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[ 14 mai 2013 ] Imprimer

Procédure pénale

La sanction du non-respect du délai raisonnable n’est pas l’annulation mais la réparation !

Mots-clefs : Délai raisonnable, Sanction, Réparation, Annulation (non)

En vertu des articles préliminaire du Code de procédure pénale et 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l’homme, si la méconnaissance du délai raisonnable peut ouvrir droit à réparation, elle est sans incidence sur la validité des procédures.

La justice pénale doit répondre à l’objectif du respect du délai raisonnable de la procédure, droit fondamental attaché au droit criminel et proclamé aux articles 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l’homme et préliminaire du Code de procédure pénale. C’est au visa de ces deux textes que la chambre criminelle rappelle dans un arrêt du 24 avril, aux termes d’un attendu de principe, que « si la méconnaissance du délai raisonnable peut ouvrir droit à réparation, elle est sans incidence sur la validité des procédures ».

En l’espèce, la cour d’appel de Reims avait cru pouvoir annuler l’ensemble d’une procédure pour abus de confiance, faux et usage, détournement de fonds publics et recel à l’encontre de trois prévenus au motif que « la procédure n’a pas suivi un cours normal, en ce que des périodes d’inactivité sont imputables à l’autorité judiciaire qui n’a, à aucun moment, pris en compte la situation des prévenus, que cette situation est contraire à l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme ». Statuant sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d’appel, la chambre criminelle a censuré ce raisonnement. L'atteinte au principe de célérité se résout pour le justiciable par le biais d’un recours en réparation et non par une annulation de la procédure. La Cour européenne contrôle d’ailleurs l’existence d’un droit à un recours effectif d'indemnisation.

En droit interne, il n’existe pas de recours spécifique en matière de lenteur de la justice pénale ou plus largement judiciaire. Les justiciables doivent agir sur le fondement de l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire qui dispose que « l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. […] cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ». La longueur des délais est ainsi sanctionnée au titre du déni de justice. Afin d’apprécier le caractère ou non raisonnable de la procédure, les juridictions françaises reprennent les critères dégagés par la jurisprudence européenne : complexité de l’affaire, comportement du justiciable, comportement des autorités judiciaires. De surcroît, une méthodologie précise de la réparation du dommage moral consécutif a été élaborée par la Cour européenne des droits de l’homme tant pour elle-même qu’à destination des juridictions nationales appelées à se prononcer sur les recours pour dépassement du délai raisonnable (CEDH 10 nov. 2004, Apicella c/Italie).

Au-delà, il faut rappeler qu’un constat de la violation du délai raisonnable par la Cour européenne ne permettrait pas non plus de remettre en cause la décision rendue, et ayant entraîné la condamnation de la France. Au plan européen, la condamnation par la Cour européenne se traduit par l'octroi au plaignant d'une satisfaction équitable (Conv. EDH , art. 41), si le droit interne ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de la violation constatée. Cette satisfaction équitable consiste en une somme d'argent, versée par l'État condamné. Au plan interne, la procédure de réexamen d'une décision pénale, à la suite du prononcé d'un arrêt de la CEDH (C. pr. pén., art. 626-1) n’est pas ouverte en cas de condamnation de la France pour manquement au délai raisonnable proclamé par l’article 6 § 1er. La Commission de réexamen considère en effet que « la violation de l'exigence du délai raisonnable n'est pas de nature à entraîner le réexamen du pourvoi et de la décision de condamnation » (Comm. réexamen 21 juin 2001).

Crim. 24 avr. 2013, n°12-82.863

Références

■ CEDH 10 nov. 2004, Apicella c/Italie, n° 64890/01.

■ Comm. réexamen, 21 juin 2001, 2 arrêts, no 01 RDH 003 et no 00 RDH 004.

■ Convention européenne des droits de l’homme

Article 6 - Droit à un procès équitable

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 

2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à: 

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense;

c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;

e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience. »

Article 41- Satisfaction équitable

« Si la cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

■ Code de procédure pénale

Article préliminaire

« I. - La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.

Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.

Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.

II. - L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.

III. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.

Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.

Les mesures de contraintes dont cette personne peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.

Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.

Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.

En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui. »

Article 626-1

« Le réexamen d'une décision pénale définitive peut être demandé au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'une infraction lorsqu'il résulte d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme que la condamnation a été prononcée en violation des dispositions de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la violation constatée entraîne pour le condamné des conséquences dommageables auxquelles la " satisfaction équitable " allouée sur le fondement de l'article 41 de la convention ne pourrait mettre un terme. »

■ Article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire

« L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. 

Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »

 

Auteur :C. L.

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