des opérations de paiement autorisées. A priori, celle-ci se révèle délicate dans la mesure où l'ordre est supposé donné irrévocablement, comme le soulignaient, en l’espèce, les premiers juges. Mais elle reste possible, notamment en cas d’erreur du payeur : en l’espèce, le titulaire de la carte avait souscrit un abonnement impliquant plusieurs achats alors qu’il pensait, à tort, pouvoir se limiter à l’achat d’un titre unique. Une fois informée de cette contestation dans le délai prévu par le Code monétaire et financier, la banque n’était plus fondée à opérer les prélèvements mensuels litigieux ; en effet, la négligence du titulaire n’est pas susceptible de la décharger de son obligation de recréditer le montant d’une opération, pourvu que celle-ci ait été contestée dans le délai légal de 70 jours. Aussi bien, contrairement à ce que soutenait le pourvoi, la responsabilité du titulaire de la carte ne peut être, en conséquence, engagée : l’utilisation frauduleuse de la carte par la banque, indifférente à la contestation qui lui avait été adressée, est un frein légal à l’engagement de la responsabilité de son titulaire. Enfin, après s’être fondée sur les dispositions du Code monétaire et financier applicables, la chambre commerciale s’appuie sur le droit commun des contrats pour reprocher à la juridiction de proximité, au visa de l’article 1134 du Code civil, de ne pas avoir recherché si une telle contestation ne caractérisait pas la révocation du mandat de payer un tel abonnement. En effet, la révocation des pouvoirs du mandataire est libre tant dans son principe que dans sa forme ; surtout, d’ordre public, elle reste possible même en cas d’irrévocabilité stipulée. Absolue, cette possibilité de révocation survit donc au principe précité d’irrévocabilité de l’engagement de payer.
Com. 27 mars 2012, pourvoi n°11-11.275
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